Jeu d’équilibre au sommet

Au regard du format du sommet proposé, Emmanuel Macron n’a pas accédé à la demande de Marine Le Pen, du RN, d’être associée à ces échanges, relève l’AFP. Photo Ludovic MARIN / POOL / AFP

Le président de la République, Emmanuel Macron, devra ménager, à partir du 2 juillet, les différentes aspirations politiques calédoniennes, sans désavouer son ministre des Outre-mer, porteur du projet de souveraineté avec la France.

L’invitation est désormais officielle. Le président de la République, Emmanuel Macron, a convié mardi 24 juin « l’ensemble des acteurs du territoire »« un sommet consacré à la Nouvelle-Calédonie » à partir du mercredi 2 juillet à Paris. L’ambition est bien de préciser l’avenir institutionnel de l’archipel au sein d’un accord, mais aussi de discuter des enjeux économiques et sociétaux. « Nos échanges dureront le temps nécessaire à ce que les sujets lourds que nous aurons à aborder puissent l’être avec tout le sérieux qu’ils méritent », indique le locataire de l’Élysée dans son courrier.
Cette séquence peut être considérée comme le rendez-vous de la dernière chance, après les trois consultations d’autodétermination entre 2018 et 2021, puis des années d’inertie, les violentes émeutes de mai 2024, enfin les négociations de Deva ayant débouché sur un échec. À Bourail, début mai, le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, avait proposé un projet fondé sur une souveraineté avec la France. Le président de la République prend désormais l’initiative, mais avec le ministre d’État à ses côtés qui « a réussi à renouer les fils du dialogue, ce qui est un acquis en tant que tel », d’après la lettre du 24 juin.

Selon les informations de DNC, les pourparlers se dérouleront au ministère des Outre-mer et des chefs d’entreprise ainsi que des maires seront invités, en plus des responsables politiques calédoniens. Emmanuel Macron ouvrirait les discussions et laisserait ensuite la main à son ministre, l’objectif du chef de l’État étant d’aboutir à un accord. En ouverture du sommet Pacifique-France mardi 10 juin à Nice, Emmanuel Macron avait mentionné vouloir atteindre un « projet nouveau » pour la Nouvelle-Calédonie, tout en assurant de ne pas refaire les « erreurs » liées aux référendums, pas « adaptés » à ses yeux aux cultures locales, a rapporté l’AFP. D’après des échos, les discussions pourraient repartir du projet mis sur la table par Manuel Valls à l’hôtel de Deva.

« UN PROJET SALUTAIRE »

Pour le mouvement indépendantiste UNI, le jeudi 19 juin, « le projet de souveraineté avec la France proposé début mai (…) engage la parole de l’État vis-à-vis des délégations calédoniennes, écrivent Victor Tutugoro, Jean-Pierre Djaïwe et Adolphe Digoue. En effet, ce sont elles qui ont demandé qu’un accord global fixe un statut définitif pour la Nouvelle-Calédonie et que l’État énonce sa vision de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie ». Ces cadres de l’UPM et du Palika estiment « que le projet « d’une souveraineté avec la France » est salutaire ». Cette proposition pourrait se traduire, selon les éléments présentés par Manuel Valls, par un transfert et une délégation immédiate des compétences régaliennes à la Nouvelle-Calédonie – défense, sécurité, monnaie, justice ‒, l’instauration d’une double nationalité ‒ française de droit et calédonienne ‒, ou encore l’établissement d’un statut international, à l’issue d’un délai à déterminer et à négocier.

Le projet avait aussi reçu un accueil très favorable du FLNKS nouveau format. Le Front se réunira en convention samedi 28 juin, à Pouébo, afin de statuer sur une participation ou non au sommet de Paris, et si la présence est validée, les militants doivent définir la stratégie à tenir. La reprise du dossier par Emmanuel Macron ne rassure pas certains dirigeants à l’Union calédonienne, ces indépendantistes craignant « une marche-arrière », c’est-à-dire l’absence désormais de Manuel Valls dans la boucle. Néanmoins, il serait étonnant de voir le FLNKS refuser l’invitation. Son président, Christian Tein, tout juste libéré de prison, mais toujours mis en examen, a espéré mercredi 18 juin une sortie « par le haut » de la crise.

« DÉSESPOIR »

Le projet avancé par le ministre des Outre-mer, Les Loyalistes n’en veulent pas, voyant là une indépendance-association. « La proposition de Manuel Valls et l’échec de Deva avaient accentué le désespoir des Calédoniens et aggravé la situation économique et sociale. Je crois dans la construction d’un « projet nouveau » initié par le président de la République », a déclaré Sonia Backès, cheffe de file du mouvement qui participera « activement à l’ensemble des travaux », rapporte l’AFP mardi 24 juin. Le député Nicolas Metzdorf s’est réjoui de la confirmation officielle du sommet. « Nous y participerons avec un message simple et ferme : le respect du choix des Calédoniens et la volonté de reconstruire durablement la Nouvelle-Calédonie », explique le parlementaire.

Face à de telles oppositions, Calédonie ensemble a dévoilé, vendredi 20 juin, des éléments qui « pourraient constituer un consensus acceptable par tous ». Le projet Valls de souveraineté avec la France serait bien intégré dans un accord global. Mais une période de stabilisation, de 10 à 15 ans, « nécessaire à la reconstruction du pays », serait instaurée, le temps de mettre en place les points de convergence institutionnels identifiés mais aussi des pactes financier et nickel entre l’État et la Nouvelle-Calédonie. Un référendum sur la base d’un projet d’avenir partagé serait organisé au terme de cette phase. À Paris, en marge d’une conférence de presse sur Mayotte, le ministre, Manuel Valls, s’est montré confiant lundi 23 juin. Un « accord reste possible ».

Yann Mainguet