La SLN en rémission

La société le Nickel a frôlé la catastrophe il y a près de deux ans. Le déploiement de son plan d’économie pour lui redonner des marges de manœuvre se déroule comme prévu. Cependant, le marché a changé en profondeur et les industriels devront s’adapter.

La SLN n’a peut être jamais été aussi proche de la liquidation que ces dernières années. La situation catastrophique commence néanmoins à devenir un mauvais souvenir. C’est le bilan qu’a fait son directeur, Jérôme Fabre, mardi, à l’occasion d’une conférence de presse de rentrée. Il a notamment tiré le bilan d’une année 2016 marquée par plusieurs grands moments et notamment la venue du Premier ministre au mois d’avril, qui avait été l’occasion de confirmer le soutien de l’État à la SLN.

Le Nickel a ainsi reçu une enveloppe globale de 63 milliards de francs de la part d’Eramet et de l’Etat pour assurer sa survie. Cette somme, combinée à la mise en œuvre du plan de performance SLN 2018, a permis de réduire notablement le coût de production, hors remboursement des emprunts à 5,06 dollars la livre à la fin 2016. Une victoire pour la société qui est allé au-delà de ses objectifs. Sur une année, la SLN est parvenue à réaliser une économie de 9,9 milliards de francs au lieu de 9,5 milliards de francs. Dans les 18 prochains mois, l’effort devra se poursuivre et permettre de dégager 7,2 milliards de francs en 2017 et une somme similaire en 2018, de quoi faire passer le coût cash de 5,06 dollars la livre de nickel à 4,5 dollars la livre.

Le redressement est en cours

L’entreprise est plutôt en bonne voie. Selon son directeur, le coût est d’ores et déjà passé en dessous de la barre de 5 dollars la livre au mois de janvier. Signe que les choses s’améliorent, si le chiffre d’affaires 2016 est relativement constant par rapport à 2015, l’excédent brut d’exploitation, toujours négatif sur l’ensemble de l’année, est repassé positif sur le second semestre 2016. Une embellie notamment due à l’appréciation du taux de change par rapport au dollar US et au prix du pétrole.

Mais Jérôme Fabre ne cache pas que le marché reste plutôt incertain. L’attention est tout particulièrement portée sur la situation indonésienne et l’implantation toujours plus importante des Chinois dans ce pays qui concentre une part très importante des réserves mondiales de minerai. L’assouplissement de l’interdiction d’export du minerai brut (entre 15 et 20 millions de tonnes de minerai d’une teneur d’environ 1,7 % pourraient être mise sur le marché) et la mise en service de nouvelles usines financées par la Chine devraient peser négativement sur les cours du nickel. Au cours des deux dernières années, la capacité de production des usines en Indonésie a augmenté de près de 90 000 tonnes et elle pourrait encore croître dans les années à venir. La fermeture de 23 mines sur les 41 que comptent les Philippines ne devrait pas permettre de compenser cet effet dépressif sur les cours, d’autant plus que les stocks sont encore relativement élevés. Il n’est donc pas attendu qu’ils diminuent malgré une forte reprise de la demande de l’acier inoxydable (+ 9 % en 2016) qui avait connu une contraction de 0,4 % en 2015.

De nouveaux efforts à prévoir

Autant d’éléments qui laissent à penser que les efforts de la SLN portant le coût de production à 4,5 dollars la livre de nickel ne seront pas suffisants. Le métallurgiste calédonien, leader mondial dans la production de ferronickel, devra aller encore plus loin pour rester dans la course. La prochaine étape pour se mettre au niveau des usines chinoises implantées en Indonésie sera d’atteindre les 4 dollars la livre. S’il reste encore des économies à réaliser via le plan d’action SLN 2018, c’est notamment sur la question de l’énergie que la SLN dispose d’importantes marges de manœuvre.

La centrale électrique de Doniambo, qui sera l’objet d’investissements de 5 milliards de francs dans les deux années à venir, produit une énergie coûteuse. Le salut passera par la construction de la centrale C. Sur les 5 dollars que coûte aujourd’hui une livre de nickel, le coût de l’énergie représente à lui seul un dollar. Selon les estimations de la SLN, la centrale C pourrait faire gagner de 30 à 40 % sur le prix du kilowatt/heure, soit entre 0,3 et 0,4 dollar par livre de métal produit.

Si la direction de la SLN insiste sur le fait que l’emploi n’est pas une variable d’ajustement, mais plutôt le reflet des gains de compétitivité, il n’en reste pas moins que le nombre de salariés a déjà commencé à diminuer. Depuis la mise en œuvre du plan d’économies, le nombre de salariés est passé de 2 150 à 2 050. À terme, il devrait s’établir aux environs de 1 850.

De manière plus générale, le travail porte sur un changement de politique managériale et une modernisation des process. Ces changements doivent notamment permettre une décentralisation des prises de décision qui ont longtemps plombé la gestion de la SLN. Une certaine émancipation serait une manière de gagner un peu de souplesse, un élément essentiel pour le directeur Jérôme Fabre.


Les Chinois rachètent Weda Bay

Après un investissement considérable que certains estiment à un milliard d’euros (près de 120 milliards de francs), le projet de Weda Bay, porté par Eramet, va être repris par le Chinois Tsinchang après que les Japonais de Mitubishi, associés au projet à hauteur de 30 %, s’étaient retirés. Le premier producteur mondial d’acier inoxydable entrerait au capital à hauteur de 55 % dans cette usine d’une capacité de production de 30 000 tonnes de nickel et qui a vocation à devenir une extension d’une autre usine du groupe.


L’exportation, un nouvel axe stratégique de la SLN

La SLN n’est historiquement pas exportateur de minerai, mais l’est devenu pour faire face à la crise. Ce complément représente désormais une activité à part entière du Nickel. En 2016, 894 000 tonnes de minerai humide ont été exportées dont plus de la moitié vers le Japon. Le reste a été envoyé à Gwangyang (34 %), en Corée du Sud, en soutien à la NMC, et vers la Chine (15 %), depuis la fermeture de l’usine australienne QNI dans le Queensland. La SLN exporte du minerai à relativement faible teneur, une teneur équivalente à ce qui est envoyé à l’usine sud-coréenne de Gwangyang

M.D.