Grande Épreuve : le vélo regarde dans le rétro

Alors que le Tour de Nouvelle- Calédonie a été annulé à cause de la crise sanitaire mondiale, c’est la Grande Épreuve qui prendra la place. Une compétition entre locaux qui fait son retour après 54 ans d’absence.

C’était le 25 septembre 1966. Gérald Boucher lève le bras pour célébrer sa victoire sur une étape entre Thio et Nouméa. Il signe ainsi la dernière victoire de la dernière Grande Épreuve. La dernière ? Eh bien non, puisque la compétition devrait faire son retour en octobre prochain pour remplacer le Tour de Nouvelle-Calédonie, vidé de sa substance à cause de la crise sanitaire mondiale.

Un sacré coup de nostalgie pour les passionnés, puisque la Grande Épreuve aura marqué l’histoire du cyclisme calédonien. Rien que la dernière édition de cette course à étapes aura fait éclore l’un des plus grands champions : Daniel Cornaille. Car si en cette après-midi de septembre 1966, c’est Boucher qui lève les bras, le vainqueur du général est un minot de 17 ans, plus jeune vainqueur de la compétition et qui, deux ans plus tard, remportera, la deuxième édition du Tour de Nouvelle-Calédonie.

Jeanson, journaliste fantaisiste

Mais la Grande Épreuve, c’est surtout une époque. Elle arrive dans une Nouvelle- Calédonie d’après-guerre qui se réveille, toute neuve après l’influence américaine, privée de compétitions de vélo entre 1941 et 1946. Dans ce contexte, Pierre-Hubert Jeanson, journaliste au Calédonien, a l’idée folle d’une compétition par étapes, entre le Nord et le Sud. Une traversée de la Grande Terre qui voit le jour en 1948.

Ce sont alors quinze cyclistes qui se lancent depuis Paagoumen pour un périple de plus de 400 km vers Nouméa. « La Calédonie avait de bons coureurs, raconte Narcisse Bernanos, premier vainqueur, dans le Mémorial du cyclisme de Gérard Cauville*. Le gros problème restait le mauvais état des routes et les nombreuses crevaisons. » Le soir de la première étape, à Koné, c’est Honoré Pantaloni qui revêt le premier maillot jaune de l’histoire. Mais le lendemain, Bernanos, en embuscade, le récupère à Bourail. La troisième et dernière étape n’aura été qu’une formalité puisqu’il comptait plus de huit minutes d’avance au classement, le matin du départ.

Passer les radiers, la caillasse et les ravines… La Grande Épreuve n’était pas une sinécure et elle est devenue de plus en plus dure. Dès la deuxième année, fin de l’aller simple : les coureurs partent de Nouméa pour y revenir. Et chaque édition alterne entre côte Est et côte Ouest.

Un spectacle qui passionnera les foules pendant 18 ans, avant la mutation de la compétition, qui deviendra le Tour de Nouvelle-Calédonie. « Quand j’étais gamin, on suivait ça à la radio avec beaucoup d’attention, se souvient Gérard Salaün, l’actuel patron du Tour. Comme c’était pendant les vacances, on regardait passer les coureurs à Houaïlou. Mon père était fan de vélo, alors nous, on suivait aussi. »

Fin d’une époque

C’est en 1967 que la Grande Épreuve laisse la place au Tour de Nouvelle-Calédonie. « C’est à ce moment qu’on a vraiment pu réaliser un vrai tour de la Grande Terre, explique Gérard Salaün. Il était devenu plus simple de gérer les bacs et les routes étaient meilleures. » L’époque des pionniers, Bernanos, Pantaloni, Testard, Gastaldi, prend alors fin. Mais le Tour conserve néanmoins de l’ADN de la Grande Épreuve avec des passages dans la caillasse, la rencontre avec les Calédoniens et un dépassement de soi permanent des coureurs. Un Tour qui est désormais en pause forcée pour que, 54 ans plus tard, Daniel Cornaille ait enfin un successeur.

*Mémorial du cyclisme calédonien de 1889 à 1968, Gérard Cauville, éditions Teddy.


Retour du Tour en 2021 ?

Selon le président du comité d’organisation, 2020 ne devrait être qu’une parenthèse. « On organisera la compétition l’an prochain, confirme Gérard Salaün. On verra dans quelles conditions. » Car si tout le monde espère que la crise sanitaire sera derrière nous en octobre 2021, personne ne peut encore dire dans quel état sera l’économie. « L’enjeu sera de savoir si nos partenaires pourront encore nous soutenir. On imagine aussi que les finances publiques ne vont pas s’améliorer. » Pour la 50e édition, la reprise devrait donc être plutôt sage. « On pourrait faire un Tour plus court, avec sept ou huit étapes, par exemple. Tout dépendra du budget que nous arriverons à obtenir. »


Une forme à définir

Pour le moment, la Grande Épreuve version 2020 n’est pas encore connue dans le détail. De nombreux points restent à définir. L’idée est de faire une compétition pour les coureurs locaux, en l’absence des étrangers et des Métropolitains à cause de la crise sanitaire actuelle. C’est Gérard Salaün qui a émis l’idée d’un retour de la Grande Épreuve. « Il s’agit d’une compétition bien moins coûteuse puisqu’elle ne concerne que les coureurs locaux, explique-t-il. Il y a aura aussi forcément moins de participants. Une vingtaine, comme à l’époque. » Là aussi, le chiffre pourrait beaucoup évoluer, car le Comité cycliste compte associer les féminines à l’événement, qui remplacerait alors également Autour d’Elles. L’an dernier, une quarantaine de coureuses avaient parcouru les routes du Caillou.

A.B.

©Collection Gérard Cauville