Il faut sauver la tortue « grosse tête »

Menacée d’extinction, la tortue « grosse tête » du Pacifique Sud doit faire face à un nouveau danger : le réchauffement climatique. WWF et l’IRD mènent actuellement un programme de recherche sur le Grand Lagon Sud afin d’identifier les meilleures stratégies de conservation pour cette espèce.

Une nouvelle bataille attend la tortue « grosse tête ». Déjà en guerre sur plusieurs fronts, cette tortue de mer lutte actuellement pour sa survie dans le Pacifique Sud. Son nouvel ennemi : le réchauffement climatique. Il entraîne notamment la féminisation des nids, l’une des principales menaces des tortues marines. Le principe est simple : plus il fait chaud dans les nids, plus il y a de femelles. Plus l’équilibre entre les deux sexes est donc menacé.

À Bourail, le constat est déjà alarmant. « Il y a des endroits où aujourd’hui les nids produisent plus de 95 % de femelles. À un moment ça va poser problème », assure Marc Oremus, responsable bureau WWF en Nouvelle-Calédonie. Dans cette épreuve, les reptiles en voie de disparition peuvent compter sur l’organisation de protection environnementale et l’Institut de recherche pour le développement (IRD) qui mènent actuellement un programme pour leur venir en aide.

 

Qui sont les tortues « grosse tête » ?

En Nouvelle-Calédonie, on les appelle « grosse tête ». Ailleurs, elles se nomment caouanne. « Ces tortues portent bien leur nom car la tête est disproportionnée par rapport à la carapace », précise Marc Oremus.
Elles sont un peu moins grosses que leurs cousines vertes. « Leur carapace fait environ 90 centimètres de long. »
Leur particularité réside dans leur façon de se déplacer sur le sable. Ceux qui ont la chance d’observer leurs traces sur les plages peuvent remarquer qu’elles font du crawl.

Le biologiste marin Hugo Bourgogne s’intéresse particulièrement aux îlots du Grand Lagon Sud. Les premiers résultats de sa thèse montrent d’ailleurs que les nids sont moins chauds qu’à la Roche Percée. La question se pose alors de savoir si les mâles du sud sont susceptibles de donner la main aux femelles de Bourail. Et casser ainsi ce phénomène de féminisation. « On regarde la connectivité entre les deux zones, notamment en équipant certaines tortues de balise satellite », précise Marc Oremus.

Les liens génétiques et les déplacements existants entre les différents sites de ponte du territoire sont observés à la loupe. « On utilise l’ADN pour voir si le patrimoine génétique du Grand Lagon Sud montre qu’il y a des échanges avec celui de la Roche Percée. » « La génétique, c’est un peu le Sherlock Holmes, l’œil du détective qui va permettre de dénouer leur histoire amoureuse », indique Claude Payri, directrice de recherche à l’IRD.

L’étude va apporter des éléments concrets et indispensables à la conservation de l’espèce. « Il y a 80 % de la population qui a disparu en cinquante ans. Ça ne représente plus que quelques centaines, tout au plus quelques milliers d’individus adultes », alerte Marc Oremus.

15 à 30 % des pontes du Pacifique Sud

Cette mission de sauvetage remonte déjà à 2016 lorsque la fondation WWF s’est intéressée de plus près aux sites de ponte dans les îlots du Grand Lagon Sud. Les travaux d’Hugo Bourgogne viennent confirmer l’importance de ce site stratégique. « On s’est rendu compte que la zone était majeure pour la ponte des tortues grosse tête du Pacifique Sud avec une importance au moins égale à la Roche Percée », informe Marc Oremus.

La Nouvelle-Calédonie accueillerait entre 15 à 30 % des pontes du Pacifique Sud, le reste étant situé sur la côte Est australienne. « Entre trois et cinq îlots du Grand Lagon Sud semblent accueillir la majorité des pontes. Avec ce type d’information, on peut ensuite prodiguer les recommandations adaptées à la zone et lancer des réflexions sur ce qui pourrait, par exemple, être classé en réserve. »

Les résultats de la thèse, prévus en 2024, détermineront la meilleure stratégie à adopter pour assurer la préservation de ces sites majeurs de conservation. Ils apporteront peut-être un moment de répit et de l’espoir à ces tortues fragilisées depuis déjà de nombreuses années.

Edwige Blanchon 

Photo : Pendant la prochaine saison chaude, de nouvelles données seront collectées pour compléter les travaux engagés. / Bastien Preuss