En attendant le plan de soutien à l’économie

L’économie est l’une des priorités des collectivités. Les élus redoutent son arrêt qui pourrait plonger la Nouvelle-Calédonie dans une crise profonde. Si certaines réponses sont apportées aux nombreuses interrogations des Calédoniens, des incertitudes demeurent. Sans ressources, comment le pays pourra- t-il faire face à cette crise sanitaire qui sera probablement suivie d’une crise économique majeure ? Le gouvernement devrait annoncer un plan, vendredi après-midi.

L’avenir économique est bien incertain, au-delà de la crise sanitaire majeure qui frappe le monde entier. Selon de nombreux experts internationaux, la lutte contre le Covid-19 pourrait prendre plusieurs mois et compliquer de fait la reprise économique. Dans l’intervalle, de nombreuses entreprises vont être confrontées à un mur : la baisse drastique de leur chiffre d’affaires. Si le report de leurs charges et un accès facilité aux crédits sont annoncés un peu partout, ces solutions adaptées à court terme pourraient s’avérer peu utiles sur le long terme. Une chose semble toutefois acquise, les gouvernements des grandes puissances ont assuré qu’ils prendraient toutes les dispositions nécessaires au soutien de l’économie. Ils ont notamment indiqué que les règles d’équilibre budgétaire ne seraient plus appliquées pendant un temps. Une décision qui devrait renforcer le poids des dettes de ces États.

Pour la Nouvelle-Calédonie, le problème se pose en d’autres termes. Sa capacité d’endettement étant quasi-nulle, le territoire compte avant tout sur la solidarité nationale, autrement dit sur le soutien sonnant et trébuchant de la France. Dans un courrier adressé à Sonia Backes, la présidente de la province Sud, le Premier ministre, Édouard Philippe, précise que le plan national, visant à garantir près de 300 milliards d’euros de prêts aux entreprises, est applicable en Nouvelle-Calédonie. De la même façon, le Premier ministre souligne que 19,5 milliards de francs ont été alloués à l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM) pour financer le dispositif de réescompte.

Cet outil permet aux banques de se refinancer afin de retrouver des liquidités. En clair, l’IEOM « reprend les prêts accordés » par les banques au taux zéro, ce qui leur permet de prêter à nouveau. Reste que pour beaucoup de chefs d’entreprise calédoniens, le recours au crédit n’apparaît pas véritablement comme une solution, d’autant qu’avant le début de la crise, ils étaient nombreux à être à court de trésorerie, après des mois de ralentissement économique. Dans un contexte aussi incertain et avec peu de visibilité quant à l’avenir, aussi lié à l’évolution institutionnelle du territoire et des référendums d’autodétermination, l’endettement des entreprises n’apparaît pas vraiment comme une solution miracle, au contraire.

Au bord de l’asphyxie avant la crise

Le haut-commissaire de la République, Laurent Prévost, a toutefois détaillé, mardi, le soutien de l’État aux banques qui passera par des reports d’échéances sans frais de six mois accordées aux entreprises. Pour les particuliers, la situation n’est pas encore tranchée. Comme l’a fait remarquer Guy-Olivier Cuénot, un élu du Congrès, sur les réseaux sociaux, certains Calédoniens lui ont fait savoir que leur banque acceptait de reporter des échéances, mais avec des frais élevés.

Concernant la garantie d’État pour les prêts, le haut-commissaire a confirmé l’annonce du Premier ministre. Elle sera déployée par la BPI France et devrait être présentée aux entreprises dans les prochains jours. Rien qui n’apporte véritablement de solution lorsque les préoccupations premières sont la survie de l’entreprise et le maintien de l’emploi. Pour cela, il faudra attendre vendredi et le détail du plan de soutien à l’économie du gouvernement local. Une présentation des mesures a été faite aux partenaires économiques qui s’interrogent sur la capacité de l’exécutif à les financer, à commencer par le chômage partiel afin d’éviter les licenciements.

Comme l’annoncé Thierry Santa, le président du gouvernement, la caisse d’allocations chômage n’est clairement pas en mesure d’assumer cet accroissement massif du chômage partiel, d’autant plus si le gouvernement annonce une révision à la hausse des indemnités, de l’ordre de 85 % du dernier salaire dans la limite de 4,5 du SMG sur deux mois au lieu de 66 %. De nombreuses entreprises font face à une réduction de leur activité nécessitant le recours à ce dispositif. Plus inquiétant, de grosses structures réfléchissent également à y avoir recours, notamment dans la mine. Le coût pour la collectivité pourrait alors exploser.

C’est sans compter sur les dépenses de santé qui devraient littéralement bondir avec la réorganisation des services pour faire face au Covid-19. Si le système devrait faire quelques économies avec le report d’opérations non urgentes, la facture risque d’être salée et, une chose est sûre, la Cafat ne pourra pas y faire face seule. Ruamm, accidents du travail, allocations chômage, retraites et prestations familiales…Toutes les branches de la protection sociale sont désormais dans le rouge et la situation remet profondément en question le plan de sauvetage, prévu par le gouvernement avant le début de la crise.

