La Nouvelle-Calédonie retenue par le programme « Territoires d’innovation »

La Nouvelle-Calédonie a été sélectionnée dans le cadre de l’appel à projets de l’État « Territoires d’innovation ». Elle fait partie des 24 lauréats qui pourront bénéficier de l’enveloppe de 53,55 milliards de francs sur dix ans pour soutenir les projets innovants en matière de développement durable et d’amélioration de la compétitivité par l’innovation et le numérique. La Nouvelle- Calédonie est le seul lauréat ultramarin. L’instruction des dossiers pourrait commencer dans le courant du premier semestre 2020.

Les responsables politiques du gouvernement, Thierry Santa, le président, et Philippe Germain, le membre du gouvernement en charge du parc de la Mer de corail, étaient euphoriques à l’annonce de la liste des lauréats à l’appel à projets, « Territoires d’innovation », le 13 septembre par le Premier ministre, Édouard Philippe. Ce programme vise à accompagner des projets innovants et durables dans les territoires français sur les dix prochaines années. La Nouvelle-Calédonie fait donc partie des 24 territoires retenus, il s’agit d’ailleurs du seul territoire ultramarin, qui recevront l’aide de l’État au travers de la Caisse des dépôts et consignations et sa filiale la Banque des territoires.

L’enveloppe globale pour l’ensemble des projets est de 53,55 milliards de francs. La part de la Nouvelle-Calédonie sera de 1,7 milliard de francs sur dix ans dans le cadre du programme d’investissement d’avenir pour développer les projets autour du parc de la mer de Corail. Toute l’idée du dossier, déposé en 2017, était de parvenir à faire de la préservation de la biodiversité un levier de développement économique. Le chemin du dossier calédonien a toutefois été sinueux.

Comme le relève le parti politique Construire autrement, la candidature calédonienne a tout d’abord essuyé un refus, le dossier présentant de profondes carences en matière de partage de gouvernance, « l’absence de bénéfices pour les populations, la quasi-absence de cofinancement de la part du secteur privé » et de réalisme des projets. C’est l’intervention du Premier ministre qui a permis de repêcher les Calédoniens qui ont pu directement bénéficier de l’expertise de l’État. Fin 2018, la Caisse des dépôts, qui tient les cordons de la bourse du projet, est venue en mission en Nouvelle- Calédonie afin de reprendre le dossier de A à Z. Pour Construire autrement, la « sélection » était donc sans surprise.

L’histoire n’est pas simplement anecdotique puisqu’elle traduit le fait que les Calédoniens ont bien du mal à accéder aux financements métropolitains, mais aussi européens par manque de connaissances techniques et de rigueur dans le montage des dossiers. Un travail sur le savoir-faire d’accès aux financements sera indispensable, d’autant que la Nouvelle-Calédonie sera désormais éligible à de nouveaux fonds européens dès janvier 2020.

Selon Eric Pannoux, le représentant de la Banque des territoires qui s’occupera de l’instruction des dossiers et l’allocation des fonds, les premiers dossiers pourraient être examinés dans le courant du premier semestre 2020. Les interventions prendront deux formes : la subvention ou la prise de participation dans les projets. Au total, les pouvoirs publics apporteront un soutien de 1,7 milliard de francs, répartis entre les subventions pour 732 millions de francs et près d’un milliard de francs pour la prise de participation.

Au total, le montant des investissements, publics et privés, devraient atteindre les 8,6 milliards de francs. La branche locale de la Banque des territoires ne s’interdit pas d’augmenter les prises de participation sur ses fonds calédoniens. D’autres projets pourront être ajoutés aux quinze premiers. La répartition des financements sera ainsi modifiée en fonction des besoins et des capacités des porteurs de projet à mobiliser les investissements privés. L’allocation des subventions se fait dans le cadre d’un cofinancement qui respectera les critères classiques de la Caisses des dépôts et consignations.


AXE 1

Mettre en place des activités d’observation au service d’un triptyque préservation, recherche et valorisation économique

Acquérir une flotte permanente de drones sous-marins autonomes pour avoir une meilleure connaissance des environnements sous-marins profonds et disposer d’outils d’aide à la décision (projet porté par Abyssa Nouvelle-Calédonie).

Déployer le premier Smart câble opérationnel dans le monde entre la Nouvelle-Calédonie et le Vanuatu. Ce câble sera doté de capteurs environnementaux qui fourniront des éléments essentiels au suivi des changements climatiques et à la mise en place de systèmes d’alertes précoces des aléas naturels, notamment des tsunamis (projet porté par l’OPT-NC).

