Poussée par la revendication entendue lors des mobilisations contre le dégel du corps électoral fin 2023 et en 2024, la coalition indépendantiste, dont le moteur est l’UC, veut établir une date d’accession à la pleine souveraineté au plus tard le 24 septembre 2025.
L’opposition ferme au projet de réforme du corps électoral provincial et ses déclinaisons à la tribune ou dans la rue ont modifié le profil du Front de libération nationale kanak et socialiste. À Koumac, tribu de Pagou, début septembre, lors d’un 43e congrès extraordinaire autant historique que contesté, le Front adoptait des mesures radicales : la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) était reconnue comme un « outil de mobilisation », son leader Christian Tein, placé en détention provisoire dans l’Est de la Métropole à la suite des émeutes du 13 mai, était nommé président de la coalition indépendantiste, et pas moins de sept formations nationalistes intégraient l’entité politique.
Absentes dans l’extrême nord, car profondément agacées par la ligne choisie, le Palika et l’UPM ont depuis pris leur distance avec le fonctionnement du FLNKS.
Cinq mois plus tard, ces samedi 25 et dimanche 26 janvier, le 44e congrès d’un Front rebâti s’est posé dans un endroit très symbolique : chez Christian Tein, au lieu-dit Les 4 cocotiers, tribu de Saint-Louis, au Mont-Dore. Bien plus qu’un clin d’œil, l’affirmation d’une position. « Cette année est importante, décisive pour le combat du peuple kanak vers sa libération », a résumé André Forest de l’USTKE, lors des coutumes. Roch Wamytan a investi un registre plus discutable. Pour la personnalité de l’Union calédonienne et grand chef, « la lutte pour la décolonisation n’est pas un long fleuve tranquille. On va encore souffrir, il y aura encore des morts. Mais il faut continuer. Parce que l’on ne peut pas vivre dans un pays dans lequel on vit une forme d’esclavage ».
UN « POSTULAT »
Le FLNKS, au terme des deux jours de débat, a défini une stratégie déjà évoquée par l’UC en novembre. Ce qui prouve le poids du plus vieux parti calédonien auprès des autres composantes du Front que sont le Rassemblement démocratique océanien (RDO) mais aussi désormais l’USTKE, le Parti travailliste, le Mouvement des Océaniens indépendantistes (MOI) ou encore la Confédération nationale des travailleurs du Pacifique (CNTP).
Les membres s’appuient sur un « postulat » : « la Nouvelle-Calédonie toujours colonisée », « la révolte de la jeunesse le 13 mai » ou encore les « 10 000 voix de plus que les non-indépendantistes aux dernières législatives », a souligné Dominique Fochi de l’UC, qui a cité des « phases » en vue de l’objectif d’indépendance du territoire.
Une délégation du FLNKS, ou plus précisément du groupe UC-FLNKS et Nationalistes du Congrès, est annoncée à Paris début février auprès du ministre des Outre-mer, Manuel Valls, pour une discussion uniquement « en format bilatéral avec l’État » dans le but de poser les bases d’une future négociation, a expliqué Laurie Humuni du RDO.
À terme, le Front souhaite la signature de « l’accord de Kanaky au plus tard le 24 septembre 2025 », jour symbolique. Cet accord doit fixer « une date d’accession effective à la pleine souveraineté ». Puis, toujours selon le déroulé exposé, une période de transition devra aboutir « à la création de notre nouvelle nation ». Mais cette période, selon un courrier de Christian Tein lu par une animatrice à l’ouverture du congrès, « doit être la plus courte possible pour éviter que l’élection présidentielle de 2027 ne compromette l’application de l’accord de Kanaky. Notre nation doit obtenir la pleine souveraineté avant cette élection ». Des discussions seront ensuite menées, d’après Laurie Humuni, pour conclure « des conventions d’interdépendance avec l’État français et d’autres États ».
LA PRÉSENCE DE CHRISTIAN TEIN
Des principes et conditions sont posés. Christian Tein, dans sa lettre, balaie l’« illusion d’une souveraineté partagée », « un concept trompeur ». Autrement dit, la proposition de Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, en novembre est rejetée.
Pour le FLNKS, l’accord de Nouméa est en outre le plancher des négociations sous la supervision de l’ONU. Des pourparlers qui se tiendront, en Nouvelle-Calédonie, avec le président du Front.
Le FLNKS marche dans les pas de l’Union calédonienne, mouvement qui avait, en novembre, exprimé la volonté de faire accéder le territoire à la pleine souveraineté en 2030. Cette année-là correspond à la fin de la quatrième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme adoptée par l’ONU. D’où l’accélération du FLNKS et le durcissement de son discours. D’autant qu’une compétition interne peut voir le jour dans l’optique de la constitution des listes pour les élections provinciales en fin d’année.
La coalition indépendantiste, fondée en 1984, s’inscrit dans une voie parallèle à celle des proches discussions autour du ministre Manuel Valls. Ce qui risque de compliquer les affaires de l’État.
Absents à Saint-Louis ces 25 et 26 janvier comme annoncé, le Palika et l’UPM, inscrits sur une ligne bien plus modérée que celle de l’actuel FLNKS, seront présents du 4 au 9 février autour de la table de l’État sous la bannière de l’UNI pour les discussions. Des échanges en bilatérale puis en séance plénière sont envisagés. Le parti de Paul Néaoutyine milite pour une indépendance en partenariat avec la France, la formation de Victor Tutugoro en faveur d’une souveraineté partagée. Deux aspirations qui se rejoignent.
Yann Mainguet