Frictions entre Paul Néaoutyine et Sonia Backes

Alors que la province Sud et la province des Îles multiplient les échanges depuis les élections, rien entre le Sud et le Nord, si ce n’est le récent communiqué de Paul Néaoutyine qui a fait réagir. Le président de la province Nord s’en est pris à Sonia Backes. Il n’a pas apprécié la déclaration au Congrès de la présidente de la province Sud sur la clé de répartition. Elle n’a pas tardé à lui répondre.

La semaine dernière, lors du débat d’orientation budgétaire au Congrès, la clé de répartition a une nouvelle fois été évoquée. Jacques Lalié avait lancé le débat en indiquant que rien n’avait été fait dans les Îles depuis 30 ans. Ce qui a fait bondir Sonia Backes, la présidente de la province Sud, qui lui a répondu « qu’après 30 ans de rééquilibrage, on a réellement encore des transferts de population du Nord et des Îles vers le Sud » et que le Sud « n’aura plus les moyens de financer un certain nombre de dispositifs sociaux pour des populations qui descendent du Nord et des Îles pour en bénéficier ». Une discussion qui n’a fait réagir aucun élu de l’hémicycle, si ce n’est un absent, le président de la province Nord, Paul Néaoutyine.

Les reproches

C’est par la voie d’un communiqué que le président de la province Nord a choisi de rétorquer. Selon lui, « si une partie des populations du Nord et des Îles va dans le Sud, c’est pour trouver un emploi et travailler », en raison d’un « développement encore déséquilibré entre le Grand Nouméa et le reste du pays qui rend nécessaire de poursuivre le rééquilibrage ». Paul Néaoutyine poursuit sa réaction en précisant, chiffres à l’appui, que le solde migratoire interne des Îles et du Nord à destination du Sud s’est considérablement réduit. Il serait passé, indique-t-il, « de 2 480 personnes de 2004 à 2009, à 246 personnes de 2009 à 2014 ». Le président de la province Nord a tenu également à insister sur le fait que ces dernières années le nord-ouest de la Nouvelle- Calédonie a accueilli un « grand nombre de personnes notamment venues du Sud » et qu’il ne lui viendrait pas à l’idée « de menacer de priver de droits sociaux les citoyens de la province Sud qui sont venus s’établir et travailler dans le Nord ».

Et c’est en ce sens que, pour le président de la province Nord, « les propos de Madame Backes envers les citoyens du Nord et des Îles sont inacceptables et contreviennent au droit et trahissent une attitude discriminatoire à l’égard de la population kanak, majoritaire dans ces deux provinces ». Paul Néaoutyine tenant à rajouter que « Madame Backes n’est aucunement gênée par le fait, qu’entre 2009 et 2014, 42 758 personnes venant de France ou de l’étranger se sont établies au pays, dont 89 % en province Sud, à raison de 1 600 arrivées nettes par an. J’en déduis qu’elle préfère les expatriés aux citoyens de son propre pays, manifestant ainsi le haut niveau de son attachement à la Nouvelle-Calédonie et à ses populations ».

Mais pourquoi le président de la province Nord a-t-il réagi aux propos de Sonia Backes ? Car au-delà de ce que les uns et les autres peuvent penser, il est bien question, une nouvelle fois, de la clé de répartition et de la « fameuse » partition qui fait tant peur aux indépendantistes et que les non-indépendantistes veulent absolument revoir à la fin des accords.

Les explications

Sonia Backes a tenu à réagir au communiqué du président de la province Nord en précisant, au passage, que Paul Néaoutyine était absent au Congrès le jour de sa discussion avec le président de la province des Îles, Jacques Lalié. « Il est très rarement présent en séance publique », a-t-elle d’ailleurs souligné… Sonia Backes a, dans un premier temps, rappelé la teneur de ses propos, expliquant que « les finances de la province Sud sont tellement altérées que nous allons devoir revoir notamment nos dispositifs sociaux. Nous n’allons donc plus pouvoir continuer à payer pour des gens, et c’est l’exemple qu’elle a cité en séance publique, qui sont résidents aux Îles, qui bénéficient des cinq billets d’avion par an pour venir à Nouméa », grâce à leur statut d’îliens, et qui, en parallèle, « bénéficient de l’aide médicale Sud, voire de l’aide au logement du Sud. Ce n’est pas possible, nous n’avons plus les moyens de le faire, parce que je souhaite avant tout, en tant que présidente de la province Sud, pouvoir aider concrètement et de manière effective nos populations du Sud. »

La présidente a rajouté à titre d’exemple : « Et quand je décide de mettre en place 18 logements d’urgence pour les femmes de la province Sud, cela concerne toutes les ethnies, toutes les personnes qui vivent en province Sud. Je veux pouvoir financer cela, je ne veux pas continuer à financer des aides au logement pour des gens qui viennent en province Sud prendre une résidence secondaire et qui, finalement, bénéficient de toutes les aides sociales du Sud ».

La phrase qui fait bondir

Sonia Backes n’a pas vraiment apprécié, et on s’en doute, les écrits tenus par son homologue du Nord à propos de sa préférence pour les « expatriés » au détriment des « citoyens de son propre pays ». Elle a répondu : « Je pense qu’il y a une forme de racisme de la part de Paul Néaoutyine. » La présidente de la province Sud précise qu’elle parle de résidents, des populations qui pouvaient être « aidées par la province Sud et d’autres qui pouvaient être aidées par la province Nord et la province des Îles, parce qu’ils y résident ». Pour Sonia Backes, Paul Néaoutyine est allé trop loin, d’autant qu’aujourd’hui, avec la clé de répartition et l’afflux des gens du Nord et des Îles de ces dernières années, la province Sud ne peut plus assumer. « La province Sud touche 26 milliards en moins que ce qu’elle devrait toucher en fonction de sa population. En attendant, ce sont les populations les plus fragiles du Sud qui souffrent de cela ».

Et à propos des expatriés métropolitains, elle souligne : « Ce ne sont pas eux qui sont inscrits à l’aide médicale Sud ! Par contre, cette population des expatriés, elle paie des impôts, donc en gros, ce sont eux qui paient pour l’aide médicale Sud. » C’est en ce sens que la présidente de la province Sud a tenu à indiquer à Paul Néaoutyine qu’il faut « arrêter d’opposer les populations. Personne n’est au-dessus des autres ! Il faut sortir de ce débat ethnique qu’un certain nombre d’indépendantistes entretiennent. »

D.P.