La date du référendum, l’autre dossier chaud de Sébastien Lecornu

Outre le volet sanitaire et économique, le ministre des Outre-mer aura à traiter, durant sa visite, le sensible dossier du référendum, perturbé par la crise du Covid-19. Lors d’une séance au Congrès mardi, le sujet a été l’objet de nouvelles passes d’armes entre indépendantistes et loyalistes. Pour l’instant Sébastien Lecornu tempère.

C’était attendu, à la veille du début de la mission du ministre. L’examen d’un projet de décret proposant une prolongation de la période d’inscription dans les bureaux de vote délocalisés au 6 novembre, en raison du confinement (adopté à l’unanimité), a largement dérivé sur un débat relatif au maintien ou non du troisième et ultime référendum de l’Accord de Nouméa au 12 décembre. Ce sujet constituera l’un des points de discussions les plus importants de la mission de Sébastien Lecornu.

 

« 200 personnes n’ont pas pu avoir de funérailles »

Par la voix de Pierre Chanel Tutugoro, l’Union calédonienne, a confirmé qu’une demande officielle de report du référendum en raison de la situation sanitaire avait été envoyée à Sébastien Lecornu. « On ne va pas jouer sur les malheurs des gens. On a besoin de laisser notre population souffler », a expliqué le chef de groupe UC-FLNKS et Nationalistes et Éveil océanien, qui s’est aussi dit préoccupé par « les divisions déjà existantes sur l’obligation vaccinale, le pass sanitaire, etc. ». Il a d’ailleurs appelé l’ensemble de ses partenaires à se « départir des postures politiciennes » et à faire œuvre de « responsabilité » en portant tous ensemble cette demande de report.

L’UNI, représentée par Jean-Pierre Djaïwé, reste accrochée à la promesse de l’ex-Premier ministre Édouard Philippe de ne pas organiser le référendum entre septembre 2021 et fin août 2022, pour éviter un chevauchement avec l’élection présidentielle. Le parti se positionne donc aussi pour le report.

Charles Washetine s’est également inquiété de la question du taux de participation pour que cette consultation, si elle devait avoir lieu, ne soit pas sujette à contestation (il estime qu’il ne doit pas être inférieur aux taux enregistrés lors des précédents votes et dépasser les 85 %), un point de droit qui, selon nos informations, ne peut pas peser dans le sens où en France, le vote n’est pas obligatoire.

La séance s’est drastiquement tendue quand, dans les rangs de l’UC, Aloïsio Sako a insisté sur le poids des décès dans la tradition océanienne. « Je vous demande de reconnaître cette dimension culturelle. Si vous passez de force, ce ne sera jamais la sérénité », a-t-il menacé. Marie-Line Sakilia a ensuite pointé directement la responsabilité de l’État dans l’introduction du virus suite aux décisions de justice.

 

« Des critères objectifs »

Ces déclarations ont outré les Loyalistes. « Cela veut dire que pour nous la mort n’est pas grave ?, s’est offusqué Nicolas Metzdorf (Générations NC) sur l’aspect culturel. « À un moment, il faudra arrêter de parler d’ethnies dans ce pays. » « La mort touche tout le monde », a lancé Philippe Dunoyer pour Calédonie ensemble, qui estime que le choix du 12 doit se faire sur d’autres critères. Sonia Backes a aussi trouvé « inacceptable » que l’on attaque l’État « alors que personne ne connaît le cas zéro » et que la solidarité a joué à plein régime.

Sur le fond, l’Avenir en confiance souhaite que le référendum soit maintenu pour « donner de la visibilité aux Calédoniens ». Sonia Backes a argué que la situation était actuellement « sous contrôle », mais qu’il n’y avait aucune assurance qu’elle le soit dans un an.

Philippe Gomès, pour Calédonie ensemble, a évoqué un « épuisement collectif » et estime que la démocratie doit continuer à s’exercer, comme ailleurs, à condition que les conditions soient raisonnables. « On doit tout faire pour tenir cet objectif », a-t-il dit. Il s’agirait, selon lui, de faire le point début novembre pour voir si les conditions sont réunies pour que cet exercice puisse se tenir. Le député propose d’ores et déjà deux modifications pour faciliter la participation qui risque effectivement d’être moindre : permettre deux procurations par personne et élargir les horaires d’ouverture des bureaux de vote de 6 à 22 heures.

Sébastien Lecornu recueillera les différentes positions durant son séjour, mais aucune décision ne sera prise dans ce laps de temps. On peut imaginer que l’État, qui s’est engagé à organiser ce référendum demandé par les indépendantistes, se donnera le temps de voir de quelle manière la situation évolue dans les prochaines semaines et de tout faire pour qu’elle évolue dans le bon sens. Mais la gestion de cette problématique sera assurément difficile avec un équilibre à trouver entre la prise en compte du traumatisme réel subi par la population calédonienne durant cette crise, une possible instrumentalisation de cette crise et l’importance que la démocratie s’exerce et ce dans les temps impartis, avant la fin de l’Accord de Nouméa.

 


 

« Si l’épidémie est sous contrôle, le référendum pourra se tenir »

Lors de ses différentes interventions, Sébastien Lecornu a observé que la situation sanitaire était pour l’heure « tendue, mais tenue ». Tout en insistant sur l’humilité qu’il faut avoir face à cette crise, il a aussi répété que « dans une démocratie, on tient ses élections à l’heure ». Selon lui, le principe général veut que l’élection se tienne si l’épidémie est sous contrôle et que seule une épidémie « hors de contrôle » pourrait impliquer une exception et bousculer l’agenda.

Il a rappelé que la planète entière vit désormais sous Covid et qu’il faut aussi apprendre à vivre avec et à voter désormais autrement. Sébastien Lecornu a enfin renvoyé les Calédoniens à leur responsabilité sur le timing interrogeant la longue stratégie Covid-Free du territoire. Si celle-ci était utile le temps de prévoir la campagne de vaccination, du temps a ensuite été perdu… Notamment pour les questions institutionnelles.

 

Chloé Maingourd (© C.M.)