La reprise de l’usine du Sud dans la dernière ligne droite

Après le coup d’arrêt lié émeutes, PRNC avait redémarré ses installations autour du 9 décembre 2024 pour une production de nickel hydroxide cake (NHC), un produit intermédiaire destiné au marché des batteries de véhicules électriques. (©Archives Y.M)

Le complexe métallurgique Prony Resources New Caledonia (PRNC), dont 74 % des parts au capital sont à vendre, pourrait savoir à la fin de ce mois si l’affaire est conclue avec la société intéressée, la Chypriote-Qatarie NBM.

Sans être officielle, la nouvelle a gagné la place publique. Béatrice Pierre, présidente de Prony Resources New Caledonia, quittera ses fonctions fin juin. La dirigeante de double nationalité, canadienne et haïtienne, passée par le géant Glencore et nommée à la tête de l’usine du Sud en février 2022, rejoindra, comme prévu, le grand pays nord-américain.

Dévoilé tout prochainement, le nom du nouveau patron de PRNC aura reçu au préalable la bénédiction de l’État, premier créancier et surtout premier financeur de la sauvegarde de la société. Ce même État mène actuellement des négociations exclusives avec la compagnie NBM, pour New Battery Metals, une entreprise minière et métallurgique de nationalité chypriote-qatarie, sur une offre engageante visant à acquérir 74 % des parts de PRNC.

L’enjeu porte bien sur la fiducie, c’est-à-dire le contrat intégrant la cession de biens comme garantie, souhaitée par Paris et composée des 19 % au capital du négociant mondial des matières premières Trafigura, des 30 % de la Compagnie financière de Prony (CFP) et, enfin, 83 % des 30 % détenus par la SPMSC, entité représentant les trois provinces, soit 25 %. Au total donc 74 % des parts des actionnaires.

TROIS OPTIONS

Une échéance d’ailleurs approche. À la fin de ce mois de juin, terme de l’exclusivité, la discussion peut déboucher sur trois options : la validation de l’offre de NBM pour l’acquisition, à l’inverse son rejet et du coup une réouverture de l’appel à candidatures ou encore la prolongation des négociations. La plus grande confidentialité entoure ces pourparlers.

Toutefois, comme dans toute affaire de ce type, la société intéressée, ici chypriote-qatarie, porte une attention particulière sur plusieurs points. Le premier est en lien avec le niveau de production. L’usine du Sud n’a pas encore retrouvé son rythme historique enregistré au premier trimestre 2024 à plus de 3 500 tonnes de nickel mensuelles, et ce, en raison de l’arrêt de sept mois dû aux émeutes.

Néanmoins, depuis le début de l’année 2025, les rendements sont encourageants et tutoient parfois les objectifs. L’analyse par NBM de l’aspect financier du dossier est aussi cruciale, évidemment. Si un gros travail sur la maîtrise des coûts est mené en baie de Prony, la trésorerie reste très fragile. D’après des échos, les fonds actuellement disponibles permettraient de tenir jusqu’en août, voire septembre, et un nouveau prêt de l’État serait indispensable pour finir l’année.

Dans cet écosystème d’éventuelle reprise, la dette de plus de 65 milliards de francs vis-à-vis de l’État constitue un élément central. Une donnée clé dans la discussion. Négocier l’abandon de cette charge est certainement dans la balance.

SUBVENTION ATTENDUE

Outre le climat social et la sécurité, la stabilité politique entre dans l’équation de l’entreprise NBM. Et avec beaucoup de poids. Des économistes et syndicalistes le pensent : l’accord global sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie recherché, vraisemblablement début juillet, à Paris, par tous les partenaires politiques pèsera dans la démarche d’achat des parts de Prony Resources New Caledonia. Notamment pour une raison : la société, chypriote pour l’industrie et qatarie pour les ressources financières, compte de toute évidence sur la subvention à l’énergie de l’État.

L’aide ferait baisser cette part spécifique et incontournable dans le coût de production et améliorerait ainsi la compétitivité de l’usine. En attendant la mise en place du schéma énergétique global pour la Nouvelle-Calédonie. Autre élément, le nickel est stratégique, la France et l’Europe ont besoin de ce métal notamment pour accélérer la transition écologique. Comme tous les Calédoniens, NBM veut de la visibilité.

Yann Mainguet

Demande d’explications

La filiale d’Eramet a annoncé la nouvelle sur les réseaux sociaux. Le projet CalédoNi de la SLN a été retenu la semaine passée comme projet stratégique par la Commission européenne dans le cadre du Critical Raw Materials Act (CRMA). Cette initiative permet notamment de réduire les émissions de CO2 et de poussières à l’usine, selon l’industriel.

Une autre société calédonienne concourait. La NMC avait déposé un projet pour la réouverture de la mine de Boakaine, à Canala, avec 7,8 milliards de francs d’investissement – dont 40 % étaient destinés à l’achat d’engins miniers auprès de sociétés européennes – et 200 emplois créés avec la sous-traitance. L’objectif, après traitement du minerai au sein de l’usine calédonienne SNNC, en Corée du Sud, est d’envoyer 10 000 à 12 000 tonnes de nickel par an sous forme de mattes en Europe pour le secteur des batteries. Le dossier n’a pas été retenu. Une vraie déception pour la SMSP, actionnaire de la NMC, car ce projet remplissait beaucoup de critères du CRMA, selon la société.

La filiale va demander des explications sur les raisons de cette non-sélection, et ce, afin si possible d’apporter des corrections et répondre au prochain appel d’offres dans le cadre du Critical Raw Material Act. La sélection permet d’obtenir, à terme, des subventions et autres aides.