Josine Tiavouane, un cheminement naturel

Au-delà de La vision kanak de l’océan, Josine Tiavouane se réjouit de plusieurs avancées majeures et récentes en matière d’environnement : l’extension de 10 % des zones hautement protégées dans le parc naturel de la mer de Corail et l’instauration d’un moratoire de 50 ans sur l’exploration et l’exploitation des grands fonds marins dans la ZEE. Photo : C.M.

La vision kanak de l’océan a été dévoilée dans un livret éponyme réalisé
par les coutumiers et Conservation International. Josine Wataï Tiavouane, coordinatrice, s’engage pour la reconnaissance des valeurs culturelles liées à l’environnement. Avec la satisfaction de se découvrir elle-même en chemin.

Elle fait partie des personnalités de la jeune génération qui sortent du lot. Pas de hasard dans le parcours de Josine Tiavouane, tout semble faire sens. Cette femme du nord grandit à à la tribu Saint-Gabriel à Pouébo, berceau de la famille, écrin de nature où elle se ressource. Vient ensuite Koné puis Poindimié. De l’internat du lycée Antoine-Kéla, elle retient la proximité́ de la mer. « On s’endormait au bruit des vagues ».

Un bac scientifique vient sceller une orientation, avec déjà, un attrait pour l’environnement. « On parlait beaucoup de la mine et de la nécessité de protéger l’environnement. » Encouragée par sa famille, elle réalise des études supérieures en sciences et biologies environnementales, un Deug à Nouméa, une licence suivie d’un master grâce au dispositif Cadres avenir à Perpignan.

En stage, Josine Tiavouane intègre l’Institut de recherche pour le développement (IRD) en botanique à Nouméa. Elle se penche sur la végétation du Mont-Panié, la pêche du tazar aux Bélep. Puis elle lâche la recherche pour un master II professionnel gestion de la biodiversité et développement durable.

ITINÉRAIRE

Son premier poste est à l’UNC au laboratoire écologie végétale pour l’analyse de graines d’espèces endémiques au massif de Koniambo dans le but notamment d’améliorer les connaissances pour la revégétalisation des sites dégradés. Elle retrouve son professeur, Bruno Fogliani.

Elle entre ensuite à l’IAC, Institut agronomique néo-calédonien, dans la revégétalisation des sites miniers. Il s’agit de superviser deux études financées par l’industriel Vale NC sur la restauration des forêts dégradées. « J’ai passé beaucoup de temps dans le Sud à identifier les espèces pionnières. J’adore le terrain. » Autre mentor : Charly Zongo. « Il montrait déjà la voie. »

À la fin de cette mission, une pause. Josine Tiavouane part avec son compagnon en Australie. En 4 x 4, ils rejoignent Darwin depuis Melbourne, explorent des contrées incroyables et accèdent à une communauté à travers un évènement culturel. « Je me retrouvais dans les récits de lieux sacrés. C’est comme si j’arrivais dans une tribu. Il y a eu une vraie connexion. »

Le retour se fait à Hienghène. Au sein de l’association Dayu Biik, elle met en œuvre le second plan de gestion de la réserve de nature sauvage du Mont-Panié et découvre la gestion d’un espace protégé. « Par ce projet pilote, la province Nord veut cogérer l’espace avec les gens de l’endroit. » Le travail initié par le président de l’association, Jonas Tein, est précurseur. Cinq tribus intègrent le conseil d’administration. Émergent alors plusieurs questions : « On parle d’endémisme, de valeurs biologiques, mais quand prend-on en compte la représentation que les gens ont de cet espace ? Comment l’utilisent-ils ? Quels noms portent les lieux ? C’est l’homme avec son environnement ».

Elle participe à la définition de trois statuts de protection en lien avec les usages. La zone protégée passe de 5 400 à 10 000 hectares. On parle désormais de l’aire naturelle protégée du Thönyë. La jeune femme a un déclic. « J’étais dans le monde académique et là, je suis passée au plus près de la réalité des gens.»

CONTINUITÉ

En 2022, Josine Tiavouane passe de l’échelle locale à territoriale : à Conservation International elle a pour mission de coordonner un projet intitulé Vision Kanak de l’océan (VKO), qui doit renforcer l’implication des autorités coutumières (Sénat et huit conseils coutumiers) dans la gestion du Parc naturel de la mer de corail (PNMC). En lien avec les coutumiers, il faut définir cette vision, l’intégrer au décret de création du parc et à la loi sur les aires marines protégées. L’objectif est aussi que les coutumiers puissent accéder à la coprésidence du comité de gestion pour être au même niveau de décision que l’État et le gouvernement.

Josine Tiavouane dépasse ses appréhensions sur sa position de femme et sa légitimité, apprend beaucoup, se réapproprie sa culture. De leur côté, les référents coutumiers et sénateurs ouvrent la tradition orale en partageant par écrit cette vision de l’océan, tout ce qui est dicible. Une vision faite d’espèces ancêtres, de pratiques de pêche, de chemins coutumiers, de noms d’endroits, etc. « C’est une volonté des coutumiers de faire un pas vers les autres communautés pour créer du lien », juge la cheffe de projet.

L’équipe échange avec Hawaï, Rapa Nui et bientôt les Maoris à l’UNOC, la conférence des Nations unies sur l’océan à Nice, début juin, où elle présentera le projet VKO et la brochure.

Désormais le Parc naturel porte un nom en langue : Nèkwiè pûû möȓu (ocean, origine du vivant en a’jië). Et des représentants coutumiers participent à des missions scientifiques. Le programme, financé à hauteur de 200 millions par Conservation International et Blue Nature Alliance, s’achèvera en 2026.

Afin de s’assurer de la pérennité de ce travail, une association a été créée. Elle est en cours de structuration. L’objectif sur le long terme est de permettre que la vision kanak de la nature toute entière soit prise en compte dans l’ensemble des politiques publiques du territoire en matière d’environnement.

Josine Tiavouane poursuivra dans cette voie. « C’est vraiment le projet d’une vie, ma contribution au pays. Quelqu’un nous a dit à Maré que ce que nous faisons est thérapeutique pour se réapproprier notre culture, notre identité. C’est tellement beau, parce que c’est exactement le chemin que j’ai fait. »

Chloé Maingourd

La brochure La vision kanak de l’océan est disponible sur le site du Sénat coutumier: https://www.senat-coutumier.nc/actualites/la-brochure-vision-kanak-de-locean

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