La Nouvelle-Calédonie placée en état d’urgence sanitaire

French Overseas Minister Sebastien Lecornu delivers a speech during a session of Questions to the government, on November 17, 2020 at the National Assembly in Paris. (Photo by Bertrand GUAY / AFP)

En urgence, et en session extraordinaire à Paris, l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté la loi de « prorogation de l’état d’urgence sanitaire dans les Outre-mer ». Pour la première fois, la Nouvelle-Calédonie est placée sous ce statut d’exception : il donne au haut-commissaire des pouvoirs élargis ainsi que la possibilité de prendre des mesures coercitives en période de pandémie.

Tant qu’elle était « Covid-Free », la Nouvelle-Calédonie gérait elle-même sa politique sanitaire et la vie dite « normale » pouvait suivre son cours : ce temps est révolu. Réunis en session extraordinaire, et dans le cadre d’une procédure accélérée, les parlementaires réunis à Paris à l’Assemblée nationale et au Sénat ont adopté définitivement la « prorogation de l’état d’urgence sanitaire dans les Outre-mer » ce jeudi 9 septembre 2021 : pour la première fois, la Nouvelle-Calédonie figure parmi les territoires soumis à cette loi d’exception.

« En Nouvelle-Calédonie, qui était jusque-là exempt du virus, le territoire a réagi très vite à l’annonce des tout premiers cas, reconnaissait le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu au moment de défendre le texte du gouvernement devant les deux assemblées. Avant d’assumer d’imposer des restrictions de liberté sur le Caillou. « 35 % seulement des Calédoniens ont eu une dose de vaccin. Les mesures d’état d’urgence sanitaire sont justifiées par l’éloignement et l’insuffisance de la couverture vaccinale. À long terme, notre seul outil est la vaccination, nous sommes entrés dans une épidémie de non-vaccinés », martelait-il encore en séance.

« La vaccination est le principal enjeu des semaines à venir, il faut poursuivre l’effort », abondait le sénateur (Les Républicains) Philippe Bas, rapporteur du texte pour la Haute assemblée. Il était rejoint sur cette ligne par nombre de ses collègues, dont le sénateur (Les indépendants) Claude Malhuret : « La Nouvelle-Calédonie, qui a rendu la vaccination obligatoire, nous donne l’exemple !, se félicitait ce dernier à la tribune. La vaccination obligatoire ou au moins généralisée en France métropolitaine est notre prochain défi. Il faudra trancher cette question dans les prochaines semaines. »

Pour avoir déjà été tranchée en Nouvelle-Calédonie, la vaccination obligatoire ne cesse de poser des questions juridiques et morales d’importance. Tout comme le fait de placer la Nouvelle-Calédonie sous état d’urgence alors que la Santé est une compétence du gouvernement local.

« Ce texte place les collectivités du Pacifique sous une forme de curatelle et efface leurs compétences, déplorait ainsi la sénatrice (Union Centriste) de Polynésie Lana Tetuanui. Il appartient désormais exclusivement à l’État de prendre les décisions relatives à la lutte contre l’épidémie dans ces territoires alors qu’ils gèrent une compétence de principe et l’État une compétence d’exception. Cette période tend hélas à devenir le droit commun. »

Des pouvoirs d’exception

Confinement, couvre-feu, interdiction de rassemblement, jauge dans les établissements recevant du public : la liste des pouvoirs d’exception à la disposition du préfet ou du haut-commissaire commence maintenant à être bien connue des citoyens de l’Outre-mer français – à titre d’exemple, la Guyane vit sous ce statut de droit d’exception depuis le 12 octobre 2020. Les Calédoniens devront se familiariser avec ces pouvoirs élargis du haut-commissaire : cette boîte à outils servira à l’administration pour juguler la progression de l’épidémie de Covid-19 au moins jusqu’au 15 novembre.

Si elle a été adoptée à une très large majorité par les députés et les sénateurs, cette loi qui consacre l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie n’a pas recueilli l’unanimité. La France Insoumise à l’Assemblée nationale et le groupe communiste au Sénat ont voté contre. Le président de la France Insoumise, le député (LFI) Jean-Luc Mélenchon a dénoncé dans des termes très vifs un « recul des libertés ». « C’est la première fois qu’un texte de cette mandature concerne spécifiquement les Outre-mer, déplorait à la tribune l’opposant au gouvernement en proposant à ses collègues une motion de rejet du texte. On ne peut pas dire que la situation dans les Outre-mer n’était pas prévisible : c’est la situation de crash social dans ces territoires qui a conduit au crash sanitaire. »

Rejetés à une très large majorité par les élus de la République en Marche (LREM), le parti présidentiel ainsi que ses alliés centristes et de droite, aucune des propositions et aucun des amendements de la France Insoumise n’a prospéré.

La majorité des élus a en revanche salué le maintien de mesures économiques de soutien aux secteurs les plus impactés par la crise sanitaire comme l’hôtellerie ou la restauration. Gouvernement, élus de la majorité comme élus d’opposition : tous ont salué d’une même voix les renforts sanitaires partis de métropole pour les Antilles et de Nouvelle-Calédonie pour la Polynésie française. Leur nombre est pour l’instant évalué par le gouvernement à 2 000 personnels supplémentaires, répartis sur les Antilles, la Guyane, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie.

 

Julien Sartre

©archive Bertrand Guay/ AFP