Faut-il choisir la Nouvelle-Calédonie ?

C’est toute la volonté du gouvernement, de la province Sud et, à sa manière, de la province des Îles qui viennent de présenter l’initiative Choose New Caledonia. L’idée est relativement simple : mettre en place des bureaux dédiées aux investisseurs étrangers pour favoriser l’entrée de capitaux sur le territoire.

La Nouvelle-Calédonie a connu des niveaux d’investissements qui avaient de quoi faire rêver les territoires les plus développés du Pacifique. En une dizaine d’années, deux usines de taille mondiale ont été construites. Un afflux de capitaux étrangers venu bouleverser l’économie locale qui a eu bien du mal à assurer l’atterrissage de cette phase d’hypercroissance. Le fait est que la situation est singulièrement différente aujourd’hui au point que les promoteurs de Choose New Caledonia, aussi bien à la province Sud qu’au gouvernement, ont bien été embêtés pour donner le montant des investissements qui arrivent chaque année sur le territoire.

Ces chiffres existent et sont scrupuleusement consignés par l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM). Les investissements directs étrangers ont connu un pic en 2012, avec une entrée de 249 milliards de francs. En 2018, ces entrées de capitaux n’étaient plus que l’ombre d’elles- mêmes, dépassant à peine 35 milliards de francs avec les investissements dans le nickel. Et la tendance est clairement à la baisse. La mine a longtemps masqué la faiblesse des investissements dans les autres secteurs d’activité. Les complications rencontrées dans les métallurgistes laissent apparaître les difficultés du reste de l’économie calédonienne à accéder aux ressources financières. C’est tout particulièrement le cas des sociétés innovantes implantées en Calédonie, qui peinent à lever des fonds.

Simple volonté ou véritable potentiel ?

L’idée de Choose New Caledonia, porté par le gouvernement et mis en œuvre par les provinces, est de simplifier les démarches pour les potentiels investisseurs extérieurs afin de les encourager à investir en Nouvelle- Calédonie. Pour cela, un site internet a vu le jour (https://choosenewcaledonia.nc/). On peut y trouver une présentation du territoire ainsi que des vidéos vantant ses avantages, vidéos sous-titrées en anglais.

Au registre des avantages, on peut notamment y trouver les infrastructures dont disposent la Nouvelle- Calédonie comme son hôpital, son réseau routier ou encore son réseau internet. Lors de la conférence de presse, les vidéos avaient bien du mal à passer, probablement en raison de la connexion internet. Un détail qui peut faire sourire, mais aussi faire un peu tache pour des investisseurs dans le numérique, l’une des pistes importantes de la province Sud, notamment.

Au-delà de la simplification, il est également question de mutualiser les moyens des collectivités pour rendre le dispositif plus clair et moins coûteux. Paradoxalement, chaque province disposera de son propre bureau et de son propre personnel, et sera aidé par le gouvernement. Si Christopher Gyges a indiqué que la province Nord souhaitait participer au dispositif, elle n’était pas présente à la présentation et aucune mention n’y était faite dans le dossier de presse. Tout aussi paradoxalement, le slogan est décliné en Choose New Caledonia South et Choose New Caledonia Loyalty Islands. De la même manière, les provinces affichent des politiques différentes. Comme l’a souligné Philippe Blaise, l’idée est d’aller chercher des idées et des projets ainsi que des investisseurs étrangers et français grâce au réseau Business France, qui porte l’initiative Choose France, lancée par Emmanuel Macron, il y a trois ans.

Aujourd’hui l’un des pays les plus attractifs au monde en termes d’investissement, la France est pourtant souvent pointée du doigt pour la lourdeur de ses impôts, la complexité de son système administratif. Si ces critères sont importants, il en existe bien d’autres qui pèsent dans la balance comme les opportunités liées au potentiel de développement grâce à la concentration d’entreprises spécialisées, à la taille des marchés et leur accessibilité, aux coûts d’approvisionnement, l’accès aux technologies, aux compétences ou encore la productivité des salariés qui, en France, est l’une des plus élevées au monde.

Autant de critères sur lesquels la Nouvelle- Calédonie se démarque. Cependant, dans le contexte politique et économique actuel, le territoire ne fait pas forcément office de bon élève. Les deux référendums d’autodétermination à venir ne sont pas franchement de nature à rassurer des investisseurs qui connaissent peu la Nouvelle-Calédonie. De la même façon, l’économie calédonienne est à la fin d’un cycle. L’endettement des collectivités qui se creuse, les perspectives incertaines du nickel, les comptes sociaux en déroute ou encore le manque de cohésion sociale liée à un très haut niveau d’inégalités ne sont pas franchement des atouts très « vendeurs ». Reste la rentabilité des entreprises qui a longtemps été élevée. Les administrations qui disposent des chiffres communiquent peu sur la question. Une des dernières analyses est celle de Jean Freysse… en 1987. Elle montrait que les taux de marge des entreprises étaient particulièrement élevés (le taux de marge nette d’impôt était de 68 % contre 17 % en France), un argument de poids pour les investisseurs.

De son côté, la province des Îles entend aborder les choses de manière sensiblement différente. Les rencontres économiques qui se sont tenues en fin de semaine dernière ont permis de définir plusieurs projets inscrits dans une démarche de développement durable. La collectivité cherchera des partenaires pour les financer, mais plutôt dans la région et en s’attachant à un critère éthique. La recherche s’appuiera sur les réseaux développés dans la région ces dernières décennies dans un cadre plus politique. On notera, au passage, que le dispositif est piloté par la Direction des affaires économiques du gouvernement et que le service de la Coopération régionale semble encore peu associé.

Des outils sous-dimensionnés ?

Pour « draguer » les investisseurs potentiels, les collectivités pourront s’appuyer sur « la boîte à outils » créée par le gouvernement dans le cadre de son plan de relance de l’économie, votée par le Congrès en décembre 2019. On y retrouve le droit à l’erreur en matière fiscale, douanière et économique (dispositif adopté en France en 2018), la possibilité de créer des zones franches suivant le principe que les entreprises s’y installant bénéficient d’avantages fiscaux (une demande a été faite par la province des Îles le 30 juillet 2019, mais n’a toujours pas été suivie d’effets par le gouvernement) et, enfin, d’un crédit d’impôt pour les dépenses de recherche et d’innovation (30 % du montant dans la limite de cinq millions par an). Un montant qui peut sembler dérisoire si on le compare à ce qui se fait à Fidji. L’archipel mélanésien a attiré, en 2018, près de 49 milliards d’investissements étrangers (environ 40 milliards de francs au Vanuatu). Pour cela, il dispose de bureaux dans des pays cibles et propose des exonérations pour des secteurs parfaitement identifiés. Pour la santé, les exonérations d’impôt peuvent atteindre 60 % lorsque les investissements sont supérieurs à un million de dollars fidjiens (environ 50 millions de francs).

Comme l’a souligné Christopher Gyges, des financements privés seront indispensables à la relance de l’économie calédonienne. Pour capter ces flux extérieurs, un travail sur l’image de la Nouvelle-Calédonie sera tout aussi indispensable. Mais avant d’aller chercher ailleurs, n’aurait-il pas été intéressant de regarder les ressources déjà présentes sur le territoire ? Comme le montre encore la balance des paiements, en 2018, par exemple, les investissements des Calédoniens à l’étranger ont représenté 35 milliards de francs. Peut- être le signe que les Calédoniens ont déjà eux-mêmes du mal à croire à leur propre développement ?

M.D.