« En tant qu’infirmière à domicile, le souci majeur est de pouvoir se rendre dans les zones fragiles. La plupart de mes patients se sont retrouvés seuls et livrés à eux-mêmes du jour au lendemain.
L’accès aux soins est inexistant dans les quartiers de la presqu’île de Ducos suite aux incendies des cabinets médicaux, et de la pharmacie.
J’ai pu me rendre une fois sur Kaméré grâce à une famille de patients qui m’a escortée. J’ai pu fournir des traitements médicaux à mes patients et certains autres de mes collègues, et fais le point sur l’état de santé de certain. Une de mes patientes ne peut plus se nourrir par la bouche, seulement par le biais d’une sonde sur laquelle je dois brancher une pompe. Elle n’a donc pas eu d’alimentation pendant dix jours. Elle a quand même pu se nourrir en faible quantité par la bouche, mais c’est dangereux et très douloureux pour elle.
J’ai également dû faire hospitaliser une patiente à Montravel, car elle vit en permanence avec de l’oxygène et sa bouteille arrivait à la fin. Et impossible d’accéder chez elle.
Pour pouvoir exercer mon métier d’infirmière libérale, j’ai dû acheter un conventionnement infirmier il y a 2 ans ainsi qu’un véhicule.
Globalement ces prêts représentent 15 % du chiffre d’affaires mensuel, pour un suivi d’une vingtaine de patients.
Mes soins sont centrés principalement sur la presqu’île de Ducos, Montravel, et plus minoritairement Pk4, Porte de fer, Magenta, Vallée des Colons.
Depuis le début des émeutes, je peux voir quotidiennement entre trois et cinq patients dans des conditions de déplacements à peu près sûrs. Je dois me rendre à l’entrée du quartier des tours, et l’accès n’a pas toujours été possible.
Les infirmiers libéraux, au même titre que les infirmiers hospitaliers, travaillent tous les jours de la semaine, week-end et jours fériés inclus. Je dois donc me faire relayer par une infirmière libérale remplaçante.
J’ai décidé de garder cette infirmière malgré la baisse notable d’activité. Sans cela, elle n’aurait plus de revenus. Je n’ai pas fait état de l’impact financier que cela aura sur la gestion de la société.
Il est bien évident que je serais obligée de diminuer ma rémunération, alors que je serais tenue de rembourser mes loyers en cours, pour la société ainsi que personnels. »
Témoignage d’Émilie Sochacki