La province Sud compte redonner des compétences à la Nouvelle-Calédonie

Ce jeudi, les élus de l’assemblée de province Sud devraient voter trois délibérations qui rétrocèdent des délégations au gouvernement ou qui mettront fin à certaines dépenses de fonctionnement. Sont notamment visés l’aide médicale et l’enseignement privé.

Les élus de province Sud vont devoir se pencher, ce jeudi, sur trois délibérations importantes qui font du bruit depuis quelque temps. La collectivité ne pouvant pas boucler son budget 2021, les élus vont devoir décider s’ils redonnent ou pas à la Nouvelle- Calédonie certaines missions qui lui reviennent, comme l’aide médicale qui coûte six milliards de francs par an. Ils vont aussi se prononcer sur la fin ou non du financement de dépenses de fonctionnement, comme celles qui concernent les établissements de l’enseignement privé d’un montant de 1,1 milliard de francs par an.

Pour se justifier, la province Sud explique que ces rétrocessions ou l’arrêt de ces financements. sont la conséquence d’un manque de dotations de la Nouvelle-Calédonie, soit moins 25 milliards pour 2019, dont moins de 4,7 milliards pour la province Sud. Malgré les efforts de rationalisation engagés depuis plusieurs années par les différents exécutifs, la collectivité est dans l’incapacité d’équilibrer son budget. À cela s’ajoute la crise de la Covid-19, qui a laissé des traces sur le budget, et une clef de répartition, qui n’est pas en faveur de la province.

Face à ce constat, le nouvel exécutif a décidé de soumettre à l’assemblée de ne plus assumer certaines compétences qui avaient été déléguées aux provinces par le gouvernement. Ces délégations devaient faire l’objet de compensations financières qui ne sont cependant pas honorées par le gouvernement. La province Sud estime que c’est au gouvernement et au Congrès d’assumer leurs responsabilités en levant les impôts nécessaires au financement de ces compétences.

Risque d’un choc de défiance

Dans un courrier adressé au gouvernement le 20 novembre, Sonia Backes, la présidente de la province Sud, fait ainsi savoir que les conventions de financement passées avec la Ddec et l’Asee seront résiliées au 31 décembre. Le temps que le gouvernement puisse trouver des solutions, la province pourrait passer des conventions trimestrielles, renouvelables trois fois et qui prendraient donc fin définitivement au 31 décembre 2021. Une décision prise sans concertation, malgré les discussions mises en place dans le cadre du groupe de travail des présidents et signataires de l’Accord de Nouméa et qui devrait provoquer des remous. Si les provinces Nord et Îles devaient emboîter le pas, le gouvernement se retrouverait dans l’obligation d’assumer plus d’une dizaine de milliards de francs de dépenses supplémentaires. Une situation qui imposerait à la collectivité de lever autant d’impôts nouveaux, sans compter les autres impôts qui étaient déjà prévus pour assurer les besoins de financement existants. Les Calédoniens pourraient mal vivre ces changements brutaux avec le risque d’une véritablement rupture de la confiance.

Sans impôts nouveaux, (le gouvernement doit obtenir l’aval du Congrès), l’institution se retrouverait alors dans l’incapacité de financer ces services qui concernent tout de même près de 60 000 personnes pour l’aide médicale et environ 20 000 élèves du privé. On peut d’ailleurs noter que dans le cas de fermeture de classes du privé, ces derniers seraient automatiquement dirigés vers le public, dont une partie du financement est assurée par les provinces. Au cas où les financements feraient défaut, on connaîtrait soit une dégradation très nette du système éducatif et de protection sociale, soit une impossibilité pour le gouvernement de boucler son budget, donc de verser les dotations aux provinces. Sans solution consensuelle, une des options est que la Nouvelle-Calédonie soit placée sous la tutelle de l’État. Ce sera le cas si le Congrès n’adopte pas de budget d’ici le 31 mars 2021.

Pour mémoire, c’est seulement la deuxième fois dans son histoire contemporaine que la Nouvelle- Calédonie n’adopte pas de budget avant le 31 décembre. La première fois en 2018, était liée à la démission de Thierry Cornaille, le membre du gouvernement en charge du budget d’alors, qui avait simplement décalé l’adoption du budget. La configuration est sensiblement différente puisque l’exécutif attend surtout de voir quel sera son manque à gagner fiscal pour pouvoir construire son budget. Si on lui ajoute des milliards supplémentaires, il y a de fortes chances qu’il ait bien du mal à le boucler, d’autant que la réforme fiscale annoncée est loin de revoir en profondeur le système actuel. Nous reviendrons sur le sujet dans une prochaine édition.