La compétitivité au cœur du problème

Le travail sur la compétitivité est essentiel. Il sera un des relais de la croissance qui fait actuellement défaut. Le gouvernement et les partenaires sociaux réfléchissent en particulier sur la question depuis la signature des accords économiques et sociaux en 2013. L’étude de l’avant-projet de loi du gouvernement sur la compétitivité et les prix par le Cese montre que rien n’est encore acquis.

La compétitivité est désormais au cœur des pensées du patronat. Rêve ou cauchemar, cela reste encore toutefois à déterminer. Depuis la signature des accords économiques et sociaux et la mise en route de la réforme de la fiscalité indirecte, les travaux et les rencontres se multiplient. À la base, on retrouve bien sûr l’instauration de la TGC, taxe générale sur la consommation. Équivalente à de la TVA, taxe sur la valeur ajoutée, métropolitaine, cette taxe qui en remplacera sept, devrait voir le jour en juillet 2018 et se déclinera en trois taux. Le premier, réduit, s’appliquera sur les denrées alimentaires courantes, aux services à la personne et aux produits de l’industrie locale et de première nécessité. Le deuxième, de 11 % touchera le logement, les vêtements et le carburant (ces deux tranches représentent 85 % de la consommation des ménages). Le dernier taux, à 22 %, concernera l’automobile, les équipements de la maison, les produits alimentaires sucrés, l’alcool et les tabacs.

Éviter le risque inflationniste

L’objectif de la mise en place de cette taxe est d’aboutir à une baisse des prix de façon à redonner du pouvoir d’achat aux ménages. Mais elle ne sera possible qu’au conditionnel. À marges et volumes constants, les entreprises seront moins rentables si les prix baissent. La seule façon pour elles de conserver leur niveau de rentabilité sera soit d’augmenter leur taux de marge, soit de marger en valeur absolue, soit, dans le cas idéal, d’être tout aussi profitable grâce à un accroissement des ventes, généré par une baisse des prix.

L’avant-projet de loi de pays du gouvernement dont s’est saisi le Conseil économique, social et environnemental, tente précisément d’encadrer la « compétitivité » des entreprises pour éviter tout dérapage inflationniste, ce qui serait précisément l’inverse de l’effet recherché. À l’instar de nos représentants politiques, les élus fraîchement arrivés au Cese ont eu bien du mal à dégager un consensus sur le texte présenté par le gouvernement. Il faut dire que celui-ci n’y va pas avec le dos de la cuiller.

La commission du développement économique, de la fiscalité et du budget du Cese a plus précisément relevé les dispositions de l’article 12 du projet de loi. Il prévoit la possibilité pour le gouvernement de geler le taux de marge d’une entreprise en cas d’inflation trop importante. Pour le Medef-NC comme la CGPME-NC ou encore la FINC, le gouvernement va trop loin en donnant la possibilité aux politiques de s’ingérer directement dans les affaires d’une société privée. Pour les syndicats patronaux, cette mesure pourrait mettre en péril les entreprises en remettant en cause les équilibres financiers.

L’ingérence au cœur des oppositions

D’après une étude de la CCI-NC et du Medef-NC dont les représentants ont été entendus par la commission, pour certains produits, à marges constantes, les entreprises devront augmenter leurs ventes de 25 % à 30 % pour maintenir le même niveau de marge. Pour l’intersyndicale, Jean-Pierre Kabar, qui siège au Cese, a défendu cet article, opposant que dans la grande majorité des cas, les sociétés ne seraient que peu impactées. Pour Didier Guénant-Jeanson, représentant le Conseil économique, social et environnemental métropolitain, la mesure est « une arme nucléaire ». L’enlever reviendrait à vider la loi de sa substance. Le dispositif étant seulement prévu en cas de dérapage. Il n’en reste pas moins que la mesure présente un risque évident d’interventionnisme. En conclusion, le Cese appelle les partenaires à poursuivre les négociations. Elles devraient reprendre au retour de Philippe Germain, qui est justement en métropole pour discuter de ce projet avec des membres du Conseil d’État.

_______________________

Le « machin à 200 millions »

Si la première réunion plénière du Conseil économique, social et environnemental après bien des déboires n’a pas été l’occasion de passes d’armes, elle a toutefois montré les limites de son fonctionnement. Au-delà de l’article 12 du projet de loi sur la compétitivité, le Cese a formulé de nombreuses critiques mais a toutefois émis un avis favorable sur le texte. Ce paradoxe a conduit un grand nombre de conseillers à voter contre ou à s’abstenir (dix voix contre et cinq abstentions). Pour Jean-Pierre Kabar, il faut éviter que le Cese ne « soit un machin à 200 millions » qui ne serve à rien. D’autres lui ont emboîté le pas en expliquant qu’il n’était pas possible de donner un avis favorable tout en indiquant dans les conclusions que le texte ne pouvait pas être adopté en l’état.