Implanté à Dumbéa, le salon « Le Chien chic et choc », vandalisé pendant les émeutes, n’a pas retrouvé son niveau d’activité passé. Gladys Malatchoumy-Bernard, qui se bat pour maintenir son entreprise, prépare une éventuelle reconversion professionnelle, en cas de scénario catastrophe.
Le choix du lieu a répondu à toutes attentes. Après avoir emprunté la voie de l’entrepreneuriat en Métropole, puis été salariée à Boulari, Gladys Malatchoumy-Bernard décide, en 2021, d’ouvrir son propre salon de toilettage pour animaux.
L’enseigne « Le Chien chic et choc » est posée dans le centre commercial d’Apogoti, à Dumbéa. La maison familiale n’est pas loin. Un vétérinaire travaille juste à côté. Et la zone, nouvellement construite, attire les clients et réserve de belles promesses de développement.
D’ailleurs, tout de suite, chiens, chats et lapins domestiques passent sous ses peignes, les affaires marchent, puisque « les gens n’avaient plus besoin d’aller jusqu’à Nouméa pour la prestation », se souvient l’artisane titulaire d’un CAP d’assistante vétérinaire et d’un diplôme de toilettage animalier obtenu à Lyon. « L’activité était en croissance », chaque année.
DES VOLS DE VÊTEMENTS POUR CHIENS
Début 2024, le vent porteur faiblit, les clients soucieux de la montée des tensions freinent les dépenses. Puis les émeutes éclatent. Son local est touché le 14 mai. « Ils ont cassé la porte, sont entrés et se sont servis. » Ordinateur, imprimante, lave-linge, petit matériel de toilettage… disparaissent. Tout comme des vêtements, bonnets, lunettes pour animaux, « des accessoires qu’on ne trouve pas ailleurs en Nouvelle-Calédonie. Ils ont cru, je pense, que c’étaient des articles pour enfants. Des visiteurs se sont trompés par le passé », suggère Gladys Malatchoumy-Bernard.
Sur les près de deux millions de francs de dommages, seule la valeur maximale assurée, c’est-à-dire un million, sera remboursée. « Ce n’est pas un type de magasin que l’on vole normalement. » À la suite du coup dur, « Le Chien chic et choc » est fermé deux mois et demi.
La reprise ne doit pas tarder. Parce que « comme beaucoup d’artisans, quand on ne travaille pas, on n’a rien, donc il faut se bouger ». D’autant que Gladys Malatchoumy-Bernard est propriétaire de son local dans le centre commercial. Les traites à honorer tombent. La banque, compréhensive, a accepté de repousser les échéances de six mois.
À la réouverture du commerce, l’activité a chuté de 70 %. Et « jusqu’à maintenant, c’est assez calme ». Comparé à l’exercice 2023, le chiffre d’affaires est réduit de moitié depuis décembre. Les causes sont multiples. Des clients ont quitté le territoire. D’autres ont perdu leur emploi et déplacé de fait leurs priorités.
L’absence de visibilité politique pèse. Et le centre commercial d’Apogoti est beaucoup moins fréquenté qu’auparavant, possiblement en raison d’une réputation infondée selon les commerçants. « Tous les magasins, ou presque, sont toujours bien là et ouverts, il y a même des nouveautés. Et on peut faire ses achats en toute sécurité », observe Gladys Malatchoumy-Bernard.
Il y a des mois où je n’ai pas de salaire. Il y a deux mois, j’ai eu 10 000 francs.
ARRÊT DE L’INTERNET ET DU TÉLÉPHONE FIXE
La baisse de 50 % dans les comptes fait mal. Une fois les charges habituelles déduites, « il y a des mois où je n’ai pas de salaire. Il y a deux mois, j’ai eu 10 000 francs ». Alors, pas le choix, l’artisane toiletteuse comprime au maximum les dépenses : arrêt de l’internet au salon, du téléphone fixe, de l’acquisition de produits créés localement… La demande, elle, n’évolue pas franchement.
L’entrepreneuse passionnée compte en termes de « journées remplies ». Alors que de 2021 à 2023, le carnet était plein, aujourd’hui le travail s’étend seulement sur deux jours, voire deux jours et demi par semaine. Ce qui laisse le temps de s’occuper de sa page Facebook pour la publicité.
Outre le soutien de son mari, Gladys Malatchoumy-Bernard, mère de famille, vit aujourd’hui sur ses économies constituées pendant les années de croissance et espère un redressement de l’activité.
Toutefois, la toiletteuse pour animaux anticipe un éventuel scénario catastrophe et a commencé lundi une formation dans une tout autre discipline : la comptabilité. Pris en charge pour moitié par la Chambre de métiers et de l’artisanat, les cours, à raison d’une journée par semaine, s’étendent sur dix-huit mois. « Au cas où, j’aurais un autre métier. Et c’est bon pour mon entreprise si je ne ferme pas. »
Yann Mainguet

