La délinquance des mineurs et les violences intrafamiliales dans le viseur

Le conseil provincial de prévention de la délinquance s’est tenu vendredi dernier. L’occasion, pour l’État et la province Sud, de dresser un premier bilan des actions menées depuis le début de l’année et celles à venir.

 

♦ La province Sud concentre 85 % des atteintes aux biens

La délinquance générale est en baisse de 0,3 % depuis le début de l’année, même si une hausse de 8,8 % des atteintes aux biens, liée notamment aux troubles autour de la vente de l’usine du Sud, est constatée, ainsi qu’une légère augmentation de 0,6 % des atteintes à l’intégrité physique (avec une baisse pendant le confinement et le couvre-feu qui comprend une régulation de la vente d’alcool). Le taux d’élucidation sur les atteintes aux biens est très bon, à 39 %, précise le haut-commissariat, contre 14 % au niveau national.

L’effet des confinements et du couvre-feu appelle cependant à regarder ces chiffres avec prudence, d’autant que l’année 2020 avait déjà était singulière.

Il faut savoir que la province Sud concentre la majeure part des phénomènes de délinquance qui touchent la Nouvelle-Calédonie : 85 % des atteintes aux biens et 79 % des atteintes volontaires à l’intégrité physique et des violences intrafamiliales.

Patrice Faure, haut-commissaire, dresse le bilan de la délinquance depuis le début de l’année.

 

♦ La délinquance des mineurs en baisse

En 2018-2019, la délinquance des mineurs représentait 25 % du volume total de la délinquance. En 2020, cette part a baissé autour de 18 % (sachant qu’elle est entre 16 % et 17 % sur le plan national), mais reste très importante « sur les vols de véhicules et les cambriolages, notamment pour chercher des bouteilles d’alcool dans des commerces et les résidences », indique Yves Dupas, procureur de la République. C’est une des priorités, sachant que la majorité de ces délits sont commis sous l’emprise de l’alcool.

Deux chantiers de taille ont été menés. La mise en place d’espaces dédiés à la vente d’alcool, les « bottle shops ». Ainsi que le lancement du dispositif d’accompagnement des mineurs en errance la nuit, entre 22 heures et 5 heures, ou qui sont alcoolisés la journée. Le premier objectif est de les recenser, puis de les signaler aux services sociaux de la province qui accompagnent les familles pour voir pourquoi le mineur est dehors, comment ça se passe chez lui, etc. « Plus de 200 jeunes ont été identifiés par les forces de sécurité et sont suivis par les services sociaux », annonce Sonia Backes.

À l’époque de sa mise en place, en juillet 2020, la mesure avait fait polémique parce qu’il était question de suspension des allocations familiales en cas d’abandon de l’autorité parentale. Finalement, il n’y en a eu qu’une dizaine pour l’instant. « On voit que le plus efficace, c’est le suivi, car il permet d’éviter cette suspension et aux parents de reprendre leur autorité », souligne la présidente de la province Sud.

Enfin, à venir, la création du centre d’accueil des mineurs à Néméara, près de Bourail, pour les primo délinquants – « ce n’est pas un centre éducatif fermé qui serait l’antichambre de la prison », affirme Yves Dupas – qui proposera des séjours de rupture pour « les remettre sur le droit chemin avant qu’ils dérivent complètement », poursuit Sonia Backes. Et ainsi éviter l’incarcération. Le centre pourra accueillir une cinquantaine de jeunes par an.

Sonia Backes, présidente de la province Sud, a fait le point sur la mise en place des « bottle shop ».

 

♦ Les violences intrafamiliales en hausse

La Nouvelle-Calédonie est la triste championne des violences conjugales, appuie Yves Dupas, avec 5,6 femmes battues pour 100 000 contre deux en Métropole, soit trois fois plus. Et elles ont augmenté de 16 % depuis le début de l’année.

Le procureur de la République a insisté sur le traitement répressif diligent et ferme de la justice sur les violences conjugales. Au Camp-Est, 120 détenus sur 500 sont condamnés pour des faits de cette nature.

L’autre action de la justice est la prévention de ce genre de comportements. Un stage de citoyenneté pour les auteurs de violences conjugales a été mis en place cette année. L’idée est de prévenir la récidive. 150 peines de stages ont été prononcées depuis le mois de janvier.

En mars, la province a également mis en place des relais pour les victimes des violences intrafamiliales. Huit familles ont ainsi été accueillies.

Pour Yves Dupas, procureur de la République, le centre de Néméara « n’est pas une antichambre de la prison ».

 


Chez les moins de 12 ans

Le haut-commissaire Patrice Faure a évoqué la prévention de la délinquance chez les moins de 12 ans « pour agir tôt et éviter le passage à l’acte avec le soutien à la parentalité, l’éducation aux médias et la lutte contre la cyberdélinquance » grâce à un outil, le Conseil pour les droits et les devoirs des familles, qui prévoit des mesures d’accompagnement des familles rencontrant des difficultés dans l’éducation de leurs enfants. « Les villes du Mont-Dore et de Nouméa l’ont développé, un bilan sera fait fin 2022. Il faut l’étendre sur l’ensemble du territoire. »

 


La justice de proximité

Pour Yves Dupas, la prévention concerne également les actes de petite délinquance, c’est-à-dire « ce qui pourrit la vie des gens au quotidien, les dégradations sur la voie publique, sur les bâtiments, des gens qui fument leur joint devant le commerce, des menaces, etc. » Le procureur de la République assure que cela a été pris en compte au titre d’un dispositif spécifique mis en place au début de l’année : le pôle de justice de proximité. « L’idée est de donner des réponses pénales rapides pour faire reculer le sentiment d’insécurité. »

 


Davantage de présence sur le terrain

Le haut-commissaire assure qu’il y a une présence accrue des forces de l’ordre sur la voie publique et qu’elle va s’accentuer. « Je profiterai des renforts à l’occasion du troisième référendum pour accroître la présence sur le territoire. Il s’agit de s’attaquer aux maux de la société, l’insécurité routière notamment, les vols de véhicules et les cambriolages. »

 


Le Camp-Est doit améliorer la prise en charge des détenus

Le rôle de la prison de Nouville pour lutter contre la récidive et préparer les détenus à leur sortie a été évoqué lors de la conférence de presse, vendredi. Si Yves Dupas rappelle les activités déjà existantes (socioculturelles, lutte contre l’illettrisme, scolarisation, formation professionnelle), il estime qu’elles sont en nombre insuffisant, regrettant le fait qu’il n’y ait plus de médecin addictologue sur place et que l’infirmier n’intervienne qu’à temps partiel. « C’est une vraie question dans la prise en charge des personnes détenues parce qu’elles vont sortir, donc il vaut mieux que ce soit avec une préparation à la sortie. C’est là qu’il faut mettre les moyens pour avoir des sorties encadrées et accompagnées avec des dispositifs de formation professionnelle, de tout mettre en œuvre pour que la personne détenue, si elle le souhaite, puisse s’insérer et s’éloigner de la délinquance. Ces dispositifs sont insuffisants et il faut les retravailler. »

 

Anne-Claire Pophillat (© A.-C.P.)