« Il faut accepter le fait qu’on ne peut pas creuser partout »

Le Comité consultatif de l’environnement vient de rendre public son rapport sur le bilan du Schéma de mise en valeur des richesses minières et du Code minier. Résultat, malgré des avancées certaines, beaucoup reste à faire afin de réduire l’impact de l’activité minière sur l’environnement, notamment en matière de décarbonation de l’énergie et de compensation.

♦ Faire évoluer la réglementation

C’est à la demande du WWF que le Comité consultatif de l’environnement (CCE) s’est autosaisi du bilan d’application des deux textes qui régissent le secteur de la mine, le Schéma de mise en valeur des richesses minières et le Code minier, qui datent de 2009. Pourquoi ? Parce que « c’est un des plus gros sujets à traiter pour pouvoir s’engager dans une transition écologique du territoire plus respectueuse de l’homme et de la nature », indique Hubert Géraux, responsable du WWF Nouvelle-Calédonie. L’avis rendu, consultatif, a été présenté aux élus du Congrès. Le CCE souhaite désormais se rapprocher des collectivités pour que les préconisations émises soient traduites dans la réglementation. « Les priorisations doivent maintenant venir des politiques », déclare Vincent Mardel, du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

♦ Biens, mais peut mieux faire

Si le bilan global est plutôt satisfaisant, « 90 % des préconisations de 2009 ont été mises en œuvre », évalue Jean-Sébastien Baille, directeur adjoint de la Dimenc*, il est temps de donner de nouveaux objectifs. « On avait du retard il y a plus de dix ans, mais aujourd’hui, on n’a pas à rougir, même s’il y a des domaines dans lesquels on peut progresser. Il y a une volonté de la part de la profession minière et des actions concrètes sur le terrain. » Mais pas encore assez, estime Charles Washetine, président du CCE. « Si les opérateurs miniers commencent à bouger, ce n’est pas suffisant. Les mesures prises restent en deçà de ce qui pourrait être fait. »

♦ Trop d’énergies fossiles

C’est le point noir. Le premier enjeu est de décarboner le secteur de la mine et de la métallurgie. Et ce, pour des raisons « à la fois éthique et économique », puisque les prix du charbon et du gaz vont augmenter, commente Hubert Géraux, qui considère que ce sujet aurait dû être mis davantage en avant dans le rapport. D’autant que « c’est possible ». Le responsable du WWF cite un projet de ferme photovoltaïque de 700 MW avec stockage en Australie, alors que « la puissance des trois centrales calédoniennes est de 500 MW. C’est sur la table et on repousse les choses. » Ce qu’il faut, c’est promouvoir « la démarche nickel vert tout au long de la chaîne, jusqu’au client final ».

♦ Sanctuariser certains espaces naturels

Deuxième question centrale, pose Hubert Géraux, « est-ce qu’on peut continuer à travailler comme ça et sacrifier certains espaces de biodiversité comme la forêt, un cours d’eau ou des sites qui ont une valeur culturelle ? » Pour l’écologiste, il faut « accepter le fait qu’on ne peut pas creuser partout » et « améliorer le processus global » en essayant de diminuer, voire d’annuler l’impact de l’activité au maximum. « Par exemple, sur un nouveau site d’extraction minière, s’il y a une forêt, on va préférer l’éviter et ne pas y faire passer les pistes. Si on ne peut pas faire autrement, il s’agit de réduire l’impact en diminuant leur largeur et enfin, si ce n’est pas possible, on compense. » La compensation, vers laquelle « on va trop vite », devant être le dernier recours. Sachant qu’une marge de progression est nécessaire dans ce domaine. « On a environ 80 % de retard sur les 100 % de surfaces à restaurer dans le Sud. »

♦ Et les fonds marins ?

« Rien n’est écrit et tout est à faire », affirme Chantal Courtot, de l’Association française des maires, concernant le sujet des ressources minérales marines. Le CCE préconise la mise en place d’un moratoire sur l’exploration et l’exploitation en attendant la mise à jour de la réglementation qui répond à un décret de 1954 ne prévoyant « aucun dispositif d’étude d’impact ou de déclaration des travaux ». Un sujet d’avenir très peu abordé qui mériterait d’être creusé.

*Direction de l’industrie, des mines et de l’énergie de la Nouvelle-Calédonie.

Le rapport est en ligne sur www.congres.nc/cce/presentation.

 


1/4 – L’exploitation des ressources en nickel constitue la principale activité économique, pour laquelle un actif sur quatre travaille directement ou indirectement. Et les exportations du métal représentent 90 % du total des exportations.

 


Le Comité consultatif de l’environnement

Le CCE est un organisme inscrit dans la loi organique qui regroupe une grande diversité de membres représentant le Congrès, le gouvernement, les provinces, les communes, l’État, le Sénat coutumier, des associations environnementales (Ademe, Corail vivant terre des hommes, WWF, Mocamana, association pour la sauvegarde de la biodiversité d’Ouvéa, Dayu Biik) et UFC-Que choisir.

 

Anne-Claire Pophillat (© Archives G.C.)