Énergies renouvelables : un pas en arrière ?

La centrale accostée temporaire, qui fonctionne au fioul, devrait alimenter Doniambo jusqu’à fin 2025. © G.C.

La deuxième version du schéma de transition énergétique, qui prévoit de forts investissements publics pour alimenter les usines en électricité moins polluante, se heurte à des questions de coût. KNS envisage d’ores et déjà une autre option, basée sur le gaz.

L’AMBITIEUX PLAN DE 2022…

La deuxième version du schéma de transition énergétique (Stenc), présentée en juin 2022 par Christopher Gygès, membre du gouvernement, avait pour mission de s’attaquer au cœur du sujet. Le secteur du nickel, principal émetteur de gaz à effet de serre, doit diminuer de 70 % ses émissions de CO2 d’ici 2035, en utilisant notamment 50 % d’énergies renouvelables d’ici 2030. Le plan dessinait une solution : grâce à des investissements massifs dans le solaire et le stockage d’électricité, le réseau public était appelé à approvisionner les usines en électricité à la fois moins polluante et bon marché, avec un objectif fixé à « 7 ou 8 francs » le kilowattheure, soit une division par deux ou trois selon le cours des combustibles. Un an plus tard, cette révision du schéma n’a toujours pas été présentée au Congrès, et son contenu semble quelque peu obsolète.

… SE HEURTE AU « MUR » DES COÛTS

Le Stenc est confronté au « mur des garanties » d’emprunt, a expliqué Christopher Gygès, le 1er juin à la CCI, lors d’une conférence sur la transition énergétique. Pour financer ce plan, qu’Enercal estime à 400 milliards de francs en incluant la rénovation du réseau, il faudra emprunter. Les prêts devront trouver des garants aux reins particulièrement solides, qui ne semblent pouvoir être que l’État ou les actionnaires privés des métallurgistes. « On aura besoin des deux », estime Christopher Gygès. Tout aussi problématique, les 8 francs du kilowattheure semblent hors d’atteinte, le stockage restant très coûteux. Jean-Gabriel Faget, directeur d’Enercal, juge qu’il est plus réaliste de viser la « stabilisation » que la baisse du coût de production. Or, pour les métallurgistes, le coût de l’énergie est une question de survie.

KNS : DU GAZ AU LIEU DU CHARBON ?

Le 19 juin, l’usine du Nord a dévoilé son propre projet, basé sur les énergies fossiles : remplacer le charbon par le gaz naturel liquéfié dans sa centrale électrique de 240 mégawatts (MW). Cette transformation, qui serait réalisée avec le concours du groupe français Technip, aboutirait d’ici 2028 à une réduction de 46 % des émissions de CO2, d’après les estimations de KNS, qui prendra une décision d’ici la fin de l’année. « Il est nécessaire d’engager rapidement la construction de solutions flexibles, bénéficiant d’une excellente maturité technique », a déclaré Marie-Caroline Lacroix, responsable de la transition énergétique. Le gaz permettrait de « réduire au plus vite nos émissions de CO2, de rester compétitifs et de permettre demain l’intégration de nouvelles solutions innovantes en énergies renouvelables ».

PRONY RESOURCES A REVU SES PLANS

En mai 2021, l’usine du Sud avait annoncé l’investissement dans une ferme solaire de 200 mégawatts, dont 30 installés fin 2022, et dans des batteries de forte capacité. Deux ans plus tard, les travaux n’ont pas commencé : les objectifs restent les mêmes, mais le plan a quelque peu changé. Les besoins ont été ré-estimés à 160 MW. Une ferme de 40 MW a été commandée à Total Énergies. « Elle sera opérationnelle fin 2024 », indique Sylvain David, chargé de la transition énergétique de Prony Resources. Quant aux 120 MW restants, le métallurgiste compte les acheter au réseau public, conformément au schéma de transition énergétique.

SLN : L’APRÈS-CAT EST INCERTAIN

Depuis l’arrêt de la centrale B, au mois de mars, l’unité de production flottante alimentée au fioul apporte 180 MW à l’usine. Cette centrale accostée temporaire (CAT) bénéficie d’une autorisation d’exploitation jusqu’à fin 2025. Le plan de juin 2022 prévoyait que Doniambo soit ensuite principalement alimenté par le réseau public boosté au solaire avec stockage. « Il est fort probable que le projet soit revisité », a prévenu le cabinet Secafi, qui a audité la SLN début 2023 à la demande des syndicats, estimant qu’« il faut d’ores et déjà penser à la solution de l’après janvier 2026 ».

Gilles Caprais

Zéro CO2, vaste chantier

Les trois métallurgistes affichent leur volonté d’atteindre la « neutralité carbone » entre 2040 et 2050. Cet objectif implique des efforts au-delà de l’alimentation électrique et de compenser les émissions restantes.

À l’usine du Nord, la centrale à charbon représente 70 % des émissions de CO2 ― sur ce point, KNS préfère ne pas donner le tonnage annuel. « C’est un niveau cohérent par rapport aux deux autres métallurgistes », indique simplement Marie-Caroline Lacroix. Pour les 30 % restants, l’optimisation énergétique est la priorité « dans tous les domaines ». Par exemple, « adopter un moteur plus petit, plus efficace, année après année ». Autre piste, plus innovante : la récupération de la chaleur des scories. « Elles dégagent une énergie thermique très forte, on essaie de voir comment la transformer en énergie électrique. Ça ne se fait pas trop ailleurs dans le monde. On travaille là-dessus avec des spécialistes. »

À la SLN, les 1,8 million de tonnes de CO2 viennent à 50 % de l’électricité et à 50 % du procédé qui est, là aussi, appelé à être optimisé dans de nombreux domaines.

L’usine du Sud estime ses émissions à 1,1 million de tonnes par an, issues à 33 % de la centrale électrique au charbon. Près de 20 % viennent des engins miniers, qui pourraient un jour tourner à l’hydrogène, une expérience étant déjà menée en Afrique du Sud. « Ce camion n’existe pas chez les constructeurs, aujourd’hui. S’il arrive, quel sera son prix ? On a lancé un appel à manifestation d’intérêt pour trouver des partenaires capables de définir ce que pourrait être une filière hydrogène en Nouvelle- Calédonie », annonce Sylvain David. Il reste encore 41 % issues du procédé de production. « Il faudra certainement un mélange de capture du CO2 , de stockage et de compensation des émissions », en finançant par exemple des plantations forestières.

 

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