Frédéric Peltier Blanc : « Les entreprises qui font l’essai ne reviennent pas en arrière »

Frédéric Peltier Blanc exerce au sein du Service interprofessionnel de médecine du travail (Smit) à Normandie, à Nouméa. / © G.C.

Les premières études scientifiques sur la semaine de quatre jours affichent des conclusions prometteuses, indique Frédéric Peltier Blanc, médecin du travail. Mais si le temps de travail n’est pas réduit, la mise en œuvre « doit reposer sur le volontariat ».

DNC : La semaine de quatre jours, qu’en dit la médecine du travail ?

Frédéric Peltier Blanc : Au niveau national, on ne dispose pas de véritable étude. Les expérimentations sont encore récentes. En revanche, on a quelques données au niveau international. Une étude de l’université de Cambridge, sortie en 2022, a montré qu’un passage à la semaine de quatre jours avec diminution du temps de travail entraîne une diminution des arrêts maladie, une amélioration du bien-être.

On a remarqué la possibilité pour les salariés d’avoir des loisirs bénéfiques pour la santé. On voit aussi des témoignages d’entreprises qui évoquent une augmentation de la productivité. En Espagne, une société de 180 salariés a constaté une chute de 20 % de l’absentéisme.

En Angleterre, une autre entreprise a évoqué une baisse de 66 % des absences et une diminution de 39 % du stress ressenti par les salariés. Certains indiquent avoir un meilleur sommeil et davantage d’énergie. Globalement, on voit que les entreprisses qui font l’essai de la semaine de quatre jours ne reviennent pas en arrière, elles l’adoptent.

Le Covid a fait comprendre aux gens qu’il pouvait y avoir un autre équilibre entre travail et loisir.

En France, 400 employeurs totalisant 17 000 salariés expérimentent ou ont adopté ce mode de fonctionnement. Pourquoi un tel essor ?

Je pense qu’il y a un désir des entreprises d’améliorer le bien-être des salariés au travail. On le voit plutôt dans les grosses entreprises, qui sont généralement les plus structurées.

Je pense aussi que le Covid a fait comprendre aux gens qu’il pouvait y avoir un autre équilibre entre travail et loisir. Cette période a vraiment fait réfléchir les gens, y compris les chefs d’entreprise, au sens qu’ils donnent au travail et à leur vie en général.

De ce point de vue-là, voyez-vous une similitude avec le développement du télétravail ?

Les motivations peuvent se rejoindre, mais attention, il n’y a pas que des avantages au télétravail.

Il faut que la personne soit bien installée, qu’elle dispose de bons outils de travail, ce qui n’est pas toujours évident. Et l’inconvénient majeur, c’est quand même la diminution du lien social avec l’entreprise.

Si l’on combine les deux, quatre jours de travail dont la moitié en télétravail, il y aura très certainement une perte de ce lien.

Sans réduction du temps de travail, la semaine de quatre jours doit reposer sur le volontariat.

Que pensez-vous d’une semaine de quatre jours sans diminution du temps de travail ?

Ça peut être une solution… Certaines personnes peuvent se donner à fond pour avoir leurs trois jours de repos. Mais l’imposer à tous les salariés, cela peut poser des problèmes. D’autres ont besoin d’avoir du temps et n’y trouveront pas leur compte.

D’une part, il faudra gérer sur le temps de repos tout ce qui n’a pas pu l’être pendant ces quatre journées chargées. On peut aussi imaginer des problèmes de santé, si le stress augmente fortement. Enfin, cela peut faire disparaître les temps de pause informels, ou les contacts entre les salariés qui augmentent la productivité.

Je pense que sans réduction du temps de travail, la semaine de quatre jours doit reposer sur le volontariat. Il faut qu’il y ait un dialogue en entreprise à ce sujet.

Propos recueillis par Gilles Caprais

Dans notre dossier

Au P’tit Café, une semaine de quatre jours et demi
Le restaurant de Nouméa est ouvert du mardi au vendredi. Le lundi, une partie de l’équipe profite d’un jour de repos, tandis qu’une autre prépare des plats à emporter. Les 12 employés et gérants tentent ainsi de concilier passion, travail et vie personnelle. →

Semaine de quatre jours, une réflexion encore timide
La semaine de quatre jours « n’est pas une priorité » disent les partenaires sociaux, focalisés sur le Ruamm. La Direction du travail et de l’emploi n’a jamais été sollicitée sur le sujet. →

Semaine de quatre jours, ces pays qui l’ont essayée et adoptée
Islande, Royaume-Uni, Espagne, Belgique… Depuis quelques années, des entreprises se portent volontaires pour tester la semaine de quatre jours.