La folie des sushis

Ces dernières années, les restaurateurs ont vu fleurir de nouveaux concurrents. La cuisine japonaise est appréciée depuis longtemps des Calédoniens mais c’est avec autant de force qu’ailleurs que la vague des sushis a déferlé sur le territoire. On en trouve désormais à toutes les sauces et pour toutes les bourses. Prenez vos baguettes, nous vous proposons un petit tour en cuisine.

Sushis… Dans l’imaginaire collectif, ce mot résume à lui seul la cuisine japonaise. À tort, puisque la cuisine japonaise est en réalité bien plus riche que ces assemblages de riz et de poisson cru, le plus souvent. S’ils ne reflètent pas la grande diversité de cette cuisine, ils en résument néanmoins la sobriété et l’esthétisme très recherché des Nippons. La gastronomie japonaise, connue sous le nom de kaiseki, est un legs d’un empereur, vers 800 après Jésus-Christ, selon Mathieu Chatelain, le chef du restaurant Sushi Hana ouvert il y a cinq ans. Le souverain a décidé d’unifier la cuisine du pays en la codifiant de manière très précise, notamment autour du thé. Elle relève davantage de la philosophie et comprend une grande variété de plats dont les sushis.
La longue histoire du sushi a commencé aux environs du Ve siècle, quand le riz fermenté servait de conservateur pour le poisson. La forme la plus connue (les nigiris) que l’on connaît aujourd’hui est une invention de Hayana Yohei, un chef d’Edo (Tokyo), au début du XIXe siècle. Il faudra attendre cent ans pour que la vague du sushi déferle sur le monde entier. La Calédonie n’a pas été épargnée, notamment du fait de ses relations avec le pays du Soleil-Levant. En quelques années, le Caillou a vu fleurir de nouvelles enseignes spécialisées dans les sushis, au point qu’aujourd’hui on peut trouver de tout à tous les prix parmi la petite dizaine de restaurants et de traiteurs sur Nouméa. Sushis roulants, restaurant classique, à emporter, à apprendre à faire soi-même et du traditionnel à la fusion. Mais s’il existe de nombreuses enseignes, chacune semble avoir sa place sans marcher sur les plates-bandes de ses concurrentes.

La quête de l’originalité

Pas de grandes chaînes, comme en Europe, qui sont à l’origine de la démocratisation de cette petite boule de riz coiffée d’un morceau de poisson. Pour Line Hoang, qui a ouvert Tari Sushi au Quartier-Latin il y a un peu plus de quatre mois, le coup de foudre a justement eu lieu dans une de ces chaînes. Son enseigne, positionnée à l’origine sur l’approvisionnement des grandes surfaces (trois laboratoires occupent ce créneau), a ouvert son restaurant permettant de créer un lien avec la clientèle qui le demandait. Pour Line Hoang, se lancer dans les sushis était également un moyen de proposer des produits qu’elle aimait mais qu’elle ne trouvait pas sur le marché. « J’adore ça et j’en mange », glisse la jeune chef d’entreprise. Son credo : originalité, rapidité et prix abordable.

Après avoir été relativement traditionnel, le sushi a évolué et fait désormais la part belle à la créativité et l’originalité. Tari Sushi propose, par exemple, des sushis chèvre-figue ; ailleurs, on peut également trouver des sushis au foie gras. Signe que le sushi est véritablement entré dans les mœurs, le Fronton basque a même réinventé la recette en proposant sa version du Sud-Ouest composée de riz, bien sûr, et de jambon cru au lieu du poisson. Une originalité qui se fait parfois au détriment du goût. Chez nos voisins australiens et néo-zélandais, on trouve par exemple des sushis frits… On est loin de ce qui a fait le succès du sushi et de la tradition culinaire japonaise.

La recherche d’une cuisine saine

Pour Mathieu Chatelain, qui s’est formé dans une école de sushis réputée de Tokyo et dont le restaurant propose une cuisine gastronomique japonaise plutôt traditionnelle, c’est le côté sain de la cuisine qui a séduit les millions de consommateurs à travers le monde. « Les gens ont réalisé que ce qu’ils mangeaient avait un impact sur leur physique et leur mental, c’est ce qui explique le boom du bio mais aussi de la cuisine japonaise », analyse le chef cuisinier. Mais le sushi est bien plus qu’une simple boulette de riz que l’on engloutit en une seconde, du moins au Japon. Le plus grand cuisinier japonais depuis quatre ans est un maître sushi de 84 ans. « Le maître sushi n’est pas là que pour faire des sushis, souligne Mathieu Chatelain. Il doit aussi communiquer avec ses clients. Les gens viennent parler, cela se voit beaucoup au Japon. » Une réalité qui est bien différente ici. Régulièrement, le chef du Sushi Hana s’entend dire que sa cuisine est trop chère pour la quantité. Un reproche qui le met hors de lui.

S’il est vrai que le sushi est composé d’un peu de riz, d’un bout de poisson et se mange en une bouchée, il nécessite beaucoup de travail et l’utilisation de produits nobles et d’extrême fraîcheur. C’est une philosophie et un voyage à part entière que Mathieu Chatelain s’attache à faire découvrir. Pour ceux qui voudraient se convaincre que le sushi demande beaucoup de travail, il leur suffit de s’y essayer avec Yumi, la gérante de la boutique japonaise Osakaya qui donne également des cours de cuisine. Un bon moyen d’impressionner ses amis et de découvrir une cuisine aussi saine qu’étonnante.

M.D