Le collectif animé par l’Union calédonienne, qui rejette les accusations de terrorisme, demande « la libération des prisonniers politiques », dont le leader Christian Tein, aujourd’hui incarcéré en Métropole.
Ouverte par le parquet samedi 22 juin, l’information judiciaire à l’encontre des commanditaires présumés des exactions retient de graves chefs d’infraction. De complicité de tentative de meurtre à la participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime, en passant par la destruction en bande organisée.
Outre deux membres sous contrôle judiciaire, neuf militants de la cellule de coordination des actions de terrain, ou CCAT, ont été placés en détention provisoire. Au Camp-Est de Nouméa, pour Gilles Jorédié et Joël Tjibaou, l’un des fils du leader indépendantiste kanak Jean-Marie Tjibaou. Tandis que sept autres mis en examen ont été transférés vers des établissements pénitentiaires de Métropole.
Parmi eux, figurent le porte-parole Christian Tein, Frédérique Muliava, directrice de cabinet du président du Congrès, ou encore Brenda Wanabo, chargée de la communication de la cellule. « Des déportations politiques » a qualifié Dominique Fochi, secrétaire général de l’Union calédonienne, le moteur de la CCAT aux côtés d’autres formations indépendantistes et syndicales, mardi 25 juin, à la maison commune de la tribu de la Conception, au Mont-Dore.
« Ce qui se passe aujourd’hui, c’est une répétition de l’histoire », après l’exil forcé de chefs kanak au cours des différentes révoltes. Et, ajoute le cadre de l’UC, « tout ce qui s’est passé, ce ne sont pas des actes terroristes. À aucun moment, la CCAT n’a appelé à brûler, à saccager… ».
« EN BERNE »
La réponse est ailleurs, selon John-Rock Tindao, président du conseil d’aire Drubea-Kapumë. L’institution coutumière estime que « toutes les exactions et les destructions qui ont embrasé le Grand Nouméa sont le fait d’une jeunesse en colère, profondément blessée dans sa vision de l’avenir du pays ». La CCAT demande ainsi « la libération de (ses) prisonniers politiques », le retour de Christian Tein et tous ses collègues sur leur terre. Cette requête appuyée est même, aux dires de John-Rock Tindao, la condition « sine qua non pour que l’on puisse apporter un climat de paix, pour qu’il y ait une discussion, et que tous les relais CCAT puissent se mettre en berne momentanément ».
Le collectif a formulé au moins un autre souhait, mardi à la tribu de la Conception. « Retirez le texte, M. Macron ! », exige Victor Wejieme du Parti travailliste. L’adoption par l’Assemblée nationale du projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral le 14 mai 2024, dans les mêmes termes que le Sénat, avait mis le feu aux poudres. Pour les indépendantistes, cette ouverture des listes va placer encore davantage les Kanak, peuple premier, en minorité.
Dans une lettre adressée aux Calédoniens et diffusée mardi 18 juin, le président de la République Emmanuel Macron avait indiqué avoir « décidé, dans la circonstance, de ne pas réunir le Congrès » de Versailles, dernière étape pour la validation de la loi constitutionnelle sur le dégel. La CCAT veut visiblement entendre le message de façon plus directe.
Les reproches de la cellule, fondée en novembre 2023, à l’égard du chef de l’État sont nombreux. Comme celui d’avoir pris parti pour le mouvement loyaliste ou de maintenir « une répression ». « Ce gouvernement a cassé en trois jours 36 ans de paix » estime l’UC Dominique Fochi. « L’arrivée est là » a insisté Athéna Pouyé, du Mouvement des Océaniens indépendantistes, faisant allusion à l’accès à la pleine souveraineté. « Il faut aller la chercher, mais dans l’ordre et dans le calme. Parce qu’il y a assez de vies de perdues. »
Yann Mainguet
« Non à l’extradition des militants indépendantistes et responsables de la CCAT » écrit Pierre-Chanel Tein Tutugoro, président du groupe UC-FLNKS et Nationalistes au Congrès, mardi 25 juin. « Ces inculpations et détentions provisoires interviennent dans un climat de tension et de répression croissante envers les mouvements indépendantistes. »
De son côté, l’UNI relève « une totale disproportion dans les choix procéduraux retenus par les magistrats, à commencer par celui d’envoyer en France des personnes qui auraient pu parfaitement être retenues sur le territoire ». D’ailleurs, « la distance qui a été placée entre les mis en cause et leurs avocats n’est pas de nature à favoriser le travail de la défense », note le groupe piloté par Jean- Pierre Djaïwé qui « renouvelle l’appel à la recherche d’un apaisement ».
Le haut-commissaire alerté
Dans un courrier adressé mardi 25 juin au haut-commissaire Louis Le Franc, le député sortant Nicolas Metzdorf déplore une « situation plus tendue que jamais », faisant craindre le pire. Le parlementaire « demande instamment de mettre en œuvre tous les moyens qui permettront de retrouver une situation apaisée dans les meilleurs délais, et de rétablir la libre circulation des biens et des personnes ».