Auditionnés le 26 mai par le Conseil économique, social et environnemental de la Nouvelle-Calédonie, les représentants de la filière audiovisuelle et cinématographique ont dressé un état des lieux de leurs difficultés et attentes.
Lancée de 14 avril sur la nouvelle plateforme du Cese NC, une pétition en soutien à la culture a obtenu les 400 signatures nécessaires en 15 jours. Cette mobilisation a permis d’engager une autosaisine citoyenne, la première de l’institution. Preuve que le sujet importe, malgré l’amas de problèmes dans tous les pans de la société. Un vœu sera rendu le 25 juin par l’intermédiaire de la commission de la culture, de la jeunesse et des sports.
C’est dans ce cadre que les acteurs de tous les secteurs culturels ont été auditionnés. Catherine Marconnet (FIPA-NC*), Terence Chevrin (ACPF*) et Delphine Ollier-Vindin (RECIF*) ont été entendus pour l’audiovisuel alors que le festival RECIF amène un focus sur le cinéma.
Dans leur rapport que nous avons pu consulter, ils décrivent, avant la crise, un secteur d’activité porteur avec des retombées économiques importantes en termes d’emploi local, d’achats de biens, de location d’hébergements, de prestations de services. En 2002, elles étaient évaluées à environ 1,3 milliard de francs (hors diffu- seurs) avec, pour cette filière, « une place significative, bien que peu reconnue, dans l’économie du pays ». À cela s’ajoutaient des retombées indirectes : promotion du patrimoine, information aux populations, rayonnement du territoire, etc.
FILIÈRE PORTEUSE, MAIS FRAGILISÉE AVANT LA CRISE
En 2022, 165 personnels actifs étaient recensés, soit 100 équivalents temps plein. L’activité des sociétés et prestataires était répartie principalement entre la production de contenus pour la télévision ou les agences de communication et la fiction (moins nombreux, plus onéreux).
La Nouvelle-Calédonie proposait aussi le Festival du Cinéma de La Foa qui a accompagné durant 26 ans les productions calédoniennes et fait émerger les jeunes talents (740 courts métrages, 178 clips, 275 réalisateurs de tous niveaux…)
Jusqu’en 2023, le fonds audiovisuel et cinématographique (FAC-NC), « principale mesure de soutien financier public local à la filière », abrité par le gouvernement, était doté d’une enveloppe annuelle d’environ 125 millions de francs avec une participation soutenue de la province Sud. La filière était malgré tout « fragile », avec peu de visibilité, seulement 10 % de salariés.
La crise sanitaire avait entraîné une baisse de chiffre d’affaires pour 77 % des entreprises et la situation s’était encore aggravée avec la crise institutionnelle qui avait paralysé le fonds et le cinéma calédonien pendant plusieurs mois en 2023 et 2024.
APRÈS LE 13-MAI
La crise de mai 2024 a porté un coup terrible à la culture et à la filière audiovisuelle, qui a perdu tout ou presque ses soutiens institutionnels. « Nous sommes conscients de la chance que le FAC-NC existe encore dans ce contexte. Cependant la moyenne annuelle du fonds est tombée de 125 millions de francs à 80 en 2024, et devrait diminuer de façon significative en 2025 », déplore Catherine Marconnet.
Il n’y a plus de commandes publiques, des départs d’acteurs, de publics consommateurs. Des tournages jugés trop sensibles sont aussi annulés ou reportés, et cela génère une crainte de voir des « restrictions artistiques et créatives ». Il y a moins de films calédoniens sur les écrans et des professionnels doivent se mettre en pause, trouver un autre travail, ce qui contribue encore à la « perte de compétences ». Il est plus difficile d’attirer les productions extérieures, frileuses du climat social, ou faute de moyens locaux.
Désormais toute la filière et en particulier les producteurs, les réalisateurs, attendent « avec impatience » la commission du FAC-NC. Habituellement, deux commissions par an permettent d’attribuer les sommes. Il n’y en avait qu’une en 2024, et cette année, elle se tiendra en milieu d’année, tardivement, sachant que tous les professionnels en sont tributaires et que les demandes seront nombreuses.
Des temps difficiles, donc, même si chacun a « bien conscience des priorités du moment et que c’est déjà bien qu’il y ait une commission ». Mais, rappelle Catherine Marconnet, « ce sont nos métiers et on est quand même un réseau de gens passionnés qui sont loin de rouler sur l’or ».
Dans leur rapport, les professionnels concluent sur l’importance de leurs productions. « Les Calédoniens consomment des contenus audiovisuels et cinématographiques continuellement, mais pourtant très peu de choses locales. Nous pensons qu’il est important de continuer nos efforts pour leur apporter de la diversité dans les contenus qu’ils regardent et auxquels ils s’identifient. »
Chloé Maingourd
FIPA-NC : Fédération indépendante des producteurs audiovisuels de Nouvelle-Calédonie. ACPF : Association calédonienne des producteurs de fiction. RECIF : Réalisateurs émergents, cinéma international et films du Pacifique.
Les préconisations
Pour maintenir la filière à flot, les responsables associatifs proposent de diversifier et pérenniser le fonds de l’audiovisuel et retrouver un niveau de soutien « au moins équivalent à celui d’avant les émeutes », instaurer des mesures fiscales et bancaires, pérenniser le soutien public aux festivals, renforcer les réseaux de diffusion entre la Nouvelle- Calédonie et l’extérieur, développer les partenariats avec les pays du Pacifique, notamment pour les fictions. Il faut par ailleurs mieux structurer la filière, améliorer les conditions d’accueil des productions extérieures.