Face au réchauffement climatique, les voies de l’atténuation et de l’adaptation

Dans le cadre de la Fête de la science, cinq spécialistes ont proposé, mardi à l’université, une conférence publique sur le dérèglement climatique avec un zoom sur la Nouvelle-Calédonie. La compréhension des évolutions du climat doit, à leur sens, inciter une réponse plus concrète dans l’action publique.

« Climat-retour vers le futur », tel était le thème de cette conférence qui réunissait des scientifiques de l’Institut de recherche pour le développement, de Météo France et de la Communauté du Pacifique. Alors que le constat du dérèglement climatique est de moins en moins remis en question, il n’est pas inutile pour les chercheurs de continuer à alerter et sensibiliser l’opinion tant les pays ont dû mal à en faire une priorité, ce que l’on observe d’ailleurs aisément dans le contexte actuel de crise sanitaire. Les conférenciers ont donc remis leur costume de pédagogue pour cette conférence.

Christophe Menkes, de l’IRD, a d’abord rappelé les différents mécanismes qui peuvent entraîner les variations du climat : la distance du Soleil, les éruptions volcaniques, les rejets de gaz à effet de serre (CO2, vapeur d’eau…) et comment, au fil de millions d’années, le climat a été amené de manière naturelle et lente à évoluer. Jusqu’au basculement des années 1890 et l’ère industrielle où un réchauffement a été, dans une période relativement froide, accentué par les activités humaines (en particulier l’usage des énergies fossiles) à une vitesse jamais égalée. En 150 ans, la planète a pris de 1 à 1,2 °C. Elle se réchauffe partout, aucun pays n’est épargné, malgré l’inégalité de ce que nous rejetons dans l’atmosphère puisque nous formons à ce niveau « un seul et même système ».

Remontée dans le temps

En Nouvelle-Calédonie, a expliqué Alexandre Pelletier, de Météo France, le climat s’est réchauffé d’au moins un degré ces cinquante dernières années, depuis les recensements crédibles, même si l’on garde heureusement nos saisons, ce qui est « plutôt rassurant ». Les mesures de température s’effectuent sur le terrain (sur une centaine de points) et via quinze stations de référence depuis les années 1970 ou grâce à des documents anciens qui remontent jusqu’à 1860.

Les variations sur les pluies et la sécheresse, qui peuvent être des conséquences du dérèglement climatique, sont également calculées sur 27 stations de référence. Et à ce niveau, selon Météo France, on a observé des alternances marquées entre les périodes pluvieuses et sèches, avec des variations sur deux à huit ans conditionnées à El Niño et La Niña et des variations décennales.

Une veille cyclonique est également possible depuis l’installation, en 1977, d’un satellite japonais qui couvre le Pacifique Sud-Ouest avec des données fiables et des photos à la minute. Il n’y a pas de tendance significative concernant l’intensité des cyclones.

La montée du niveau de la mer, qui peut être causée par la tectonique des plaques, l’affaissement de la Terre (Torres, Ambrym) ou des variations très rapides de température causant la fonte des glaces, a toujours existé. Mais alors que le niveau était stable depuis 7 000 ans, a expliqué Bernard Pelletier, de l’IRD, on trouve à l’échelle globale à l’aide des satellites (1993) et des marégraphes (1900), des signes d’accélération de la montée des eaux (0,6 mm par an entre 1900 et 1930 et 2,9 mm par an entre 1993 et 2015), mais qui sont inégalement répartis à l’échelle de la planète. Le fait que la Terre bouge la rend difficile à quantifier. Elle serait a priori plus importante dans les zones non stables comme le Sud-Ouest Pacifique.

Différents scénarios

Pour anticiper sur le futur de cette machine bien lancée, les scientifiques utilisent des systèmes de modélisation qui ont permis, par exemple, au Giec (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) d’établir différents scénarios. On sait aujourd’hui, a souligné Christophe Menkes, que si l’on ne réduit pas nos émissions de gaz à effet de serre, la planète aura pris 3 à 5 °C en moyenne en 2100. Environ 60 % des coraux subiront un blanchissement tous les ans, une répétition qui signera sûrement leur arrêt de mort. Dans le scénario le plus « propre », avec un arrêt des émissions en 2040, on pourrait maintenir le réchauffement sous le seuil des deux degrés et 30 % des coraux seraient alors concernés par un réchauffement annuel.

La hausse du niveau de la mer serait, tous scénarios confondus, entre 29 et 82 centimètres d’ici la fin du siècle. Et la fonte du permafrost pourrait engendrer une émanation énorme de gaz à effet de serre et contribuer à emballer le système…

Contraindre les pays

Pour les scientifiques, même s’il n’y a pas de retour en arrière puisque tout ce qui a été et est produit continuera à peser durant des décennies, les pays n’ont d’autre choix que de s’investir dans une politique climat qui comporte deux volets : l’atténuation et l’adaptation. Après la convention cadre des Nations unies (1992), le protocole de Kyoto (2005), l’accord de Paris sur le climat (2015), la prochaine étape est l’entrée en vigueur de ce dernier au 1er janvier 2021, comme l’a relaté Anne-Claire Goarant, de la CPS. Et puis après le fiasco de la COP25, la COP26, qui a été reportée, visera le renforcement des ambitions en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la présentation des stratégies bas carbone pour 2050 ou encore le financement du Fonds vert post 2025. Les COP ont jusqu’ici entériné l’objectif de + 2°C maximum pour 2100.

La Nouvelle-Calédonie est engagée juridiquement dans la convention cadre des Nations unies et certains piliers de l’accord de Paris. Le Pacifique, dans son ensemble, réalise un fort lobbying pour faire part de l’urgence régionale, sensibiliser sur le lien entre l’océan et le climat, relever l’ambition des pays et alerter sur le fait que la crise sanitaire a fait valser les priorités. Les organisations régionales sont impliquées, quant à elles, dans la prise de données, les formations techniques et de négociations, dans les levées de fonds et la mise en œuvre de projets pour diminuer les émissions et permettre aux pays de s’adapter.


La mémoire des coraux

Si les observations en matière de réchauffement climatique sont limitées à des instruments relativement récents, d’autres outils permettent d’aller beaucoup plus loin dans le temps et de nous éclairer davantage. Delphine Dissard, paléo-climatologue à l’IRD, a ainsi expliqué comment les études de la géochimie de carbonates marins (coraux et foraminifères) peuvent servir d’indicateurs. Les coraux enregistrent, par exemple, dans leur squelette tout un tas de paramètres indiquant un modèle d’âge sur des centaines, voire des milliers ou millions d’années et permettent de reconstruire les climats passés. Un cap de réchauffement à partir des années 1890 a clairement été observé.

C.M.