Frais bancaires, l’État hausse le ton

Les frais bancaires, en Nouvelle-Calédonie, sont nettement plus élevés qu’en métropole. Dans le cadre de la lutte contre la vie chère, des discussions entre l’État et les banques sont menées chaque année. Depuis dix ans, la situation s’est améliorée mais devant la lenteur des progrès, le haut-commissaire a décidé d’autorité de réduire trois frais de 25 %.

La vie chère est au cœur des préoccupations des Calédoniens. Depuis les accords économiques et sociaux de 2012, de nombreux travaux ont été engagés sans pour autant que les résultats soient toujours spectaculaires. C’est un peu le cas des frais bancaires, parmi les plus élevés de France, outre- mer compris. Depuis près de dix ans, les syndicats réclament l’alignement de ces frais et des taux d’intérêt. Si la situation a évolué, il reste encore du travail pour parvenir à l’objectif de convergence des tarifs.

En 2014, l’extension à la Nouvelle-Calédonie de certaines dispositions du Code monétaire et financier a donné au gouvernement local le pouvoir de fixer par décret 16 tarifs dont les 12 services de base. Plutôt que d’agir d’autorité, une négociation avait été proposée, dès 2013, entre les banques, l’OPT et le haut-commissaire qui détient également le pouvoir de fixer les tarifs maximums par arrêté.

Une réduction drastique de 25 %

Des discussions en 2013 avaient permis de trouver un premier accord suivi d’autres négociations, l’année d’après, sur la base du rapport d’Emmanuel Constans, le président du Comité consultatif du secteur financier. Les conclusions de ses travaux recommandaient une convergence progressive des tarifs des territoires d’outre-mer avec ceux de métropole. Dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, Emmanuel Constans préconisait une réduction de 50 % des tarifs moyens en trois ans à compter de 2014. Les premières réunions en décembre de la même année ont débouché sur un accord prévoyant, par exemple, la baisse de l’écart des frais de tenue de compte entre la Nouvelle-Calédonie et la métropole de 31 %. Avec des efforts sur internet et les cartes bleues, les différentes mesures ont permis de baisser l’écart de 28 % entre 2013 et 2015.

Si les discussions se passaient plutôt bien jusque-là, le haut-commissaire a décidé de donner un tour nouveau à la situation. Dans un communiqué, il pointe l’échec des négociations de 2016, avant de rappeler les écarts de tarifs qui demeurent entre la Nouvelle-Calédonie et la métropole. Si l’écart pour les frais de tenue de compte a, par exemple, été diminué de 31 %, ces frais de base restent en moyenne 1,6 fois plus élevés qu’en métropole, soit 60 % de plus. Les frais d’abonnement internet sont 15 fois plus chers, soit largement plus de 1 000 % d’écart, sans parler des frais de mise en place d’une autorisation de prélèvement dont l’écart est de l’ordre de 3 000 %. Pour atteindre l’objectif de convergence fixé, pour 2017, à une réduction de 50 % des écarts par rapport à 2014, le plafond des frais de tenue de compte, d’abonnement internet et de mise en place d’une autorisation de prélèvement seront réduits de 25 % à compter d’avril prochain. Une décision qui fera converger les frais de tenue de compte sur ceux de la métropole dès cette année. L’arrêté maintient le gel sur d’autres tarifs et réaffirme la gratuité de 11 autres prestations comme le retrait au guichet de son agence.

La Fédération bancaire française a tenu à répondre au haut-commissaire en précisant que les objectifs fixés par le rapport Constans avaient été atteints en avance. La FBF indique également que des propositions avaient été envoyées au haut-commissariat sans que celui-ci n’apporte de réponse. Elle regrette la décision unilatérale et explique qu’elle ne sera pas sans conséquence sur la capacité des banques à accompagner l’économie calédonienne, autrement dit, à remplir son rôle de financement de l’économie via le crédit.

Les frais, une part très relative des revenus des banques

Reste, par exemple, que les frais de tenue de compte moyens, avec un abonnement internet, coûtent 7 189 francs contre 2 095 francs en métropole. Sur la période 2009-2012, la Nouvelle- Calédonie affichait le taux de marge moyen record de 27,97 % (contre 22,74 % en Guyane, 6,53 % en Guadeloupe, 9,32 % en Polynésie

française ou encore 15,65 % pour la métropole). L’Observatoire des tarifs bancaires montre par ailleurs que les frais ne représentent qu’une part très relative des revenus des banques calédoniennes qui proviennent principalement des bénéfices réalisés sur les crédits, cœur de métier des banques, dont les résultats nets ont été de 8,9 milliards de francs pour l’année 2015. Si la baisse des frais bancaires est importante du point de vue de la communication auprès du grand public, le véritable enjeu est plutôt du côté du coût du crédit dont les taux sont aussi supérieurs à ceux de la métropole, de l’ordre de 1 à 2 %. Une situation qui peut s’expliquer par le coût d’exploitation relativement plus important que sur le territoire national. Mais l’argument ne tient plus si l’on regarde les revenus médians, plus élevés ici, sans parler des risques pris par les établissements bancaires et qui renchérissent le coût du crédit. Plus le risque de défaut de paiement d’un client va être élevé, plus le crédit coûtera cher. En Nouvelle-Calédonie, le taux de créances douteuses est de l’ordre de 2,9 % alors qu’il est plus proche des 10 % en métropole.

Il paraît donc peu probable que la décision du haut-commissaire obère la capacité des banques à financer l’économie. En période de ralentissement économique, la question est plutôt de voir quels seront les taux des intérêts qui permettront aux entreprises d’investir pour relancer la machine économique.

M.D.