Forte mobilisation pour les « exclus »

Plus de 10 000 personnes ont répondu samedi, à Nouméa, à l’appel de l’association « Un cœur une voix » qui entend défendre les intérêts des non- citoyens avant et après la sortie de l’Accord de Nouméa.

L a minorité silencieuse a fait entendre haut et fort sa voix, samedi matin, aux alentours du haut-commissariat où séjourne le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, durant sa quatorzaine. Dans les rues, bondées, on trouvait les non-citoyens, exclus du droit de vote aux provinciales ou au référendum, mais également des votants venus en soutien. Après la deuxième consultation, qui a marqué un resserrement entre le non et le oui, et surtout à l’approche de la sortie de l’Accord de Nouméa, il s’agit de marquer l’existence et le poids des quelque 41 000 exclus du corps provincial, de faire valoir leurs droits, leur contribution au territoire et de défendre leurs intérêts.

« Un cœur une voix », représentée par son président, Raphaël Romano, on le rappelle, ne remet pas en cause le corps électoral référendaire, qui a fait consensus depuis 1998. Mais elle milite pour le dégel du corps électoral provincial et vise une participation en 2024, si cette élection est maintenue. À ce titre, l’association a déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, le 7 décembre 2019, et la réponse est attendue d’ici un an.

Cahier de revendications

L’association a déposé ses doléances au ministre et veut être reçue.
Elle demande, en premier lieu, l’ouverture « immédiate et sans condition » de la citoyenneté calédonienne aux natifs du territoire ainsi qu’aux conjoints de citoyens. Elle souhaite qu’à l’avenir l’accès à la citoyenneté des non- citoyens soit conditionné par une durée de résidence limitée et raisonnable (corps glissant), sachant que certains sont sur le territoire depuis plus de vingt ans et ont, par exemple, des enfants inscrits sur la liste spéciale.

« Un cœur une voix » s’oppose, par ailleurs, au transfert optionnel de l’article 27 et en particulier, aux compétences relatives à l’organisation des communes qui pourrait conduire, dit-elle, à l’exclusion des non- citoyens aux scrutins municipaux. Elle s’élève de la même manière contre la récente proposition de loi visant à interdire aux non-citoyens l’acquisition de biens immobiliers anciens.

Enfin, elle demande à être associée aux négociations sur le futur institutionnel de la Nouvelle-Calédonie avant ou après l’éventuel troisième référendum pour que les exclus, qui représentent près de 20 % de la population calédonienne, puissent avoir voix au chapitre. Elle prévient qu’elle refusera toute forme de discrimination ou d’atteinte aux droits civils dans le cadre d’un nouveau statut.


Ce n’est pas le moment, estiment les indépendantistes

Dans sa lettre ouverte aux Calédoniens, Daniel Goa, président de l’Union calédonienne, a évoqué le sujet du corps électoral. Il indique que les discussions qui s’annoncent enfin devront résolument s’inscrire dans le cadre légal de l’Accord de Nouméa et qu’il n’est pas question d’en négocier un quelconque aménagement. « Il n’est pas question au nom de la démocratie, de revenir sur la composition du corps électoral et de tenter à nouveau de noyer numériquement les Kanak et de les spolier de leur droit inné et actif à l’autodétermination ». Le bureau politique du FLNKS, par la voix de Victor Tutugoro, rappelle de son côté que les corps électoraux aux élections locales (provinciales et référendaires) font partie intégrante de l’Accord de Nouméa. Le FLNKS pose la question : « Comment œuvrer sereinement lorsque toutes ces dispositions sont remises en cause, et systématiquement depuis 2017, de la part même de ceux qui les ont signées ? » Pour le FLNKS, l’action des non-inscrits est perçue comme « une agression auprès du peuple premier » notamment en considérant la circulaire de Pierre Messmer datant de 1972, « qui avait pour but de rendre minoritaire le peuple autochtone chez lui. » Le bureau politique réaffirme la volonté du FLNKS de ne pas rouvrir ce débat dans la période de l’Accord de Nouméa, mais indique qu’il le sera durant la période transitoire.

C.M.

©M.D.