Équipes sous tension : les cinq conseils de Laurent Calleja

Laurent Calleja a répondu aux questions des militaires de la base Paul-Klein, mardi matin. (© Gilles Caprais)

Le manager de Teddy Riner, quintuple champion olympique de judo, s’est rendu mardi 17 septembre sur la base aérienne 186, à La Tontouta. Il a dispensé des conseils en matière de préparation, mentale notamment, aussi utiles aux sportifs de haut niveau qu’aux soldats en opération.

Pas de judogi, que des uniformes. Les 30 militaires assis face à lui n’ont pas l’intention de se mettre au judo, encore moins de se qualifier pour les Jeux olympiques. Le manager du plus grand judoka français est toutefois certain de pouvoir leur être utile. « Ce qu’ils font, c’est aussi du haut niveau. Ils sont arrivés de Métropole, ils ont vécu des événements difficiles. L’échange autour de la gestion du stress sera forcément intéressant. »

♦ MESURER L’IMPORTANCE DU MENTAL

Dans la préparation d’un athlète, le physique, c’est « le plus facile ». « La plus grande difficulté, selon moi, c’est l’approche psychologique des événements », estime Laurent Calleja. La veille d’une compétition majeure, l’heure n’est plus aux considérations techniques ou tactiques. « Un sportif de haut niveau sait ce qu’il doit faire. Un pilote d’hélicoptère, c’est pareil. Il a répété les gestes des milliers de fois. Mais les deux doivent être capables de faire ce qu’il faut au moment crucial. Le jour J, 90 % de la performance, c’est le mental », qui doit être travaillé tout au long de l’année.

♦ APPRENDRE À SE CONNAÎTRE

Appréhender la réussite et l’échec, c’est se confronter aux origines du stress, qui peut être bénéfique. « Le stress, ça vient forcément de quelque part. De son enfance, de ce qu’on a vécu… La connaissance de soi, c’est primordial. Ça se travaille au quotidien. Quand on a compris pourquoi on est stressé, ça règle beaucoup de problèmes. Il y aura toujours des imprévus difficiles à gérer. Il y aura toujours du stress. C’est prévisible, et ça se gère. »

♦ NE PAS COGITER INUTILEMENT

Après le 13 mai, à deux mois des Jeux olympiques, Laurent Calleja et sa compagne Marie, ostéopathe de Teddy Riner, ont été tentés de partir d’Europe pour rentrer en Nouvelle-Calédonie. « On a réfléchi et puis on est restés. On s’est dit qu’on n’avait pas la main, qu’on ne pourrait rien faire. Je me suis concentré sur une chose : bien faire ce que je fais tous les jours. Rester focus, ça évite à l’esprit de cogiter inutilement aux choses qu’on ne peut pas changer. »

♦ RESTER NATUREL

Pour sa reprise après un an et demi sans compétition, Teddy Riner participe à un tournoi au Brésil. « Je lui ai préparé une compétition de reprise avec peu de monde dans sa catégorie », raconte Laurent Calleja. « On arrive et, en fait, les meilleurs du monde sont là… Les combats sont très difficiles. Après la demi-finale, Teddy est à bout de forces. Je ne l’ai jamais vu aussi mal physiquement et psychologiquement. Il est KO. Il n’a pas perdu depuis dix ans, et ça risque d’arriver aujourd’hui. Il me dit “je fais quoi ?”. Je lui réponds “tu poses tes c… sur la table. Tu fais ce que tu sais faire”. À un moment, ça ne sert plus à rien de trop réfléchir. Plus on est naturel et plus on donne le meilleur de soi-même. » Le colosse fait de son mieux et remporte le tournoi.

♦ NE PAS NÉGLIGER LA FAMILLE

« L’équilibre entre famille et travail est super important. Dans le judo, on est encore très archaïque, on n’est pas encore professionnel, on est semi-pro. On veut entraîner tout le monde de la même façon, garçon ou fille. Que tu aies une famille ou pas, qu’elle soit loin ou pas, tu dois t’entraîner de la même façon. C’est marche ou crève. Sauf que tout le monde n’est pas capable de combattre au quotidien. Si on ne fait pas attention aux paramètres autour de la performance, à la famille en particulier, on est à côté de la plaque. »

 

« On a beaucoup à apprendre du sport professionnel »

« Laurent Calleja, c’est une personnalité et une expérience colossale. On est ravis qu’il puisse échanger avec les aviateurs », apprécie le colonel Alban Genre-Grandpierre, commandant de la base aérienne 186. « On a beaucoup à apprendre du sport professionnel, notamment dans la préparation mentale de nos équipages, pour gérer l’enjeu sous forte tension. Les événements récents ont montré que la tension peut arriver de manière très soudaine et qu’il faut toujours être prêt. »

 

Gilles Caprais