Jean-Brice Peirano, le militant

Passé, entre autres, par l’édition et la Maison du livre, Jean-Brice Peirano est le nouveau directeur de la FOL depuis deux mois. Un poste qui lui permet « d’apporter sa pierre à l’édifice ».

Malgré une légère brise, le soleil est écrasant en ce mercredi matin. Le ciel, bleu, et la vue imprenable sur la ville et la baie de la Moselle, du haut de la colline du Sémaphore. Site symbolique et historique de la FOL. Jean-Brice Peirano arrive en moins de cinq minutes avec son scooter de son bureau en Algeco de la rue Taragnat. C’est là que se trouvent les locaux de la Fédération des œuvres laïques depuis la fermeture du centre Marcel-Bousquet en 2011, et démoli en 2019.

« Comme beaucoup de Calédoniens, j’ai connu la FOL en tant qu’enfant sur la scène, puis en faisant partie du public. » À l’époque, Jean-Brice Peirano a déjà conscience que le « lieu emblématique porte quelque chose de particulier, qu’il s’agit plus que d’une salle de spectacle ». Il ne sait pas encore qu’il en deviendra, 40 ans plus tard, le directeur.

PARTIR POUR MIEUX REVENIR

Un hasard ? Le Calédonien, né en 1977, découvre la lecture alors qu’il est encore tout jeune. La rencontre se passe, là aussi, dans un endroit emblématique. La bibliothèque Bernheim. « J’ai fait un exposé dessus à l’école, et mes parents m’y laissaient souvent quand ils faisaient des courses. » Chez lui, l’accès aux livres est limité. Ses parents n’ont pas fait d’études, « mon père n’avait pas le bac », mais incarnent un exemple pour Jean-Brice Peirano, qui s’envole en Métropole poursuivre les siennes en 1995. Sa mère n’y est sans doute pas étrangère. « Elle a repris des études alors qu’elle avait un travail et des enfants, c’est un investissement colossal. Cela m’a poussé à mériter la place où je suis. »

Une valeur pas si éloignée de l’éducation populaire véhiculée par la FOL. « Cela signifie qu’on peut venir du bas et avoir des ambitions. Il y a cette idée de déconstruire ce qu’on a appris ou les certitudes liées à notre statut social. »

Il obtient une maîtrise des arts et de la culture spécialisation métiers du livre, travaille à Villeurbanne, à côté de Lyon, « en lien avec deux tiers-lieux qui font résonance avec la FOL », est embauché par les éditions La Mauvaise Graine, puis par la médiathèque et un bibliobus. Engagé depuis toujours, il devient bénévole dans des associations d’édition et des cafés-librairies.

Dix ans passent, son île natale le rappelle. « J’avais le mal du pays. » Il rentre, déterminé à participer à la construction de la Nouvelle-Calédonie. « Je fais partie de cette génération qui se disait, “À nous, maintenant, d’apporter notre pierre à l’édifice”, c’était un vrai moteur. Quand je vois où je suis aujourd’hui, je me dis que cela prend tout son sens. »

L’AVENTURE DU CAMION-LIBRAIRIE

En 2005, il s’investit dans la maison d’édition locale Grain de Sable pendant quatre ans. Jean-Brice Peirano est ensuite nommé directeur de la Maison du livre à sa création, en 2010, et restera à sa tête jusqu’en 2020. L’établissement culturel soutient et valorise la filière livre. « Cela a permis de redonner un peu de visibilité à la production locale, notamment avec le Salon international du livre océanien. Sans cette structure, plein d’auteurs n’auraient pas été publiés. »

L’expérience est vécue à fond, comme toujours. Dix autres années s’écoulent. « J’avais essayé beaucoup de choses, j’avais fait le tour de la question. » Il est temps de passer la main. Et de changer. Il pense même se reconvertir. C’était sans compter les aléas de la vie.

À ce moment-là, le camion-librairie ambulant tenu par les Bookonautes cherche repreneur. « Quand je suis revenu, j’avais le projet de monter un café-librairie, ce que je n’ai pas pu faire. » Encore un signe. « J’essaie de quitter ce milieu et il revient à moi. » L’activité est difficilement viable, alors il est aussi libraire chez Calédo Livres et intervenant dans les écoles. Un « engagement militant » qu’il accomplit grâce à l’appui de sa famille. « Je ne me serais pas lancé sans cela. »

LA FOL, « JE N’AURAIS PAS RÊVÉ MIEUX »

L’aventure D’Lires ambulants prend fin deux ans plus tard. Jean-Brice Peirano postule à la direction de la FOL, qui représente « le projet de reconversion que je n’avais pas réussi à faire. Je me suis dit : “il n’y a pas de hasard, ça arrive maintenant alors que je suis en train d’arrêter mon activité précédente”. » Recruté, il arrive à un moment charnière de l’histoire de la Fédération des œuvres laïques. « Ça met la pression, la charge est forte, mais c’est grisant. » Un nouveau cycle aussi pour Jean-Brice Peirano.

Son cahier des charges ? Maintenir le fonctionnement des centres de loisirs et de vacances, continuer d’assurer l’accueil des enfants en situation de handicap, pour- suivre le suivi des services civiques, qui représentent près de 200 jeunes par an, les formations Bafa et BAFD, etc. Et, surtout, mener à bien la réalisation du tiers-lieu sur la colline, pour une ouverture prévue début 2024. « Il y a une attente, on veut que ce soit un poumon pour toute la population, y compris la plus éloignée de la commune. »

Et dans dix ans, il sera où Jean-Brice Peirano ? « Je ne sais pas, je vais me laisser porter », guidé par sa bonne étoile. « Jusqu’à maintenant, elle m’a bien protégé et conseillé. Je n’aurais pas rêvé mieux. »

 

Anne-Claire Pophillat

 

Photo © A.-C.P. : Jean-Brice Peirano souhaite « redonner toute sa dimension à la FOL », qui compte 40 associations dans les domaines de la culture, de l’environnement, du handicap, de la santé, etc. « On mène une action de proximité avec l’idée de transmettre, notamment au jeune public. »