La désunion des loyalistes offre un doublé aux indépendantistes

Roch Wamytan a été réélu à la présidence du Congrès ce mercredi, 28 juillet. Les non- indépendantistes qui pouvaient prétendre au perchoir ne sont pas parvenus à présenter une candidature unique. À cinq mois du référendum, ils laissent les indépendantistes à la tête des deux principales institutions du territoire.

Il n’aura fallu qu’un tour à Roch Wamytan pour retrouver son siège de président pour la troisième fois dans cette dernière mandature de l’Accord de Nouméa, la cinquième au total. Le représentant de l’Union calédonienne a bénéficié du soutien de l’UNI, Union nationale pour l’indépendance, à laquelle la présidence du gouvernement avait été laissée, et de l’Éveil océanien pour un total de 29 voix. Le parti de Milakulo Tukumuli avait prévenu : il ne soutiendrait les loyalistes au nom des grands équilibres institutionnels qu’en cas de candidature unique.

Fiasco

La voie pour eux était donc grande ouverte. Mais c’était finalement mal (ou bien) connaître nos représentants non indépendantistes que d’espérer un accord. Ces dernières années ont encore prouvé à quel point les négociations sont difficiles entre Calédonie ensemble et les différentes tendances de la droite. Mais cet évènement porte surtout un sérieux coup à l’Avenir en confiance. Concrètement, deux candidatures étaient proposées pour le camp loyaliste. Annie Qaeze, jeune candidate de Calédonie ensemble, a obtenu les six voix de son parti. Virginie Ruffenach, présentée pour la Rassemblement, n’a obtenu que 7 voix sur les 18 de l’Avenir en confiance. 12 conseillers ont déposé un bulletin blanc. En clair, elle n’a pas été soutenue par les Républicains calédoniens et consorts ni par Générations NC.

On se rappelle que le Rassemblement avait, le premier, présenté Virginie Ruffenach de manière quelque peu unilatérale. Ses collègues de l’Avenir en confiance ne s’étaient pas pressés pour la soutenir. Calédonie ensemble avait alors avancé Annie Qaeze. Une candidature intéressante à l’approche du référendum : jeune, féminine également, Mélanésienne, portant un « Non » plus ouvert. Comme à son habitude, le parti n’a pas lésiné pour la mettre en avant à grand renfort de communication. La sauce a pris. Mais le Rassemblement de Thierry Santa n’a pas cédé. Il a alors été proposé d’instaurer une alternance entre les deux candidates. Nouvel échec.

La faute de l’autre

Sans surprise, les uns ont renvoyé la faute sur les autres. Pour le Rassemblement, les membres de l’Avenir en confiance ont « cédé aux sirènes de la division orchestrée par Philippe Gomès » qui, comme l’Éveil océanien, accompagne les indépendantistes « à l’envi ». Pour Calédonie ensemble, c’est « l’entêtement » de Thierry Santa sur une candidature pas suffisamment suivie qui a fait rater une chance au camp non-indépendantiste.

Sonia Backes qui avait souhaité un accord avec Calédonie ensemble et l’Éveil océanien regrette que les rancoeurs aient été plus fortes. « Ceux qui, il y a quelques mois, se sont alliés contre moi aux législatives ont été incapables de s’unir à ce moment important de l’histoire. D’où notre abstention aujourd’hui. » Des feuilles blanches en guise de revanche, pour marquer le coup, puisque les voix de l’Avenir en confiance pour Virginie Ruffenach n’auraient pas suffi pour une majorité. Nicolas Metzdorf a lui aussi expliqué son abstention. « Il était impossible pour moi de choisir parmi les deux protagonistes de cette tragi-comédie. » Mais il espère que ce nouvel échec formera une sorte de « déclic », « le début d’une nouvelle ère politique pour notre camp dont le fonctionnement est à bout de souffle ». Il propose de former une réunion des partisans du « Non » au Congrès.

Tous les partis loyalistes s’entendent d’ailleurs pour dire qu’il faut passer outre cet épisode et pour certains, sur cette présidence qui n’a finalement « pas trop d’importance » et se focaliser ensemble sur la campagne du « Non ».

