Fin du chômage partiel spécial Covid ?

Près de 2 000 personnes bénéficient de l’allocation Covid-19. Il s’agit principalement de salariés du tourisme ou du transport international, des secteurs durement touchés par la crise sanitaire mondiale. Ce dispositif généreux pourrait bientôt arriver à son terme, faute de ressources. En attendant, il pourrait être reconduit prochainement par un vote du Congrès.

Le gouvernement a annoncé, avec fracas, la fin du chômage partiel aménagé pour répondre aux difficultés des entreprises touchées par la crise sanitaire internationale. Pour mémoire, ce dispositif d’allocation Covid-19 particulièrement généreux permet de prendre en charge jusqu’à 70 % de la rémunération brute, dans la limite de 4,5 fois le salaire minimum garanti. L’allocation ne peut pas être inférieure à 100 % du SMG. Le porte-parole du gouvernement, Christopher Gyges, a donc fait savoir, mardi, que l’allocation Covid-19 ne pourrait plus s‘appliquer à compter du mois prochain, faute d’avoir pu reconduire la délibération qui encadrait le dispositif.

Une annonce qui relève de la pure communication politique pour charger les indépendantistes. De fait, le lendemain, le groupe Avenir en confiance du Congrès annonçait déposer le projet de délibération sur le bureau de la présidence. Le dispositif pourra donc être maintenu, même si le nouveau gouvernement n’a pas encore son président, pour peu que le texte trouve une majorité au sein de l’hémicycle du boulevard Vauban. Il n’empêche que de telles déclarations ont de quoi faire peur à près de 2 000 personnes, certes correctement indemnisées, mais dont les perspectives dans les mois et les années à venir sont plutôt incertaines.

L’allocation Covid-19 a coûté cinq milliards en 2020

Il faut dire que le dispositif coûte très cher. Selon les chiffres du gouvernement, il s’agit du plus important poste de dépenses liées à la crise sanitaire. En 2020, l’allocation Covid-19 a représenté une dépense de cinq milliards de francs, loin devant la réquisition d’avions (2,4 milliards de francs) ou encore d’hôtels (1,077 milliard de francs). Si le prolongement de la délibération permettait de donner de l’air aux bénéficiaires, l’horizon ne dépasse pas non plus la fin du mois d’avril. À cette date, l’ensemble du prêt accordé par l’AFD à la Nouvelle-Calédonie avec la garantie de l’État aura été intégralement consommé et les actuels concernés ne pourront vraisemblablement plus en bénéficier.

4,5 fois le SMG d’un côté et 66 % du SMG de l’autre

Le dispositif est par ailleurs peu questionné. Questionné dans le sens où la crise économique que traverse la Nouvelle-Calédonie a poussé de nombreux Calédoniens au chômage et au chômage partiel dans des conditions moins favorables que ceux bénéficiant de l’allocation Covid, remettant en cause d’une certaine manière la solidarité au sein du territoire. Peut- on économiquement justifier que des salariés d’agences de voyage, par exemple, bénéficient de 70 % de leur rémunération brute dans la limite de 4,5 fois le SMG quand n’importe quel autre salarié au chômage partiel en raison de la perte d’activité de son employeur touchera une indemnité de 66 % du SMG ? Une question qui se pose avec d’autant plus d’acuité que l’avenir de certains secteurs d’activité, et en particulier le tourisme, pose tout un ensemble de questionnements.

Pas vraiment d’évaluation du dispositif

Certains chefs d’entreprise ont, par exemple, réussi à compenser leurs importantes pertes de chiffre d’affaires en les substituant par d’autres activités. Un élément positif qui ne les empêche toutefois pas de cumuler ces nouvelles sources de revenu avec les aides généreuses de la collectivité. En l’absence de véritable examen du fonctionnement du dispositif, il est cependant impossible de mesurer l’ampleur du phénomène.

Il est par ailleurs assez frappant de constater que les institutions ainsi que les différents partis et groupes politiques proposent peu, voire pas du tout de pistes de réflexion pour la suite. Seules les organisations patronales se positionnent sur cet « après » dont il a beaucoup été question au moment du confinement en 2020. Le Medef-NC a annoncé qu’il rendra un rapport à l’État d’ici le 25 mars. Un rapport qui a vocation à éclairer les débats quant au choix institutionnel concernant l’avenir du territoire. C’est également le cas de la Fédération des industries de Nouvelle-Calédonie (Finc) qui a commencé le travail dès l’année dernière et qui poursuit ses consultations.

Turbulences annoncées

Ce n’est désormais plus tellement une hypothèse, l’économie calédonienne va très probablement traverser une zone de turbulences particulièrement grave cette année. Les fondamentaux ne semblent pas bons, les données chiffrées récentes faisant quelque peu défaut (de l’emploi, de l’endettement des ménages et des entreprises ou encore de la situation du marché de l’immobilier). D’autres indicateurs, comme le taux d’inflation proche de zéro, ne sont pas très encourageants. On notera, toutefois, que le rendement de la fiscalité pourrait être moins mauvais qu’envisagé initialement. Contrairement à ce que laissait penser le gouvernement, cet afflux inattendu de recettes serait davantage le résultat de l’impossibilité pour les Calédoniens de sortir du territoire que celui de mesures spécifiques. Sans réelles mesures de relance dans les mois à venir, et en particulier l’injection d’argent frais, la situation pourrait se détériorer fortement.

M.D.