Georges Naturel est reparti en Métropole, après un mois passé en Nouvelle-Calédonie. Il s’agissait de poursuivre les échanges politiques sur la dynamique de la campagne sénatoriale.
DNC : Quels enseignements tirez-vous de cette séquence post-élections sur le territoire ?
Georges Naturel : Vous avez suivi ma campagne, les thématiques sur lesquelles je me suis concentré et surtout le message qui a été passé à cette occasion par les grands électeurs en faveur d’une autre politique, plus connectée au terrain, au quotidien des gens. Il y a une forte attente de la population suite à ces élections. Il faut qu’on le comprenne tous et qu’elles servent à quelque chose. J’ai échangé avec la classe politique. Mais à vrai dire, je pense que certains n’ont pas vraiment compris ce message.
Que leur avez-vous dit ?
La population calédonienne fait face à une crise de société, économique et identitaire. C’est ça que j’ai envie de faire comprendre et de trouver les solutions pour faire évoluer les comportements. Faire de la politique autrement, c’est écouter la souffrance des gens, respecter les autres. Le débat politique à coups de communiqués et conférences de presse ne peut pas fonctionner. La surenchère n’amène à rien. Et je considère que si on ne fait rien, chacun va reprendre ses habitudes, les clivages, etc. Ma volonté est donc de susciter la discussion, le rapprochement. Le consensus est le principe de base ici. La Nouvelle-Calédonie s’est construite comme cela. Elle n’est pas aussi binaire qu’on le dit. Les indépendantistes ne sont plus des adversaires, voire des ennemis, ce sont des partenaires, comme avant les référendums. Tout le monde n’attend que ça. Il faut passer à autre chose, tendre la main.
Mais les positions modérées font l’objet de reproches…
C’est bien la branche modérée qui s’est imposée aux sénatoriales. Et il ne faut pas confondre modération et lâcheté ou faiblesse. C’est peut-être même plus courageux de tendre la main que de crier au loup. Passer en force n’a jamais fonctionné, même s’il faut évidemment être ferme sur ses convictions, sur le dégel par exemple.
Avez-vous pu intégrer les discussions institutionnelles comme vous le souhaitiez ?
Je crois que le message n’a pas été compris jusqu’au plus haut niveau, c’est-à-dire l’État. Le préfet Rémi Bastille était ici pour organiser les rencontres plénières. Ils ont fait le choix, je le rappelle, de mener les discussions institutionnelles avec uniquement les groupes du Congrès. Et on reste sur la composition d’origine. Notre intégration a été refusée. Je le regrette, je pense que c’est une erreur. Il faut ouvrir plus largement, avec des représentants de la société civile, du monde associatif, économique, des associations de maires… Des représentants proches des Calédoniens.
Le Rassemblement doit retrouver une légitimité.
Avez-vous pu échanger avec l’État ?
Je rencontre en effet Rémi Bastille, j’ai les comptes rendus, les versions du document martyr. J’observe que dans ces discussions, à aucun moment, il n’a été question de proximité ou du rôle des communes. C’est pourtant important d’intégrer ces questions. Comment fait-on évoluer les institutions, les relations entre les provinces et les communes ? Comme il n’y a pas eu de propositions particulières, je m’engage à en faire en partenariat avec les maires. Je vais essayer de rencontrer le ministre de l’Intérieur avant qu’il vienne en Nouvelle-Calédonie. Il y a également le congrès des maires avant sa visite. Les idées, nous les avons et nous les communiquerons.
Quelles seront vos autres priorités à Paris ?
J’ai envie d’incarner le rôle du sénateur tel que je le perçois, celui d’un élu de proximité qui doit travailler pour les communes en particulier. Il s’agit de suivre les lois nationales qui ont une incidence locale, la loi de finances, l’évolution de la défiscalisation qui inquiète les chefs d’entreprise et bien sûr la réforme constitutionnelle. On pourra apporter nos idées sachant que l’ambiance de travail au Sénat est sereine. Je souhaite que l’on puisse avoir des échanges entre les quatre parlementaires calédoniens sur ces dossiers.
Quel avenir pour le Rassemblement après ce qui apparaît comme une cassure ?
Je reste attaché aux convictions, aux valeurs fondamentales du RPCR, du Rassemblement. C’est ma famille politique. Ce sont ces valeurs originelles de consensus, de respect, d’humilité, sociales même, qui ont permis à Jacques Lafleur de serrer la main de Jean- Marie Tjibaou. Il faut qu’on les retrouve et que l’on tienne compte aussi, comme je l’ai dit, du message qui a été envoyé aux sénatoriales. Il faudra bien sûr un congrès électif pour désigner un président, mais je pense qu’il faut avant cela définir la ligne de conduite. Sur l’avenir institutionnel, on n’a pas forcément le même avis que Sonia Backes ou Nicolas Metzdorf. Le Rassemblement doit retrouver une légitimité. C’est le parti calédonien par excellence. Peut-être qu’il faut l’élargir aussi. Il lui faut tirer des leçons et sûrement un peu de temps, mais ça peut se dérouler de manière positive.
Un mot sur le renouvellement de l’équipe municipale de Dumbéa qui a donné lieu à quelques accroches…
La commune sera bien gérée. Yoann Lecourieux prend la suite, je reste conseiller municipal pour garder le contact avec le terrain et Dumbéa. Je regrette ces problèmes liés au résultat des élections, parce que je pense que ce n’est pas le lieu pour cela : on doit travailler pour l’intérêt général dans un conseil municipal. Mais je pars confiant, l’exécutif est soudé, il a une large majorité, la feuille de route est tracée et on a une opposition constructive.
Propos recueillis par Chloé Maingourd