Un symbole 

Mais s’ils ont tendance à minimiser cette présidence, la symbolique reste forte. Pour la première fois depuis l’Accord de Nouméa, et à l’aube de son dernier référendum, les indépendantistes sont à la tête des deux principales institutions du territoire. Les indépendantistes, largement vilipendés quand ils peinaient à s’entendre, ont réussi au final, comme à chaque fois, à faire front commun. Roch Wamytan s’est fait un plaisir de rappeler l’importance du Congrès et de son rôle qui n’est pas celui d’un « distributeur de paroles ». Le Congrès, a-t-il dit, est « au centre » du système institutionnel de l’Accord de Nouméa, au cœur de la démocratie calédonienne. L’institution, qu’il continuera à moderniser, a joué son rôle lors des récentes crises et continuera de le faire en particulier sur les dossiers urgents comme le Ruamm, ou la crise sanitaire. Roch Wamytan a parlé de responsabilité et de cohérence entre les différentes institutions et d’un besoin pour les élus de redonner des perspectives aux Calédoniens et de retrouver leur confiance.

Les indépendantistes de l’Union calédonienne et de l’UNI ont pris acte des dissensions entre loyalistes et observent que ce n’est pas un bon signal envoyé à leurs électeurs. Mais disent surtout avoir besoin de tout le monde dans la crise actuelle, au Congrès, comme au gouvernement.

Les Calédoniens verront bien comment ces différents épisodes se traduiront dans les urnes.


Roch Wamytan, président du Congrès 

« Nous avons une majorité solide »

« C’est la première fois que nous avons un président indépendantiste au gouvernement et au Congrès. Nous sommes contents d’être dans cette configuration, mais je veux rassurer les non indépendantistes, nous allons travailler pour l’intérêt général. Nous allons faire en sorte que ce Congrès soit sanctuarisé et que les débats politiques qui vont avoir lieu sur le terrain concernant la campagne pour le référendum se passent en dehors du Congrès où nous avons beaucoup de travail à faire. Des textes sont en attente et j’ai l’intention de faire en sorte qu’ils soient rapidement votés. Nous avons une majorité solide. Nous nous sommes engagés les uns et les autres pour avancer sur un certain nombre de dossiers, notamment les comptes sociaux et la mine ».

Daniel Goa, président de l’Union calédonienne

« Utiliser ces institutions pour travailler en faveur du Oui »

« C’est un motif de satisfaction pour l’Union calédonienne parce que nous avons cédé le gouvernement à l’UNI en espérant garder le Congrès. Je me rends compte qu’il y a peut-être un manque de maturité politique chez les gens de droite qui a conduit à la réélection de Roch Wamytan et nous avons réussi à engager l’Éveil océanien avec nous. Je pense que les élections de Roch Wamytan et de Louis Mapou doivent nous interpeller. Avec la proximité du référendum, il faut réagir vite de façon à pouvoir utiliser ces institutions pour pouvoir travailler en faveur du Oui que nous défendons. »

Milakulo Tukumuli, président de l’Éveil océanien

« La surprise, c’est que Virginie Ruffenach n’a pas reçu le soutien de tout le monde »

« J’avais dit que l’Éveil océanien porterait cette voix non indépendantiste seulement s’il y avait une candidature unique, ce qui n’a pas été le cas ce matin. La grande surprise, c’est le résultat des votes, c’est-à-dire qu’au sein du groupe Avenir en confiance, Virginie Ruffenach n’a pas reçu le soutien de tout le monde. Ce qui est contradictoire avec ce qui a été annoncé depuis quelques semaines, c’est-à-dire l’unité du camp anti indépendantiste à l’approche du référendum. Espérons que ce soit juste passager. Je l’ai déjà dit, on n’obéit qu’à nos convictions, nous votons les textes que nous pensons être bien pour la population. Concernant le groupe, j’ai confirmé que l’Éveil océanien était sorti de l’UC. Les choses en sont là. »

Annie Qaeze, candidate Calédonie ensemble

« Les partisans du Non ne doivent plus faire campagne les uns contre les autres »

« Je regrette que les discussions et les propositions faites n’aient pas abouti à une candidature commune, mais ce qui est important aujourd’hui, c’est la campagne référendaire et la victoire du Non, de convaincre au-delà de nos sensibilités respectives. Les partisans du Non ne doivent plus faire campagne les uns contre les autres. Nos campagnes doivent se compléter. »

