« Je vais dans le sens de l’intérêt de la commune. »

Harold Martin a mis fin jeudi dernier à ses fonctions de maire et de conseiller municipal de Païta. Il a préféré remettre sa lettre de démission au haut- commissaire pour ne pas pénaliser le vote du budget de Païta qui doit se tenir en mars, en même temps que l’arrêt de la Cour de cassation dans le cadre de l’affaire de la 3G de l’OPT.

C’est sur les ondes de RRB qu’Harold Martin a annoncé, jeudi dernier, sa décision : « Je démissionne de mon poste de maire et par conséquent, aussi de mon poste de conseiller municipal à la mairie de Païta. J’ai signé ma lettre de démission que je vais envoyer au haut-commissariat pour qu’elle soit validée. » C’est avec ces deux phrases que celui qui est à la tête de cette commune depuis 1995 a averti publiquement ses administrés, les Calédoniens et la classe politique.

Une décision qui intervient un an avant les prochaines élections municipales, mais motivée par un télescopage de calendrier. Comme l’a expliqué Harold Martin, « s’est tenue mercredi, à Paris, l’audience de la Cour de cassation sur la fameuse a aire de l’OPT dite de la 3G et qui rendra son verdict le 20 mars. Et c’est ça le problème parce que n mars, nous sommes à Païta en plein vote du budget. Donc pour aller dans l’intérêt de la commune, je ne souhaite pas que les administrés soient sanctionnés par une décision juridique me concernant. J’ai donc pris les devants par mesure de précaution ». Harold Martin craint que s’il est condamné à une peine d’inéligibilité, le budget de sa commune ne puisse être voté normalement et que les administrés de Païta en fassent les frais.

Rappelons que dans l’affaire de la 3G, Harold Martin avait été condamné, en 2015, à deux ans d’inéligibilité et six mois de prison avec sursis pour prise illégale d’intérêt, puis relaxé en appel en 2017 pour ce qui est du délit de favoritisme, mais toujours condamné pour la prise illégale d’intérêt avec des peines allégées. Harold Martin s’était donc pourvu en cassation sur le deuxième point sur lequel la Cour de cassation rendra son arrêt le 20 mars. Elle peut soit casser l’avis de la cour d’appel de Nouméa, soit confirmer le jugement et la condamnation à une peine d’inéligibilité.

Vote du budget décalé ?

Si certains se demandent pourquoi la date du vote du budget de la commune n’a pas été avancée ou reculée pour coïncider avec celle de la Cour de cassation, c’est que cela est impossible. Harold Martin a expliqué qu’il était impossible de voter ce budget avant, car le conseil doit avoir en possession le compte de gestion du payeur qui ne sera pas prêt avant le 20 mars. Et après, le haut- commissaire devrait saisir la Chambre territoriale des comptes pour établir un budget a minima, ce qui « pénaliserait les administrés de Païta dans une année où sont prévus de gros investissements. Et cela, je ne le veux pas !»

Une décision commentée

Si les habitants de la commune sont pour la grande majorité déçus de cette décision, au niveau de la classe politique le bureau des Républicains calédoniens, parti soutenu par Harold Martin, s’est exprimé par voie de communiqué dès le lendemain en tenant à saluer cette décision. « Élu à la mairie de Paita en juin 1995, réélu depuis sans discontinuité, Harold Martin a fait de Païta une commune où il fait bon vivre. Pour accompagner et favoriser le développement, il a initié entre autres les zones industrielles, la construction d’écoles. Païta lui doit aussi le développement du sport et de la culture au travers de l’Arène du Sud et du dock socioculturel. »

Avant d’ajouter : « Harold Martin a également lancé l’alimentation en eau du littoral et des lotissements. Il a permis à la commune de se doter d’un centre de secours et de l’école des sapeurs-pompiers et mis en place des dispositifs innovants de prévention de la délinquance comme les médiateurs et médiatrices qui ont permis à Païta de devenir une ville où les diverses communautés vivent ensemble en harmonie. »

Qui va lui succéder ?

Si le conseil municipal dispose encore d’une semaine pour se réunir et voter pour élire un nouveau maire, pour Harold Martin, la question ne se pose même pas. « Ce n’est pas le premier venu qui peut gérer Païta. Il faut connaître la commune, ses communautés, ses tribus, la grande chefferie, ses administrés. Et je ne vois qu’un homme aujourd’hui qui peut le faire, je parle bien sûr de Willy Gatuhau. Je l’ai recruté en 1995, il a fait tous les services de la mairie, puis est passé à mon cabinet et a quitté après 20 ans passés comme agent communal au poste d’élu. Il a fait ses preuves ensuite comme premier adjoint et lui seul est aujourd’hui à la hauteur des ambitions de la commune et ses administrés. Et puis il est surtout entouré d’une équipe rodée et compétente, de cadres d’une grande valeur. »

Willy Gatuhau semble donc être le grand favori pour succéder à Harold Martin et il en va autrement, comme on peut s’en douter, du côté de l’opposition a liée à Calédonie ensemble. Son chef de le, Frédéric de Greslan, pense que le vote du conseil municipal est déjà plié, la liste d’Harold Martin ayant une majorité absolue. Pour lui, « tous les élus de la majorité devraient avoir le courage de démissionner a n de provoquer de nouvelles élections comme cela s’est produit à Bourail. Même si les prochaines échéances municipales sont dans un an », a-t- il déclaré dans les colonnes des Nouvelles calédoniennes.

Pour les Républicains calédoniens, la démission d’Harold Martin va permettre « le renouvellement de la classe politique calédonienne, chère aux Républicains calédoniens. Pour lui succéder, nous soutenons donc la candidature de Willy Gatuhau, 1er adjoint depuis cinq ans et qui œuvre pour la mairie depuis plus de 20 ans au service des administrés. Sa connaissance de la commune, de ses populations, des enjeux d’avenir, sa compétence en font le candidat idéal et légitime pour permettre à Païta de se développer avec dynamisme dans la continuité de ce qui a été fait par l’équipe en place ».

Et les provinciales ?

Si Harold Martin part serein de la mairie de Païta, l’élu a également tenu à préciser qu’il ne serait pas sur une liste aux provinciales quelle que soit la décision de la Cour de cassation, le 30 mars. « Cela fait 35 ans que je suis au Congrès, donc ça suffit. Mais on peut faire de la politique autrement. Je pense que mes obligations sont maintenant ailleurs, je veux me dégager pour ce qui est essentiel pour la Nouvelle- Calédonie. Après les provinciales, je suis certain que Paris va rediscuter de l’indépendance- association. Donc je veux veiller aux avancées de Monsieur Christnacht. Car nous avons, nous les Calédoniens, fruit de notre travail, gagné, nous avons gagné le droit incontesté et reconnu par la communauté internationale de vivre en France et je vais me battre pour cela. Je ne laisserai personne piétiner ce droit. »

Harold Martin compte bien observer de près les prochaines provinciales, lui qui sera nul doute de conseil « dans le club des Républicains calédoniens » et quant à l’union ou pas des loyalistes aux provinciales pour contrer justement cette indépendance-association, ils pensent que « les futurs élus sont responsables et sauront s’unir », mais ce qui est à craindre, « ce sont les petites listes qui vont prendre des voix et donc nous en faire perdre, mais qui ne passeront pas la barre pour autant. Donc ce sont des sièges perdus. C’est un vrai risque que les indépendantistes deviennent majoritaires au Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Là, ce serait effectivement une grande difficulté. »

C.S