France / Nouvelle-Calédonie : deux voies dans le Pacifique

Lors du Forum, Louis Mapou a notamment rencontré Winston Peters, ministre des Affaires étrangères néo-zélandais, ainsi que Moetai Brotherson, président de la Polynésie française.

La mission d’information du Forum des îles du Pacifique, reportée dans un premier temps, a été actée lors du 53e FIP qui s’est tenu aux Tonga du 26 au 30 août. Une affaire révélatrice d’intérêts divergents entre la diplomatie française et l’exécutif calédonien.

Ce sont des divergences d’appréciation des faits entre le gouvernement local et la représentante de la France auprès de la communauté du Pacifique qui ont mené au report de la mission d’information du FIP avant le 53e Forum. L’exécutif local aurait « identifié un certain nombre de sujets concernant la méthode et le protocole, qui doivent être traités en amont d’une visite », déclarait l’ancien président du FIP, Mark Brown, dans un communiqué le 21 août.

Le sommet des leaders des 18 États et territoires associés, dont la Nouvelle-Calédonie est membre à part entière depuis 2016 (après avoir eu le statut d’observateur puis de membre associé), a été l’occasion de parvenir à un consensus.

Louis Mapou, président de l’exécutif, a finalement accepté la mission, un accord ayant été trouvé sur les modalités du déplacement. Dans son communiqué du 29 août, le FIP réaffirme son « engagement continu à fournir un appui à la Nouvelle-Calédonie ». Une affaire révélatrice de la difficulté pour le territoire et la France de gérer la compétence partagée des relations extérieures – et ce n’est pas la première fois.

LE PACIFIQUE, UNE « FAMILLE »

Louis Mapou bénéficie du soutien de ceux qu’il estime être la famille naturelle de la Nouvelle-Calédonie – et dans laquelle il souhaite l’inscrire davantage –, qui porte haut la notion de solidarité entre membres de l’organisation politique régionale. Le 22 juillet, Mark Brown déclarait : « nous avons la responsabilité de prendre soin de notre famille dans les moments difficiles ». Le FIP met également en avant une autre façon de gérer les affaires, la “Pacific way”, engageant les parties calédoniennes à se réunir « dans l’esprit de la voie du Pacifique ».

À la tête de la mission, les représentants des Tonga, îles Cook, Fidji et Salomon. Sur les quatre pays, les deux derniers sont membres du Groupe Fer de lance mélanésien, qui compte aussi dans ses rangs le FLNKS. L’alliance affirmait, dans un communiqué le 17 juillet, continuer à « supporter le droit de la Nouvelle-Calédonie à l’autodétermination » et « la volonté du FLNKS d’exercer éventuellement la pleine souveraineté ».

DÉFENDRE SES INTÉRÊTS

La gestion du dossier politique puis des émeutes n’a pas amélioré l’image de la France dans la région. Le président indépendantiste de la Polynésie française considère que ces événements l’ont « altérée ». La crise est « le sujet de toutes les discussions » à Nuku’alofa (capitale des Tonga), poursuit Moetai Brotherson, interrogé par Radio 1, média polynésien. Les pays du Pacifique estiment même que l’État n’a pas été « à la hauteur ». Et l’imbroglio lié au report de la mission du FIP n’a sans doute pas aidé. De quoi affaiblir la stratégie Indo-Pacifique développée par la France depuis 2018, à laquelle d’ailleurs la Nouvelle-Calédonie n’est guère associée. Alors que la région attise les appétits des grandes puissances, Chine, États-Unis, Inde, Australie, Japon, France…

Dans ce contexte, la délégation française au Forum, composée notamment de l’ambassadrice pour le Pacifique, Véronique Roger-Lacan, a rappelé que Paris était prêt à recevoir la mission du FIP, mais aussi que le « seul chemin » dans le processus menant à l’autodétermination était celui engagé par l’ONU. Quand Louis Mapou voudrait aussi que le dossier soit traité au niveau régional.

Surtout, la France déploie son action. Outre l’augmentation de l’aide au développement pour le Pacifique à 200 millions d’euros (23,9 milliards de francs) d’ici 2027, annoncée l’année dernière au 52e sommet aux îles Cook, Véronique Roger-Lacan informe que l’Agence française de développement ouvre trois bureaux à Fidji, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et au Vanuatu et, sous réserve de l’accord des autorités samoanes, une ambassade aux Samoa.

Ces épisodes manifestent la difficulté pour la France et la Nouvelle-Calédonie de trouver leur place dans la conduite de leurs relations extérieures et de la défense de leurs intérêts, tout en maintenant une relation sereine. Jusqu’à un accord sur une solution institutionnelle ?

 

LA MONTÉE DES EAUX, ENJEU N°1

Il s’agit de la première des menaces pour la région, estime le FIP : les effets du changement climatique. C’est d’ailleurs du Forum que le secrétaire général des Nations unies a lancé un SOS pour sauver le Pacifique. Le représentant a indiqué que le niveau de la mer augmente plus vite dans le sud-ouest du Pacifique que partout ailleurs dans le monde, jusqu’à 15 centimètres à certains endroits contre 9,4 pour la moyenne mondiale ces 30 dernières années. Sachant qu’environ 90 % des gens vivent à moins de 5 kilomètres des côtes et que la moitié des infrastructures se trouve à 500 mètres du rivage.

 

UN PARTENARIAT POLICIER

Lors du Forum, le FIP a adopté le projet Initiative de police du Pacifique (PPI) présenté par le Premier ministre, Anthony Albanese, et financé par l’Australie. Ce partenariat prévoit la création de quatre centres régionaux de formation policière, d’une unité d’intervention rapide et la mise en place d’un centre de coordination en Australie. Le pays cherche à marquer la région de son influence, face au poids pris par la Chine, signataire d’un pacte de sécurité avec les îles Salomon en 2023 (lire également page 14).

 

Anne-Claire Pophillat