Gilles Kare, des mains en or

Gilles Kare appelle les jeunes tentés par cet apprentissage à le contacter.

Cet artisan de Houaïlou a été récompensé par la Chambre de métiers et de l’artisanat, le 16 octobre, pour son savoir- faire et son implication dans la transmission aux plus jeunes. Gilles Kare construit des cases et des farés traditionnels.

Chapeau vissé sur la tête, sourire facile, mains d’artisan, blessure au bras due à l’ouvrage, Gilles Kare, bientôt 58 ans, n’en fait pas des tonnes, « étonné » de figurer parmi les personnalités exemplaires du secteur. « C’est la première fois que j’ai ce genre de récompense. Je n’en reviens pas. » Rien de plus naturel selon lui que de poursuivre le travail enseigné par ses grands-parents dès son plus jeune âge. Originaire de la tribu de Coula, district Boréaré, il a ouvert sa patente en 1999 pour se consacrer entièrement à la construction de cases et farés. « Je donnais toujours la main, mais je me suis dit à ce moment-là que je pourrais gagner ma vie grâce à mes connaissances. » Son ambition n’est pas que pécuniaire mais pleine d’un sens auquel il fait constamment référence.

NATURE

Car Gilles Kare tient à travailler de manière traditionnelle. « Je paye seulement les clous et le fil de fer, tout le reste vient de la nature. Je coupe les bois en forêt, les poteaux, les traverses, je cherche la paille un peu partout, j’utilise aussi des feuilles de coco tressées. » Il fait appel à deux sculpteurs de Houaïlou pour la décoration des poteaux. Les temps changent et font de cette forme d’artisanat une exception. « Les gens maintenant achètent tout en magasin. Ils utilisent des planches, des poteaux en fer, il n’y a plus qu’à emboîter les parties. C’est sûr que ça va plus vite, et que ça permet de vite gagner l’argent, mais ce n’est plus traditionnel, ce n’est plus la culture kanak. » La connaissance de la ressource se perd également. « Beaucoup ne savent plus quel bois utiliser pour les poteaux, pour le parterre afin qu’il ne pourrisse pas, le plus dur en hauteur. » Il utilise notamment le tamanu, le bois de pétrole pour les poteaux, le faux palétuvier en travers, « le bois qui tient la maison s’il y a des cyclones ». Ses cases, il l’assure, tiennent bon face aux éléments. Heureusement, d’autres constructeurs font comme lui « notamment aux îles, à Ponérihouen, etc. »

Cette case a été construite à la mairie de Houaïlou en 2019. « C’est la plus grande, elle fait 6 mètres de rayon, 12 mètres de hauteur ». Au sol, à l’intérieur, un parterre de corail.

INSERTION

On peut voir les édifices de Gilles Kare « un peu partout » dans sa commune, à Poya, Bourail, Nouméa… On fait appel à lui quand les connaissances font défaut dans un endroit. Avant un chantier, il prépare tout le maté- riel chez lui, à Houaïlou. « Je descends une première fois pour le squelette et je reviens avec la paille, pareil pour le coco tressé. » Il compte environ « un mois, un mois et demi » pour achever le travail. La prépa- ration comptant pour la moitié du temps. Depuis 2012, il accueille des jeunes en travaux d’intérêt général, une alternative pédagogique aux courtes peines d’emprisonnement mise en œuvre par la justice qui vise à la réinsertion. « Ils pointent le matin avec la gendarmerie. On travaille ensemble, je leur apprends ce que je sais et j’organise des rencontres avec les sculpteurs. »

Il lui tient à cœur de leur transmettre une activité porteuse de signification. Plus que tout, rappelle-t-il, les cases servent aux réunions, aux coutumes, à « accueillir la parole ». Avant d’en terminer sur son activité, Gilles Kare tient à glisser un dernier mot. Cette récompense, il l’aurait préféré pour son fils, Jacques, disparu lors d’un accident, il y a quatre ans, « pour que les jeunes voient quelqu’un comme eux ». Il œuvrait à ses côtés. « Quelque part, c’est son travail qui est reconnu. » Deux de ses autres fils (il a huit enfants) l’accompagnent désormais. Ce qui le rassure. « Nous, les kanak, il faut savoir faire notre culture, la pratiquer. C’est bien de parler, parler… Mais il faut faire. »

Chloé Maingourd

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