Les directives radicales adoptées au congrès du FLNKS à Koumac et soutenues seulement par la moitié de ses composantes historiques laissent présager la naissance de deux voies indépendantistes parallèles et un durcissement des positions loyalistes.
Sous la bannière d’un 43e congrès extraordinaire du FLNKS contesté, l’assemblée indépendantiste, réunie du vendredi 30 août au dimanche 1er septembre à Koumac, a adopté une ligne politique radicale. Dont l’« objectif reste l’indépendance pleine et entière de Kanaky », a soutenu Laurie Humuni, du Rassemblement démocratique océanien (RDO), formation actuellement à l’animation du Front. La motion validée promeut l’intégration de toutes les forces nationalistes présentes – au nombre de sept (lire par ailleurs) – au sein de la coalition indépendantiste, mais aussi la reconnaissance de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) comme un « outil de mobilisation » du FLNKS.
Les militants souhaitent en outre renouer le dialogue « uniquement avec l’État », et affichent la volonté de « desserrer l’étau, libérer les voies de circulation ». Mesure la plus symbolique et polémique, Christian Tein dit Bichou, le leader de la CCAT actuel- lement placé en détention provisoire dans l’Est de la Métropole à la suite des émeutes débutées le 13 mai, a été nommé président du FLNKS. Une telle fonction n’avait plus été vue depuis 22 ans.
« MON DRAPEAU, MON PAYS »
Premier constat, ces décisions, qui sont loin d’être neutres, font totalement écho aux directives de l’Union calédonienne prises en comité directeur samedi 17 août à Voh. Ce qui peut indiquer que, soit l’UC est à l’initiative de la nouvelle méthode dure, soit le parti s’est fait rattraper par la CCAT, structure créée par ses soins et dont l’engagement sur le terrain suscite la controverse.
« Pour eux, c’est “Mon drapeau, mon pays” », résume un ancien cadre indépendantiste, évoquant la pensée des membres de la Cellule de coordination venus d’ailleurs en nombre à Koumac – entre 150 et 200. À les entendre, « des vieux installés » doivent très vite laisser la place, leur travail ne s’inscrivant plus dans une lutte active. « Il y a eu trop de politique ces dernières années, prétend un militant. Le peuple a été oublié. »
Deuxième conclusion, la motion signée dans l’extrême Nord, secoue fortement la sensibilité. Déjà fragile avant l’insurrection urbaine, l’unité pro-Kanaky vole en éclats. « C’est la mort du FLNKS », se désole même un dirigeant, tandis que Charles Washetine du Palika, organisation qui a « toujours privilégié le dialogue », dénonce « un coup de force de l’UC ». Deux des quatre composantes historiques du FLNKS, le Parti de libération kanak et l’Union progressiste en Mélanésie, avaient refusé de participer au 43e rassemblement de la coalition ce week-end, « les conditions n’étant pas réunies ». Ces formations, qui ne se sentent pas engagées de fait par les décisions prises, ont choisi de ne plus siéger le mardi au bureau politique du FLNKS. Et ce, jusqu’à leur congrès respectif en novembre.
CONGRÈS DÉTERMINANTS
Lors de ces proches rendez-vous annuels, la stratégie du Palika et de l’UPM sera définie : continuer ou non avec le FLNKS version août 2024. Si la réponse est négative, l’actuel fossé au sein de la sphère indépendantiste se transformera en deux blocs distincts à la méthode diamétralement opposée pour accéder à l’indépendance : le rapport de force d’un côté, la négociation de l’autre. Selon un observateur de la vie politique, le procédé peut même influer sur le projet de société défendu et son niveau d’inclusion des habitants du territoire.
Troisième observation, le FLNKS, sans deux composantes originelles, mais avec sept formations nouvelles, sera-t-il toujours le FLNKS ? Le Front, dont l’« outil de mobilisation », la CCAT, est vivement contesté, sera-t-il encore reconnu aux tribunes nationales et internationales ? L’alliance indépendantiste est par exemple un pétitionnaire officiel auprès du Comité spécial de la décolonisation à l’ONU. Un risque n’a pas tardé à se concrétiser : que la radicalité présentée à Koumac génère, en réponse, une position extrême dans le camp profrançais.
Présidente de la province Sud et cheffe de file des Loyalistes, Sonia Backès a rapidement remis sur la table sa proposition institutionnelle de fédéralisme interne, ou d’autonomisation des provinces. Au-delà d’une solution contraire à l’esprit de l’accord de Nouméa, l’option de la partition, qui n’a pas encore été exposée sur un plan technique, divise au sein même des équipes loyalistes et est rejetée par les groupes indépendantistes. Le danger d’un effacement des voies médianes ou consensuelles est réel.
Yann Mainguet
Qui sont les sept ?
Pas moins de sept formations indépendantistes ont intégré le FLNKS, selon la motion validée à Koumac samedi 31 août : l’Union syndicale des travailleurs kanak et des exploités (USTKE) et son parti frère le Parti travailliste (PT), la Dynamique autochtone (DA), la Dynamik unitaire Sud (DUS), mais aussi le Mouvement des Océaniens indépendantistes (MOI), la Confédération nationale des travailleurs du Pacifique (CNTP) ainsi que la Nouvelle-Calédonie multiculturelle progressiste (NC-MCP), le nouveau parti de Maria Isabella Saliga-Lutovika.
Deux composantes historiques du FLNKS étaient montées dans le Nord : l’Union calédonienne (UC) et le Rassemblement démocratique océanien (RDO).