Forêt d’algues et champ magnétique pour repousser les requins

Candidate à l’appel d’offres lancé par la mairie de Nouméa dans le cadre de la réalisation d’une barrière anti-requins à la baie des Citrons, la biologiste marine Sara Andreotti a fait le déplacement d’Afrique du Sud pour présenter sa méthode, la Sharksafe Barrier.

C’est parce qu’elle a eu vent du projet de la mairie de Nouméa d’installer une protection contre les requins à la baie des Citrons que Sara Andreotti est venue jusqu’en Nouvelle-Calédonie présenter sa solution. Biologiste marine, la chercheuse a développé un procédé, la Sharksafe Barrier, une barrière « écologique » qui serait sans danger pour les requins. Sa spécificité ? Elle imite, grâce à des poteaux, l’apparence d’une épaisse forêt d’algues marines que les requins fuient parce qu’ils « n’aiment pas être piégés dedans ».

Un système complété par des aimants répulsifs très puissants qui repoussent les squales. « Ils peuvent sentir le champ magnétique électrique sous l’eau, ce qui les chasse et les maintient à l’extérieur de la zone voulue. Ils les sentent, mais cela ne leur fait aucun mal. » Qu’en est-il des autres espèces ? Outre les requins, les raies y sont également sensibles, mais c’est tout, assure Sara Andreotti. « Les tortues, les dugongs et les poissons peuvent traverser le dispositif », qui ne les affecterait pas.

Des tests concluants

Le fait d’éloigner les requins de la baie peut-il avoir des conséquences ? La scientifique reconnaît qu’aucun système de ce genre n’est parfait. « Exclure les requins d’un endroit n’est jamais la meilleure des solutions et en tant que biologiste marine, si j’avais le choix, je préfèrerais qu’il n’y ait rien. » L’avantage de la Sharksafe Barrier ? « Elle a pour but de répondre aux besoins des gens d’avoir un espace protégé et surtout d’apporter une autre façon de régler cette question que par le passé. Je veux qu’on arrête de tuer des requins. Les écarter de petites surfaces a forcément moins de conséquences biologiques que les tuer. »

 

Sara Andreotti a animé une conférence qui a attiré plus de 200 personnes au Cercle nautique calédonien lundi soir. Elle a partagé le résultat de ses recherches menées notamment sur le comportement des grands requins blancs.

La barrière a été testée aux Bahamas en 2012 sur les requins-bouledogues et les requins blancs en Afrique du Sud et s’est avérée « très efficace, aucun franchissement de barrière n’a été constaté pendant les tests. On a publié les résultats dans des revues scientifiques ». Concernant l’ancrage des poteaux, Sara Andreotti affirme qu’ils « respectent les fonds marins ». La barrière, flexible, peut résister aux cyclones et laisse passer les bateaux. « Notre solution pourrait démontrer qu’une coexistence pacifique avec les requins est possible. »

L’appel à projets de la mairie court jusqu’au 28 avril, laissant encore deux semaines pour déposer d’autres propositions.

 


« Nouméa serait la première ville à équiper une plage où il n’y a jamais eu d’attaque »

Hubert Géraux,  responsable de l’antenne WWF – Nouvelle-Calédonie

Hubert Géraux a participé à la conférence au Cercle nautique calédonien, lundi 11 avril. Il en retient une première impression positive face à la réaction du public, « plutôt favorable aux requins », ce qu’il a trouvé « plutôt rassurant ». Concernant le projet d’installation d’une barrière anti-requins à la plage de la baie des Citrons, s’il trouve la solution présentée par Sara Andreotti plus intéressante qu’un filet, il s’interroge cependant tout simplement sur son intérêt. « Nouméa serait la première ville à équiper une plage où il n’y a jamais eu d’attaque. »

La dépense, estimée à 150 millions de francs par la mairie dans le cadre de son appel à projets, se justifie-t-elle ? « Je ne suis pas convaincu que ce soit le bon choix. » La priorité est, selon le responsable du WWF, d’investir dans la réduction des facteurs d’attraction des requins. « On préfèrerait que cet argent soit mis dans le réseau d’assainissement pour réduire les rejets dans le lagon et qu’on oblige les bateaux, comme en Australie ou en Nouvelle-Zélande, à avoir des cuves pour les eaux noires et grises. » D’autant que ce point est inscrit sur la feuille de route du risque requin, indique Hubert Géraux. « Il faudrait que le dossier avance et que, a minima, on l’oblige pour toutes les nouvelles immatriculations de bateaux. »

 

Anne-Claire Pophillat (© A-C.P.)