La Chine au bout du convoyeur

Le gouvernement a finalement donné raison aux revendications des petits mineurs et des rouleurs. Deux dossiers d’exportations de minerai vers la Chine (SLN et Ballande) ont reçu une réponse favorable et, comme la société Montagnat huit jours plus tôt, le groupe Ballande a vu ses autorisations d’exporter vers le Japonais Sumimoto passer de 5 à 10 ans. D’autres décisions du même ordre devraient suivre dans les semaines à venir. Il a aura donc fallu huit mois à l’exécutif calédonien pour retrouver l’usage de la raison et pas moins de temps pour discréditer encore un peu plus la doctrine nickel du Nord.

Ce n’est sans doute pas encore l’épilogue de cette affaire mais les deux dernières séances hebdomadaires du gouvernement ont largement permis de voir plus clair sur les positionnements des différents groupes et partis politiques représentés au sein de l’exécutif. Il y a, d’un côté, ceux qui restent fidèles à leurs engagements, et de l’autre, les « girouettes » dont les prises de décision sont motivées par la pression de la rue ou les tensions internes.

Il y a donc le Palika, accroché à la doctrine nickel du Nord comme une tique à son hôte, qui s’oppose à toute idée d’exportation ou de prolongation de contrat dès lors qu’ils ne concernent pas son partenaire coréen. Un tel entêtement confère certes à la schizophrénie mais il a néanmoins le mérite de la constance, même si, le 6 février denier à Paris devant le Premier ministre, les tenants de cette doctrine n’ont pas manifesté trop bruyamment leur désaccord sur le document élaboré par les services de Matignon qui permettait, à leur yeux, plusieurs lectures opposées voire contradictoires de la déclaration commune des partenaires calédoniens et de l’Etat sur les enjeux liés au nickel.

Il y a les Républicains et l’UCF qui, depuis l’origine, prônent une attitude pragmatique. Dès lors que l’emploi et l’activité sont immédiatement menacés, il faut, sans état d’âme, accorder les autorisations d’exportation y compris vers de nouveaux clients pour peu qu’ils existent en chine ou ailleurs. Ces autorisations limitées dans le temps permettent non seulement la poursuite de l’activité sur les sites miniers, mais elles donnent aussi aux partenaires de la Nouvelle-Calédonie des signaux positifs quant à la réactivité de notre territoire face à une crise majeure des marchés.

Des postures et des actes

Comme la pendule de Brel, qui dit oui, qui dit non, l’Union calédonienne adopte pour sa part une attitude souvent ambiguë quand il s’agit de faire un choix ou de ne pas en faire. Mais ce sont pourtant bien les votes favorables des trois membres UC du gouvernement qui ont permis de dégager une majorité, la semaine dernière et ce mardi, pour donner la possibilité à Montagnat et Ballande de proroger à 10 ans leurs autorisations d’exportation vers le Japon, comme ce sont bien les voix de l’UC qui avaient permis, le 27 octobre 2015, au groupe Maï d’obtenir une autorisation vitale d’exportation vers la Chine. Mais à l’époque, comme à plusieurs reprises depuis, les prises de position de l’Union calédonienne ont été à l’image des courants contraires qui agitent épisodiquement le mouvement.

Tantôt la balance penche en faveur des demandes formulées par les mineurs au nom du pragmatisme, tantôt elle s’incline dans l’autre sens au prétexte qu’aucune stratégie globale n’a encore été mise en place, faute de consensus. Mais l’attitude la plus cocasse, sans pour autant être drôle, est incontestablement celle de Calédonie ensemble. Communiqués et déclarations publiques n’y changent rien, le parti du président du gouvernement joue une partie de godille qui traduit son inconséquence sur le sujet.

Mais les faits sont têtus et le respect de la parole donnée au Premier ministre en février, pour un mouvement qui claironne par ailleurs son appartenance à la famille loyaliste, ne peut rester sans conséquences et implique deux attitudes. D’un côté, Calédonie ensemble s’abstient sur les demandes de prorogation d’autorisation donnant ainsi des gages à ses alliés du Palika, de l’autre, il accepte de voter en faveur d’exportations vers la Chine (après avoir dit haut et fort qu’elles étaient contre nature) afin de ne pas s’opposer à l’Etat.

Mais il est vrai que ce qui ressemble aujourd’hui à une volte-face est sans doute difficile à assumer lorsqu’on se souvient qu’à la fin du mois d’août 2015, Philippe Gomès affirmait, péremptoire : « Non, il n’y a pas de vraie crise, je vais vous en parler de la vraie crise. La vraie crise, c’est ce qu’on vous a fait croire pour essayer de justifier les mesures, mais il n’y a pas de vraie crise ».

C.V.