Philippe Dunoyer, élu Calédonie ensemble

« Il y a eu un entêtement de la part du Rassemblement »

« On a une majorité d’élus qui n’étaient pas en faveur de la candidature de Virginie Ruffenach, qui a été maintenue, ce qui nous a fait rater une chance. C’est la confirmation qu’il y a bien eu un entêtement de la part du Rassemblement et de Thierry Santa. J’espère simplement qu’on ne va pas en payer le prix le 12 décembre. On va vite se tourner vers la campagne, parce que cette séquence est derrière nous, et on est toujours motivés pour organiser une campagne en commun avec les autres formations non indépendantistes. »

Jean-Pierre Djaïwé, président du groupe UNI

« C’est un moment historique »

« C’est un moment historique parce que nous avons, à la tête des deux premières institutions du pays, des indépendantistes, ce qui démontre bien qu’ils sont présents et à cinq mois du référendum, c’est un signe fort. La particularité aussi, c’est que cela arrive à un moment où la Nouvelle-Calédonie est dans une situation difficile, ce qui veut dire qu’il va falloir se retrousser les manches et travailler. Les non-indépendantistes sont dans une situation difficile, ils ne s’entendent pas, mais ce sont des choses qui arrivent. On a besoin de tout le monde et le plus important c’est de pouvoir se mettre autour de la table pour travailler. »

Virginie Ruffenach, candidate du Rassemblement

« C’est une affaire de partis politiques, la campagne référendaire est celle de tous »

« Je regrette que l’unité et la solidarité qui nous animaient avant que Philippe Gomès ne rentre dans le jeu et sème la division entre nous ne soit plus là. Maintenant, ce qui est important, c’est que ce n’est pas dans cette assemblée que la campagne référendaire va se faire, c’est à l’extérieur, et nous allons nous lancer très activement dans une campagne référendaire pour conforter le Non. J’appelle tous les loyalistes à s’unir pour cette campagne référendaire. Nous avons eu un épisode institutionnel qui était une affaire de partis politiques. La campagne référendaire est celle de notre avenir à tous. Les élus qui m’ont soutenue n’ont pas voulu céder au chantage de Philippe Gomès qui exigeait cette présidence d’institution pour pouvoir faire campagne, c’est la raison du maintien de ma candidature. »

Nicolas Metzdorf, élu Générations NC

« Réunir l’ensemble des non-indépendantistes dans un seul groupe »

« J’ai tenu à marquer ma désapprobation de cette guerre d’egos en m’abstenant. Je crois qu’il faut se servir de ce qu’il s’est passé, parce que c’est quand même un échec du camp non indépendantiste, pour rebondir et arriver à réunir l’ensemble des non-indépendantistes dans un seul groupe au Congrès de manière à redonner une dynamique de campagne et à préparer l’après-référendum, parce que si on continue sur cette voie-là, on sera incapable de défendre les intérêts des Calédoniens qui souhaitent rester dans la France. Il faut montrer qu’on est capables de travailler ensemble. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Soit on reste dans cette situation et j’ai bien peur qu’on en paye les pots cassés, soit on réagit et on fait ce qui faut pour. »


Les commissions 

Après l’élection de Roch Wamytan à la présidence du Congrès mercredi, le bureau et les commissions, dont la commission permanente, ont été constituées. Voici leur composition.

Bureau du Congrès 2021-2022

Président : Roch Wamytan

Première vice-présidente : Caroline Machoro-Reignier

Deuxième vice-présidente : Nadine Jalabert

Troisième vice-président : Jean Creugnet

Quatrième vice-président : Sylvain Pabouty

Cinquième vice-présidente : Naïa Wateou

Sixième vice-présidente : Ithupane Tieoue

Septième vice-présidente : Laura Vendegou

Huitième vice-présidente : Annie Qaeze

Secrétaires : Isabelle Kaloi-Bearune et Alesio Saliga

Questeurs : Nadia Heo et Virginie Ruffenach

Le bureau est à majorité féminin, avec neuf femmes pour quatre hommes. ©Congrès 


Commission permanente du Congrès 2021-2022

Président : Milakulo Tukumuli

Vice-président : Jean Creugnet

Secrétaire : Philippe Michel

C.M. A.C.P.

©CM/ ACP/DNC