Il faudra trouver de l’argent et vite. Dans le cas contraire, la Cafat, faute de trésorerie et sans perspectives de ressources nouvelles dans les semaines à venir, ne pourrait plus assurer le remboursement des prestations, le paiement des professionnels de santé libéraux et les versements aux établissements de santé. Un comble qui paraît impensable en cette période de crise.

Les moyens de ses ambitions ?

Si le gouvernement devrait être en mesure d’apporter des précisions vendredi, le soutien de l’État pour la Polynésie française dévoilé, mercredi, ne laisse rien présager de bon. Dans le cadre de la solidarité nationale, les TPE, les micro-entreprises, les travailleurs indépendants et les professions libérales ayant un chiffre d’affaires de moins de 120 millions de francs pourront bénéficier du fonds de solidarité nationale leur ouvrant droit à une aide directe jusqu’à 417 661 francs.

En dehors de cette aide directe, les entreprises auront accès aux facilités prévues, tout comme en Nouvelle- Calédonie, pour retrouver de la trésorerie, notamment au travers de prêts. Après d’âpres négociations avec les syndicats polynésiens, qui réclamaient l’instauration d’un revenu minimum de solidarité de 120 000 francs (pour un coût global de l’ordre de huit milliards de francs), le gouvernement a finalement accepté d’en reprendre le principe avec un montant revu à 100 000 francs.

Rien, cependant, concernant une hypothétique enveloppe qui viendrait en aide aux collectivités. Celles-ci vont pourtant devoir assurer la continuité du service public pendant une période encore indéterminée. Ce qui est sûr, c’est que les recettes fiscales vont être en chute libre. Sans même parler du report des cotisations et du paiement des impôts, la consommation de carburant a déjà dégringolé (moins 70 % en Métropole, un niveau qui pourrait être équivalent en Nouvelle- Calédonie) et la consommation, passé le pic de la constitution de réserves, devrait retomber comme un soufflé, notamment en raison des pertes de revenu des ménages.

Faire beaucoup plus avec beaucoup moins, c’est tout le casse-tête que devront résoudre les élus pour éviter un blocage complet du système. On voit mal comment les collectivités pourront se passer d’un recours à la fiscalité sans des aides de l’État. La facture risque d’être vraiment salée. Selon les dernières déclarations des experts sanitaires, la crise mondiale pourrait durer plusieurs mois, certains avancent une durée d’environ six mois pendant laquelle l’économie sera fortement perturbée. La reprise devrait, par ailleurs, être très progressive et nécessiter un accompagnement des collectivités et pas seulement sur un mois ou deux. La facture sera lourde et imposera une réflexion de fond sur la fiscalité et ce, quelles que soient les aides de l’État qui a déjà fort à faire en Métropole.


Encadrement du prix du matériel de protection

Le gouvernement suspecte des dérives sur le prix du matériel de protection tels que les masques, les gants et le gel hydroalcooliques. Une délibération devrait être rapidement adoptée pour encadrer ces prix.


Les provinces en soutien au tissu économique

Si le gouvernement réfléchit à un plan global de soutien à l’économie, les provinces Nord et Sud ont d’ores et déjà mis en œuvre un dispositif pour éviter les pertes d’emploi. La province Sud a ainsi débloqué une enveloppe de 500 millions de francs alors que la province Nord a débloqué, en urgence, un fonds de 130 millions de francs pour un trimestre pour prendre en charge une partie des cotisations sociales ainsi que le report des redevances pour occupation de foncier et équipements provinciaux.

La province Nord a par ailleurs mis en place un guichet unique pour répondre aux questions des chefs d’entreprise. En province Sud, l’aide passe par deux dispositifs permettant la prise en charge des cotisations et l’aide à la trésorerie (avec respectivement des plafonds de 10 millions de francs et 1,5 million de francs). En quelques jours à peine, la province Sud a reçu pas loin de 1 400 demandes. Autant dire que les crédits seront bien vite épuisés et que les dispositifs, aussi au Nord qu’au Sud, vont rapidement montrer leurs limites.


Les bailleurs sociaux en première ligne

Il est encore trop tôt pour estimer l’impact de la crise sur les bailleurs sociaux, mais une chose est sûre, ils devraient être touchés de manière notable. La SEM Agglo, qui a contacté ses locataires un par un afin de maintenir le lien social, en profite pour évaluer leur situation. Sur les 1 000 foyers déjà contactés (le parc de la SEM Agglo compte un peu moins de 1 700 logements) près de la moitié ont arrêté leur activité, sans toujours bien savoir quelle est leur situation. Le FSH et la SIC ont entrepris un travail similaire pour essayer d’avoir l’aperçu le plus fin possible pour chaque locataire.

Les solutions concernant les loyers seront décidées au cas par cas, en fonction de la situation de chaque foyer. Vu l’ampleur des personnes touchées, il est très probable que la crise aura des conséquences financières pour les bailleurs sociaux et, par incidence, pour leurs financeurs que sont les provinces et l’État. Quant à savoir quelles seront les conséquences sur leurs programmes de construction et donc sur le BTP, il est encore trop tôt pour le dire.

M.D.