La fierté d’un père

Yoram Moefana « a changé, il a pris conscience de ses atouts, il s’est libéré », estime son père Taofifenua Falatea. (© Y.M)

Yoram Moefana a tout réussi. S’imposer dans le XV de France, réaliser un Tournoi des Six Nations remarquable, inscrire un doublé, être élu homme du match contre l’Écosse, et enfin soulever le trophée. À Dumbéa, son père Taofifenua Falatea voit à travers la belle trajectoire le fruit d’une volonté de fer.

  • UN RITUEL »

L’incontournable journal sportif L’Équipe lui a attribué un sympathique surnom : Le petit prince de Futuna. Lors de ce Tournoi des Six Nations 2025, Yoram Moefana a même brillé avec la classe d’un roi. Le rugbyman international, né en 2000 à Nouméa, a été « le seul joueur tricolore, avec Louis
Bielle-Biarrey, à disputer chaque minute de la compétition », rappelle le média. « On a l’impression qu’il y a eu un accomplissement » samedi, heure parisienne, sur la pelouse du Stade de France, observe son père, Taofifenua Falatea, assis dans les locaux du club de Dumbéa. « Je me suis dit : mon fils est en train de passer un cap. C’est-à-dire, devenir un élément fondamental ‒ personne n’est indispensable en équipe de France ‒, mais là, il met quand même un pied pour y rester. » Ce palier était attendu « depuis la Coupe du monde » en 2023.

Un an plus tôt, en 2022, le compétiteur de 1,82 m pour 97 kilos avait remporté le Grand Chelem. Avec son regard paternel doublé de l’analyse d’un vrai technicien du rugby, Taofifenua Falatea, dit Taofi, en est persuadé, le n°12 Moefana, au poste de trois-quarts centre, « a trouvé les équilibres » aujourd’hui entre des tâches plus obscures sur le terrain, comme un rôle impitoyable en défense, et « son rendement offensif ». Alors, dans la famille, « on est heureux, heureux pour lui ». Il y a eu comme un déblocage. Un « rituel » s’est d’ailleurs instauré depuis l’année dernière, « pour lui donner encore un peu plus de confiance ». Le jour du match, voire une heure avant le coup de sifflet, Taofi et Yoram échangent un coup de fil, et « on discute ». Ces conversations ont rapproché père et fils que la vie avait par le passé éloignés.

Yoram Moefana durant le Tournoi des Six nations entre la France et l’Écosse au Stade de France, à Saint-Denis, le 15 mars 2025. (© Jean-Marie Hervio / KMSP)
  • ESPRIT DU PACIFIQUE

Plutôt d’un naturel réservé, timide, Yoram Moefana a bénéficié des conseils d’un entraîneur de son club, l’Union Bordeaux Bègles, pour une plus grande ouverture, des prises de parole facilitées. En équipe de France, des racines communes favorisent l’intégration et l’épanouissement. « Il est très proche des gars du Pacifique », note son père. C’est-à-dire Peato Mauvaka, Emmanuel Meafou et Uini Atonio considéré comme « un grand frère ». Dimanche matin, après la victoire, surprise. « Il m’a appelé, les joueurs étaient dans les vestiaires, ils criaient ! Nous étions émus et super contents avec ses sœurs et ma femme. »

  • QUALITÉS

Son parcours témoigne d’une grosse volonté personnelle. Enfant de Futuna déjà repéré pour sa bonne lecture du jeu, le jeune Yoram a quitté avec panache l’île polynésienne à l’âge de 13 ans pour rejoindre Limoges en Métropole où son oncle Tapu portait les couleurs du club. Puis direction Colomiers, une référence dans le monde du ballon ovale, toujours avec la même envie.

L’actuel sélectionneur du XV de France, Fabien Galthié, est d’ailleurs passé par cette écurie. « Mon fils n’a pas été pris, la première année, au pôle espoir Jolimont de Toulouse. Il a pleuré pendant deux jours » se souvient Taofi, également frère de l’international Sipili Falatea. « Il a alors beaucoup travaillé. »

Sélectionné en équipe de France des moins de 20 ans, Yoram assure de nombreux matchs, mais se fait doubler lors des grandes compétitions, notamment celles qui amèneront au titre de champion du monde. Encore une fois, « il s’est dit : “il faut que je bosse” » ajoute son père. Puis le projet du club UBB lui convient parfaitement. Les chroniqueurs louent ses qualités : « explosivité », « puissance » avec des jambes et un bassin très solides.
« C’est héréditaire », apprécie Taofi, qui a connu une belle carrière rugbystique avec un passage à Auch en Pro D2 à un poste pas si éloigné, à l’aile. « Et même avec ses qualités-là, il a la vista de servir les autres. »

  • INSPIRATION

Une certitude, la trajectoire admirable de Yoram Moefana et Peato Mauvaka, tous deux liés à la commune de Dumbéa, inspire actuellement les jeunes du club. « Taofi, je veux faire ce parcours-là » a indiqué il y a peu un ado à Taofifenua Falatea, vice-président de l’Union rugby club de Dumbéa, l’URCD, qui voit là « des périodes propices pour notre vision » et un atout certain en faveur de l’augmentation du nombre de joueurs. À l’heure actuelle, la Nouvelle-Calédonie compte environ 860 jeunes licenciés en rugby. Le pôle Espoirs recense une vingtaine de locataires prometteurs. L’URC Dumbéa prévoit de faire signer l’année prochaine quatre de ses rugbymen dans des centres de formation Pro D2 ou Top 14, l’élite française.

Yann Mainguet