Jean-Pierre Djaïwé : « Le groupe UNI n’exclut pas de proposer un référendum sur les deux projets »

« Pour la première fois, l’État expose clairement sa vision sur l’avenir de ce pays, estime Jean-Pierre Djaïwé, du parti Palika. Cette vision va dans le sens de l’accord de Nouméa. » Photo YM

L’UNI entend s’engager dans le comité de suivi évoqué par le ministre Manuel Valls pour parvenir à un accord global.

DNC : À qui attribuez-vous la responsabilité de l’échec du « conclave » ?

Jean-Pierre Djaïwé : Le ministre des Outre- Mer, Manuel Valls, a réussi à réunir tous les partenaires autour de la table, jusqu’à la fin. Ce qui n’a pas été le cas lorsque Gérald Darmanin avait le dossier calédonien en main. De plus, aussi bien les indépendantistes que les non-indépendantistes ont dit à un moment donné que si les solutions proposées sont diamétralement opposées, l’État doit remettre un projet. Et Manuel Valls l’a fait.

Sa proposition de souveraineté avec la France tient compte, selon nous, des deux aspirations. C’est-à-dire celle qui milite pour le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans le cadre de la République française et celle qui veut une souveraineté du pays avec la France grâce à un partenariat. L’État a essayé de trouver la voie médiane. Le ministre a fait tout ce qu’il avait en son pouvoir pour nous amener vers un accord. Il l’a dit : on ne peut concevoir une souveraineté en Nouvelle-Calédonie sans la France.

Où est le grain de sable selon vous ?

Nos amis non-indépendantistes, quand ils sont allés à Deva, avaient déjà en tête qu’ils ne signeraient pas un accord sur la base du projet présenté par le ministre. D’ailleurs, tout le monde était au courant de la proposition. Parce que, juste après son arrivée, Manuel Valls a tenu des réunions bilatérales avec toutes les formations poli- tiques et il leur a annoncé le projet qu’il entendait mettre sur la table.

À Deva, les non-indépendantistes ont présenté le projet de fédéralisme dans la France. Quitte même à aller vers la partition du pays. C’est inconcevable. Lors des débats, nous avons formulé une proposition dans une tentative de conciliation des points de vue : un statut provisoire de fédéralisme dans la France, peut être appliqué dans une période à déterminer – nous pensions à deux mandatures, pour une reconstruction et une stabilisation du pays – mais dans la perspective de parvenir à un statut définitif de pleine souveraineté avec la France. Cependant, les Loyalistes et le Rassemblement rejettent toute forme d’indépendance. Ils sont bloqués là-dessus.

Cet échec ne risque-t-il pas d’élargir le fossé entre les politiques d’un côté et le monde économique et les citoyens de l’autre ?

C’est une vraie question, car sans accord, les choses ne vont pas s’arranger. Les citoyens n’ont pas de visibilité. Les investisseurs ne peuvent pas financer de projets dans un pays qui n’a pas de perspective, d’avenir. Le ministre Valls, avant son départ, a évoqué la mise en place d’un comité de suivi. Nous voulons nous engager dans cette voie pour essayer de parvenir à un accord global. Parce que les élections provinciales ne vont pas régler le problème, bien au contraire.

Avez-vous réellement vu une matière à négociation dans le projet Valls ou les indépendantistes se sont-ils arrêtés sur celui-ci ?

Nous y avons adhéré. Quand nous parlons de partenariat avec la France, c’est bien pour que les compétences régaliennes soient exercées par l’État dans le cadre de conventions. Certaines compétences peuvent être partagées, comme l’ordre public. Les relations extérieures pourraient, elles, être transférées intégralement à la Nouvelle-Calédonie.

Je préciserais un point : les trois consultations ont eu lieu et viennent fermer une période avec un statut politique qui est l’accord de Nouméa, néanmoins le droit à l’autodétermination n’est pas pour autant éteint, il demeure. Nous avons donc la possibilité de faire valoir ce droit pour accéder à la pleine souveraineté.

Par ailleurs, le projet de la souveraineté avec la France est, pour nous, l’UNI, la parole de l’État. Nous y tenons. Manuel Valls a mis la barre à ce niveau-là. Il ne faudra pas redescendre plus bas. Sur les six formations politiques présentes à Deva, quatre sont favorables au projet présenté par le ministre. Dont l’UNI qui souhaite rencontrer les trois autres délégations afin de voir ce que l’on peut faire ensemble pour continuer à soutenir cette proposition.

Quels points auriez-vous contestés ?

Aucun à ce stade, l’UNI porte ce projet de souveraineté avec la France depuis longtemps. Désormais, il y a deux projets sur la table : une souveraineté avec la France et le projet de fédéralisme dans la France. Si toutes les initiatives pour parvenir à un accord global se soldent par un échec, le groupe UNI n’exclut pas de proposer un référendum sur les deux projets. C’est-à-dire opérer un choix entre les deux formules.

Craignez-vous un changement à la tête du gouvernement central à Paris ?

Oui. C’est une crainte. Au regard de l’histoire, ce sont les personnalités nommées par l’État pour gérer le dossier calédonien qui ont joué un rôle déterminant, dans un sens malheureux comme heureux : Pons, Rocard, Lecornu et Darmanin, maintenant Valls… Si le ministre change, le projet mis sur la table sera-t-il repris par son succes- seur ou tout sera-t-il repris à zéro ? C’est une véritable question.

Propos recueillis par Yann Mainguet