Infatigable Pierre Fairbank

À peine revenu de Paris, Pierre Fairbank a repris les entraînements. (© F.D.)

Pierre Fairbank n’a pas rapporté de médaille des Jeux paralympiques de Paris, ses « derniers », avait-il annoncé. Vraiment ? Pour le moment, l’athlète sprinteur se prépare pour ses prochaines compétitions.

Paris, les Jeux paralympiques, le 5 septembre. Les gradins du Stade de France sont bien remplis pour la finale du 800 m dans la catégorie T53. Sur la piste mauve, un Calédonien, Pierre Fairbank. En direct sur France 3, le commentaire encourage le seul Français en course et y croit. « Ce serait magnifique. À 53 ans, il est toujours là, Pierre Fairbank, il résiste. » Le Calédonien finit 4e, mais le présentateur conclut : « C’est frustrant, mais magnifique à la fois ».

Quelques mois plus tard, Pierre Fairbank est toujours là sur la piste rouge du stade Numa-Daly, à Nouméa pour parler de ses Jeux et de son extraordinaire longévité. « Et si Pierre Fairbank était en réalité Benjamin Button… », s’est demandé le quotidien sportif L’Équipe, en référence au film de David Fincher dans lequel le héros ne cesse de rajeunir.

Ces Jeux paralympiques, qui se sont déroulés du 28 août au 8 septembre, le Calédonien n’était pas sûr d’y participer. Sauf qu’il remporte deux médailles d’or aux Mondiaux de Kobe, au Japon, en mai. « J’ai bien fait de continuer et de faire ces 7es Jeux. C’étaient les plus beaux en termes d’ambiance, d’organisation, de fréquentation…, s’enthousiasme Pierre Fairbank. Il y avait surtout un échange entre les Jeux olympiques et paralympiques. C’est la première fois que j’ai vu ça. »

Et la fête aurait été plus belle avec une médaille. Le compétiteur a fini 5e au 100 m, 6e au 400 m et, le plus agaçant, 4e au 800 m. « Je suis frustré d’avoir fini 4e, mais je ne suis pas déçu. C’était mon niveau », reconnaît-il, avant de s’en amuser. « J’aurais bien aimé avoir la dixième médaille pour finir sur un chiffre rond. »

DANS SA BULLE

Pour ce Calédonien né à Hienghène, ces Jeux restent toutefois indissociables du contexte des émeutes. « J’étais aux championnats du monde à Kobe quand c’est arrivé. J’étais un peu dans ma bulle, plus à penser à ici qu’aux championnats », se souvient-il. L’athlète est resté huit jours bloqué à Narita, au Japon, avant de pouvoir revenir. En l’absence d’avion, il a raté un stage préparatoire en Suisse prévu de longue date. « Il m’aurait fait du bien. Je n’avais pas vraiment de repères de vitesse. »

Avec ses compatriotes sélectionnés, le Cagou a en mémoire le soutien des Calédoniens, malgré la distance et les épreuves. Et quand on lui demande son meilleur moment, il répond avec humour : « Ce n’est pas la médaille, je n’ai pas de souvenirs ». Il en retient l’ambiance. « J’avais un des plus beaux sites : le Stade de France. Quand tu y rentrais… Waouh ! On criait ton nom, il y avait une ferveur. Les gens étaient heureux. » Mais parmi tous ces spectateurs, sur la ligne de départ, le champion en avait une seule en tête. « C’est la première fois que j’ai pu faire venir ma fille de 14 ans et qu’elle me voyait dans un stade. »

Entre les Jeux en Australie, en 2000 et aujourd’hui, l’athlète a vu l’évolution. « À Sydney, c’était 26 minutes à la télé, le soir, à minuit. Maintenant, ce sont des heures de direct. » Cette mise en lumière est importante pour Pierre Fairbank, car elle « amène de nouveaux sportifs qui commencent en loisirs et qui après se prennent aux Jeux, tout comme moi ». Au-delà des performances, son objectif aujourd’hui est de transmettre et d’inspirer de futurs champions. À Paris, Pierre n’était pas seul, il y avait aussi Félicien Siapo en course et Vitolio Kavakava en lancer. Comme pour les autres ligues, le handisport s’inquiète des baisses annoncées de subventions de la part des collectivités. « La plus grosse part de notre budget, ce sont les déplacements, craint le champion. Il ne faut pas que ça casse la dynamique ou que ça décourage. »

Et qu’en est-il de la suite pour Pierre Fairbank ? Dans son édition du 1er septembre, le journal Ouest-France a publié un entretien avec le Calédonien, avec pour titre : « Je vous rassure, ce sont mes derniers Jeux ! » Mais quand on lui demande s’il compte arrêter : « Je me dis ça depuis Sydney. À chaque Olympiade, je dois m’arrêter. Je dis oui », affirme-t-il avant d’éclater de rire et de préciser : « J’ai toujours vu année par année ».

Pour le moment, le sportif entend profiter de sa préparation aux Jeux. Son premier objectif est le marathon de Séoul, en Corée du Sud, début novembre. Et l’année prochaine, aux championnats du monde, Pierre Fairbank sera encore là.

 

9 médailles paralympiques
L’athlète a remporté une médaille d’or, trois en argent et cinq en bronze. Sa première était en 2000 à Sydney. Son palmarès compte aussi 14 médailles aux championnats du monde et 10 d’Europe, ainsi que 76 titres de champion de France.

7,9 kg
Son fauteuil de course pèse environ 7,9 kg, avec une structure en alliage aluminium et des roues en carbone. À ses débuts, son matériel en acier avoisinait les 20 kg.

53 ans
Pierre Fairbank est né le 27 juillet 1971 à Hienghène.

Fabien Dubedout