Hervé Mariton : « Le monde économique mériterait d’être mieux associé au processus politique »

La relation avec les compagnies d’assurances est un enjeu, d’autant qu’« en Nouvelle-Calédonie et pas seulement, il y a une forme de risque politique qui s’établit autour des outre-mer » note Hervé Mariton. Photo : YM

L’ancien ministre de l’Outre-mer, Hervé Mariton, de passage sur le territoire pour participer au séminaire de la Fedom, Fédération des entreprises des Outre-mer qu’il préside, estime que la dimension économique doit être au cœur des discussions sur l’accord politique.

DNC : Quel est, selon vous, l’état de santé des entreprises calédoniennes ?

Hervé Mariton : Beaucoup de chefs d’entreprise sont volontaires et ne capitulent pas. Mais la situation est préoccupante, car plus grave et plus longue que ce qui avait été imaginé au moment des événements – c’est mon sentiment, mais aussi l’avis d’entrepreneurs calédoniens. J’étais là en mai dernier. Dans les semaines qui ont suivi, tout le monde était conscient de la violence des événements et de la lourdeur des conséquences économiques.

Mais il y avait l’espoir d’une relance plus rapide. Et ce sentiment vaut encore à Paris où les personnes qui regardent en particulier la dimension économique du dossier calédonien ne sont pas tout à fait conscientes de l’effet de traîne d’une situation économique très dégradée. Chiffres de pertes d’emplois, niveau d’activité… Les gens ne baissent pas les bras, mais le moral n’est pas très haut.

Existe-il un risque d’effondrement ?

Quand nous avons une baisse de près d’un quart du produit intérieur brut et des niveaux de pertes d’emplois considérables, c’est une crise extrêmement grave. Il n’y a pas aujourd’hui un effondrement du tissu d’entreprises, mais il y a un effondrement du PIB de la Nouvelle-Calédonie, dans un contexte où les finances publiques tout comme l’activité privée sont à la peine. Avec en plus, entre les deux, manifestement un retard à l’allumage au niveau des investissements publics.

La Fedom apporte des éléments techniques en faveur d’un redressement ?

Nous nous mobilisons à fond – j’espère que le dossier va être réglé dans les heures ou les jours qui viennent – pour la défiscalisation, y compris au profit de la distribution, de la reconstruction des friches, notamment par leurs propriétaires exploitants. Nous espé- rons une décision favorable du ministère du Budget rapidement. C’est un dispositif extrêmement puissant dont la Fedom est l’auteure, avec le soutien, la mobilisation, la compréhension des organisations locales, en particulier le Medef et la CCI. Nous avons aussi obtenu le fait que, globalement, les aides fiscales à l’investissement productif en Nouvelle-Calédonie soient au meilleur taux existant dans l’outre-mer. Ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.

Par ailleurs, nous apportons des conseils de différentes natures, c’est, je pense, utile. Nous sommes aussi très actifs sur un sujet identifié avec nos adhérents très vite dans la crise, c’est un sujet qui demande une réponse forte et la réponse n’est pas aujourd’hui complètement au rendez-vous : les assurances. La situation des assurances n’est pas facile, mais celle des assurés est encore plus difficile. Il y a à la fois l’enjeu de la réponse des assurances, et dès lors que les assurances considèrent que le problème les dépasse, l’enjeu de la réponse de l’État.

La création d’un fonds émeutes est-elle possible ?

Il y a plusieurs schémas. C’est techniquement assez complexe. L’inspiration vient dans la comparaison avec la couverture des catastrophes naturelles. L’idée, de quelque manière dont on appelle les choses et quelle que soit l’ingénierie financière à mettre en place, est de demander à l’État de couvrir une partie de risque. Qui concerne un peu l’État quand il s’agit de l’ordre public et sur lequel les compagnies d’assurances disent ne pas être capables d’assurer compte tenu de l’ampleur et de la fréquence des risques. Mais il est indispensable de résoudre ce problème d’assurances parce que tant qu’il n’est pas résolu, l’investissement est très difficile, tout comme la couverture bancaire. Le travail de la Fedom est ici d’aider à la reconstruction et au développement. Mais l’un comme l’autre sont très « assurances dépendants ».

La société civile doit-elle intervenir, et si oui à quel stade, dans la construction de l’accord global sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie ?

Il est compliqué de définir ce qu’est la société civile. J’ai longtemps été élu, je suis encore élu local. Les élus représentent la société civile. Ensuite, il peut y avoir des expressions de différentes natures. Autre chose est la représentation du monde économique. Et le monde économique, dans les débats actuels, mériterait d’être mieux associé au processus. Je plaide constamment, en tant que président de la Fedom, et particulièrement dans des situations complexes, exigeantes et décisives comme celle que vit la Nouvelle- Calédonie aujourd’hui, l’importance de la participation du monde économique dans le process.

Il y a aussi des considérations de fond. Le projet politique n’a de sens que s’il est accompagné d’un essor économique. D’autant plus compte tenu des difficultés vécues et de la marche descendue depuis l’an dernier. Il n’y a pas de projet politique viable dans la durée s’il n’y a pas une consolidation et un sursaut économiques. Et bien sûr, il n’y a pas de sursaut économique s’il n’y a pas une visibilité et une lisibilité politiques. Les deux sont liés.

Propos recueillis par Yann Mainguet