La BPI arrive en Nouvelle-Calédonie

La Banque publique d’investissement ouvrira une représentation à Nouméa à compter du mois de septembre. Une arrivée attendue par le monde économique qui a e ectué un lobbying important depuis près de cinq ans. Cette implantation sera un test avant le déploiement d’une gamme de produits financiers plus large.

Les chefs d’entreprise se plaignent régulièrement de la difficulté d’accès au crédit. Une difficulté qui bride leurs projets de développement économique. C’était une des raisons qui les avaient poussées à demander l’implantation de la Banque publique d’investissement. En 2013, quelques mois après sa création, Jean- Marc Ayrault, alors Premier ministre, avait pro té d’une visite en Nouvelle-Calédonie pour annoncer l’implantation prochaine de la Banque publique d’investissement. Il aura tout de même fallu attendre 2016 et un lobbying intense de la Confédération des petites et moyennes entreprises pour que les premiers produits financiers soient proposés aux Calédoniens.

Contrairement au premier accord passé entre la BPI, l’AFD et la Sogefom il y a trois ans qui prévoyait très peu de services comme des prêts sans garantie, l’implantation de la banque, prévue en septembre, permettra le déploiement d’un nombre nettement plus important. A n de présenter ces nouveaux services financiers, la CPME-NC a organisé une réunion à l’Université, animée par Dominique Caignart, le directeur outre- mer de la BPI, ainsi que Caroline Messin, la déléguée territoriale pour le Pacifique.

Opérationnelle en septembre

Les deux représentants du réseau BPI ont rappelé avec insistance la philosophie de la banque de n’intervenir qu’en partenariat avec le réseau bancaire local. L’idée n’est pas de créer de la concurrence, mais bien d’agir en complément, en particulier pour des prêts risqués sur lesquels les banques classiques ne peuvent pas s’engager. En dehors de produits très spéci ques pour des prêts très risqués, généralement associés à des projets innovants, la banque ne peut intervenir qu’en plus d’un prêt accordé par une banque commerciale. Dans le meilleur des cas, selon Dominique Caignart, la BPI pourrait prendre 4 à 5 % des parts de marché.

Caroline Messin et Dominique Caignart, les représentants du réseau BPI.

Les choses se sont accélérées en 2018, durant les Assises des outre-mer. Le Livre bleu, fruit de ces assises, prévoyait l’implantation de la BPI dans tous les territoires ultramarins et plus seulement les départements et régions d’outre-mer. Pour le Pacifique, la Nouvelle-Calédonie servira de test pour une implantation future dans les autres territoires et notamment en Polynésie française.

Dans un premier temps, la BPI proposera des solutions de nancement complémentaires, des prêts pour l’innovation ainsi que pour soutenir des activités de développement à l’international. Elle récupèrera également l’activité de prêts d’honneur qui était jusqu’à présent assurée par la Caisse des dépôts et consignations. Les prêts d’honneur sont sans intérêt, sans garantie ni caution, accordés à des porteurs de projet pour des créations ou des reprises d’entreprise. « Un sujet fondamental », insiste Dominique Caignart. Le directeur outre-mer explique que ces prêts sont au cœur de toutes les discussions. Les porteurs de projet auront toujours accès à un produit spéci que, en partenariat avec la province Sud, destiné à soutenir la recherche. Ce produit déjà disponible est relativement peu utilisé, mais pourrait l’être davantage avec une meilleure communication. C’est du moins ce que pense Dominique Caignart. Ce prêt permet notamment de financer les salaires de chercheurs ou encore d’aider à intégrer un incubateur. L’avantage de ces prêts est qu’ils ne sont remboursables qu’en cas de succès du projet.

Pas encore d’affacturage

L’innovation est au cœur de la mission de la BPI. En la matière, elle vise quelques dizaines de dossiers par an tout au plus. Plusieurs solutions sont proposées par la banque qui accompagne les porteurs de projet et peut également servir des prêts à taux zéro sans aucune garantie. Pour estimer au mieux les chances de réussite d’un projet, la banque travaille avec des ingénieurs spécialisés qui ont la charge d’examiner les projets.

Elle offrira des prêts pour accompagner les entreprises à l’international. Attention, il s’agit de prêts spécifiques pour l’international, la Polynésie ou Wallis-et-Futuna n’étant pas considérées comme l’étranger. À noter également que les exportations vers Fidji ou le Vanuatu pourraient poser problème pour monter les dossiers puisque ces deux pays sont classés sur la liste noire des paradis fiscaux par l’Union européenne.

Si ces produits intéressent les Calédoniens de manière plutôt marginale, la BPI dispose d’un produit peut-être plus en adéquation avec les besoins du territoire : le prêt de développement outre-mer sans garantie et avec bonification d’intérêts qui vient en complément d’un prêt d’une banque commerciale. Il peut, par exemple, s’agir d’un supplément pour acheter du stock dans le cadre de la construction d’un dock ou pour financer le fond de roulement, indispensable au développement des entreprises.

Un autre produit devrait grandement intéresser les Calédoniens, et en particulier dans le secteur du BTP, mais ne devrait pas être disponible tout de suite en raison de problèmes techniques. La BPI pourrait proposer à terme un service d’affacturage c’est-à-dire qu’elle verserait des avances aux entreprises contractantes de marchés publics, dans l’attente que les collectivités effectuent effectivement le paiement des prestations. Les délais de paiement et leurs conséquences sur la trésorerie des entreprises est une problématique particulièrement importante.


Une banque passe-partout

Créée en le 31 décembre 2012, la Banque publique d’investissement a vocation à soutenir l’activité économique française. Elle intervient en complément des banques, mais a également pour mission de soutenir l’innovation en accordant des prêts, sans le concours des autres établissements financiers. Son financement public – l’État et la Caisse des dépôts et consignations en sont les deux actionnaires à 50 % chacun – lui permet de financer des opérations particulièrement risquées et sans gages comme la recherche et le développement. Elle emploie 2 800 personnes et est l’un des plus gros investisseurs en capital dans les sociétés au monde. En 2018, la BPI a accordé près de 19 milliards de francs à plus de 85 000 entreprises. Elle est également directement actionnaire de sociétés pour un montant de l’ordre de 25 milliards d’euros. Elle porte, par exemple, des participations pour l’État dans di érentes sociétés telles que Peugeot, dont elle détient 25 % du capital. Mais elle est également au capital de sociétés beaucoup plus petites, ce qui lui apporte une bonne connaissance de l’ensemble du tissu entrepreneurial.

M.D