Concevoir et lancer une sentinelle mobile des océans afin de permettre une surveillance de la qualité des eaux à des échelles régionales, notamment pour suivre l’impact des activités industrielles et minières dans le cadre d’exploitations des fonds marins (projet porté par le laboratoire AEL/LEA, spécialisé en analyses et expertises environnementales).

Mettre en place un hub de données géospatiales pour assurer la pérennité, l’accessibilité, l’exploitation et la valorisation de données d’observation de toutes origines (terrains, satellites, drones sous-marins du projet Abyssa, câble Smart, etc.) (projet porté par la Cipac).


AXE 2

Développer des filières économiques locales contribuant à la préservation / valorisation de la biodiversité

Accompagner la structuration de la filière des biotechnologies par la mise en place d’une plateforme analytique biotech mutualisée. L’objectif est de devenir la référence régionale pour l’approvisionnement en extraits naturels originaux et la valorisation de la biodiversité calédonienne (projet porté par Nativ’NC).

Mettre en place une plateforme de production pilote et à échelle industrielle pour identifier de nouveaux actifs végétaux à forte valeur ajoutée dans les plantes calédoniennes, développer la filière de production végétale et les outils d’éco-extraction innovants en ciblant les secteurs de la cosmétique et de l’agroalimentaire, localement puis à l’international (projet porté par NC Bioressources).

Découvrir et mettre sur le marché des molécules innovantes issues du monde marin (principes actifs, bioplastiques, pigments, antibiotiques, probiotiques) par un procédé de production moderne de la biotechnologie (projet porté par Biotecal).

Valider à l’échelle pilote le modèle technico-économique d’une ferme de production de spiruline marine (microalgues) (projet porté par l’Adécal Technopole et la province Nord, via la SAEML Nord Avenir et un promoteur privé).


AXE 3

Mettre en place les conditions d’un tel changement

Construire une Cité de la connaissance pouvant accueillir le Musée maritime, la création d’un musée d’histoire naturelle, un centre de conférences, un espace d’expositions itinérantes, une structure de développement pour projets et entreprises innovantes (incubateur, pépinière, hôtel d’entreprises, plateforme de recherche analytique), des bureaux pour accueillir les équipes du parc naturel de la mer de Corail, une surface de bureaux complémentaires pour les scientifiques, un espace d’accueil d’entreprises, une zone commerciale destinée à la promotion des productions locales et artisanales à destination du public et un lieu de restauration / snack (projet porté par La Foncière calédonienne).

Créer un espace de coworking sur une superficie de plus de 700 m2 avec un potentiel de 2 000 m2 situés en plein centre-ville de Nouméa. Il offrirait à la communauté un espace agréable où travailler, se réunir et échanger. Ce projet répondrait à de forts besoins exprimés par l’écosystème du numérique (projet porté par ADE-N – Association pour le développement des entreprises du numérique).

Installer une ferme corallienne sur l’île de Lifou, dans la baie de Jinek (tribu d’Easo, district Wetr), pour réhabiliter les sites dégradés par les activités touristiques, préserver les sites naturels en offrant aux croisiéristes des solutions originales pour observer les coraux sans les dégrader et développer l’économie locale (projet porté par la province des îles Loyauté).

À l’aide de technologies numériques photo-vidéo immersives novatrices (photos et vidéos 360°, réalité virtuelle, etc.), permettre la sensibilisation et l’appropriation du milieu marin du territoire par la population calédonienne (écoles, collèges, lycées, public, Festival de l’image sous-marine), la collecte de données à des fins scientifiques et/ou économiques, la reconnaissance de cet espace de biodiversité exceptionnel au-delà des frontières et la valorisation de la destination donnant suite au classement du lagon au patrimoine mondial de l’Unesco (projet porté par Odyssey et Underwater Earth).

Créer une unité industrielle de valorisation énergétique des déchets plastiques créatrice d’électricité qui serait injectée dans le réseau local (projet porté par A2EP SAS, société calédonienne d’études, d’ingénierie et de conseil).

Valoriser des déchets de poissons (15 tonnes par an) générés par la pêcherie artisanale de Lifou, à destination de l’alimentation animale et de la nutraceutique (compléments alimentaires vendus sous forme de pilules ou poudres pouvant avoir un effet physiologique bénéfique ou assurer une protection contre les maladies chroniques (ex : poudre d’arêtes, hydrolysat de protéines de poissons, etc.) (projet porté par le pôle marin de l’Adécal Technopole).

 

M.D.

©Nicolas Alain Petit Biosphoto via AFp