À l’école primaire Paul-Duboisé, préservée des dégradations, 80 % des 240 élèves étaient présents lundi matin. À l’autre bout de l’échelle de la fortune et de l’infortune, le lycée professionnel de Rivière-Salée, complètement dévasté, ne rouvrira pas avant 2025.
« Ça va ? Vous n’avez pas trop…Vous avez bien vécu dans votre quartier ? », tente le maître Jean-Yves Coulon. « Pas trop. Il y avait des explosions un peu partout », répond un élève qui a passé les dernières semaines à Rivière-Salée. « J’étais chez ma mamie, à Portes-de-Fer, j’ai pas envie d’y retourner parce que là-bas y’a trop de tirs… », dit un autre. « J’habite pas très loin, ça s’est bien calmé, la ville », tente de le rassurer l’enseignant.
« Moi, un soir, mon père il faisait un peu gardien. Ils ont entendu des coups de feu, du coup ça a fait un peu peur. Mais heureusement, ils avaient des armes pour se protéger. » Jean-Yves Coulon fait la moue : l’apologie des armes n’est pas au programme du CM2. Un autre enfant gardera un bon souvenir de Katiramona. « Ici, au cul-de-sac, y’avait des gens qui descendaient et qui faisaient de la nourriture pour nous, au chapiteau. Tous les soirs, on discutait et on jouait avec les enfants des autres. »
PLUS PRÉSERVÉS QUE D’AUTRES
Cette entrée en matière est à la hauteur des espoirs de Mickaël Lelong. « Ça fait énormément de bien. Les enfants n’ont pas traîné des pieds, il y avait un grand sourire, un vrai engouement pour revenir à l’école », constate le directeur de l’école primaire Paul-Duboisé, qui promet de ne pas éluder les problèmes. « On ne va pas omettre le travail sur les émotions. Certains enfants ont peut-être un traumatisme par rapport à tout ce qui s’est passé, même si pour nous, le quartier a été plutôt préservé. »
Avec zéro dégât et 194 élèves présents sur 240 inscrits, l’école de Katiramona s’en sort plutôt bien. Sur la commune de Dumbéa, six des 18 écoles n’ont pas rouvert lundi 17 juin. « On a encore des quartiers non sécurisés, donc on poursuit avec de la continuité pédagogique. Les enseignants l’ont préparée, ce sera d’abord de petites révisions, pour aller progressivement vers les apprentissages et le retour à la normale », explique Marie-Laure Ukeiwë, cheffe adjointe de la Direction de l’éducation (Deres) de la province Sud.
PETRO-ATTITI SACCAGÉ « MÉTHODIQUEMENT »
À l’opposé de Paul-Duboisé, la situation la plus grave est certainement celle du lycée professionnel Petro-Attiti et de ses 780 élèves. Ce lundi matin, pas de cours, pas de profs, plus grand-chose d’ailleurs. L’établissement a été « saccagé méthodiquement », constate Jean-Luc Barnier, proviseur du lycée. Bâti- ment après bâtiment, étage après étage, chaque pièce a été vandalisée, certaines ont été brûlées. Les murs sont couverts d’inscriptions qui sont tantôt des messages indépendantistes, tantôt des insultes adressées au président de la République, Emmanuel Macron, et à la présidente de la province Sud, Sonia Backès.
Laurent Tomasini, architecte au service du vice-rectorat, commence tout juste un travail de titan : recenser et chiffrer, mètre carré après mètre carré, l’ensemble des dégâts subis par Petro-Attiti, y compris en raison des pillages. Dans les chambres, tous les matelas ont disparu. Dans les ateliers, « tous les outils ont été volés. Je n’ai pas retrouvé la moindre mèche de perceuse ». Le plateau technique de la filière électricité venait de recevoir du matériel pour un montant de 20 millions de francs, aujourd’hui brisé ou volé.
Petro-Attiti ne pouvant rouvrir avant 2025, Jean-Luc Barnier tente désormais de recaser une partie de ses 780 élèves dans les autres lycées professionnels de l’agglomération : Do Kamo, Champagnat, Jules-Garnier, Jean- XXIII… Ce dernier a subi un incendie dans la nuit du dimanche 16 au lundi 17 juin, heureusement circonscrit au faré. « Si on devait perdre encore un établissement de cette ampleur, [le redéploiement] deviendrait quasiment impossible », prévient Isabelle Champmoreau, membre du gouvernement chargée de l’Enseignement.
Gilles Caprais