Le taux de chômage a retrouvé son niveau d’avant la crise sanitaire, des emplois ont été créés depuis 2019, et les inégalités entre hommes et femmes et Kanak et non-Kanak, si elles ont diminué, persistent. Voilà les principaux enseignements à retenir de l’enquête Forces de travail 2022 rendue publique par l’Institut de la statistique et des études économiques (Isee), jeudi 3 août.
♦ 1 100 EMPLOIS CRÉÉS
C’est la bonne nouvelle de l’enquête 2022. Les effets de la crise sanitaire ont été « résorbés ». « On est même allé au-delà, puisqu’il y a création d’emplois », commente Olivier Fagnot, directeur de l’Institut de la statistique et des études économiques. Soit 1 100 de plus par rapport à 2019 et 4 000 par rapport à 2020. « Certes, on ne sait pas dire quelles en sont les modalités », c’est-à-dire s’il s’agit d’un petit boulot, d’un CDD…, « mais cela représente de la création de richesse et des cotisations ». Cette donnée devrait être prise en compte par l’Isee à partir de cette année. Par ailleurs, 1 200 personnes sans emploi de plus souhaiteraient travailler. « Cela marque une bonne tenue du marché du travail et semble inciter de nouveaux entrants à vouloir » l’intégrer.
♦ UN TAUX DE CHÔMAGE D’AVANT CRISE
À 11 %, le taux de chômage retrouve son niveau d’avant la crise sanitaire, après être monté à 13 % en 2020. C’est, en outre-mer, hormis la Polynésie française (9 %), le taux de chômage le moins élevé. Il varie de 12 % à la Martinique à 35 % à Mayotte. Les premiers concernés par le chômage sont les jeunes de moins de 30 ans, indique le directeur de l’Isee, avec un taux de 26 %. « Ce qui caractérise les populations les plus éloignées de l’emploi, c’est d’être jeune, non diplômé, Kanak et femme », précise Philippe Martin, directeur de la formation professionnelle continue.
Le taux d’emploi progresse, lui, légèrement avec 59 % contre 58 % en 2019. Il s’agit du plus haut après celui de la France hexagonale. Il fluctue de 30 % à Mayotte à 54 % en Polynésie. « En Nouvelle-Calédonie, les indicateurs de l’emploi et du chômage s’améliorent et restent plus favorables que dans les autres départements et régions d’outre-mer. »
♦ DES ACTIFS PARFOIS PRÉCAIRES ET EN TEMPS PARTIEL SUBI
19 % des actifs occupés ont un petit boulot, sont aidants familiaux, gérants… Les autres (81 %) sont salariés, mais pas dans les mêmes conditions. Si 64 % correspondent à des emplois stables, au moins 17 % sont précaires (CDD, stage, intérim, apprentissage, saisonnier, etc.). Et 13 % des salariés sont à temps partiel. La majorité d’entre eux disent le subir et aimeraient passer à temps complet.
Chez les chômeurs (+ 400 depuis 2019), 4 sur 10 n’ont pas ou peu d’expérience professionnelle. « C’est intéressant à savoir pour voir comment les ramener vers le marché du travail », remarque Olivier Fagnot. Idem chez les personnes dans le halo (+ 800 depuis 2019), qui s’y trouvent parce qu’elles sont en congé maternité, en arrêt maladie ou qu’elles s’occupent d’un enfant ou d’un adulte malade…, un suivi « spécifique peut s’avérer nécessaire » pour deux sur trois. Ces deux catégories représentent un vivier de main-d’œuvre de 22 400 personnes. « À un moment où on parle de difficultés de recrutement, c’est quelque chose qu’il faut avoir en tête. C’est un public qu’il faut souvent accompagner parce qu’une partie a été éloignée de l’emploi pendant assez longtemps. »
♦ PAS ENCORE D’ÉGALITÉ HOMMES-FEMMES
« L’égalité hommes-femmes n’est pas au rendez-vous », souligne l’étude. Il existe toujours un écart de salaire d’environ 11 % à poste égal, pas tant en début de carrière, mais 20 ans après. « En fonction des trajectoires de vie, les carrières des femmes sont moins linéaires. » Elles sont plus souvent à temps partiel ‒ qu’elles subissent pour beaucoup ‒ et en CDD. Et sont davantage représentées chez les ouvriers et employés de bureau. « Leur situation sur le marché du travail est assez curieuse, parce que tout en étant plus diplômées que les hommes, elles se retrouvent dans des postes moins enviables », déclare Olivier Fagnot. Elles sont en effet moins présentes dans des catégories intermédiaires ou supérieures.
Conséquence, le taux de chômage des hommes est inférieur à celui des femmes et diminue plus rapidement (10,6 % pour 11,2 %), et le taux d’emploi des hommes reste supérieur (63,3 % contre 54,1 %). Les bons résultats de 2022 profitent moins aux femmes. Pourtant, les entreprises auraient tout à gagner à les embaucher, indique Thierry Xozame, directeur du travail et de l’emploi (DTE) : « Les études montrent que plus il y a de femmes en responsabilité, mieux l’entreprise se porte ».
♦ LES KANAK EN SONT PLUS ÉLOIGNÉS
Si la situation des Kanak (qui représentent 39 % de la population de 15 ans et plus selon le recensement de 2019) s’améliore, les différences persistent. Ils ont moins de diplôme bac et post-bac (32 % contre 60 % pour les non-Kanak), restent minoritaires en emploi (51,8 % contre 63,4 %), occupent des postes à moindre responsabilité et plus précaires, petits boulots, CDD, et là aussi, du temps partiel subi. Les Kanak sont davantage concernés par le chômage, avec un taux de 15,3 % contre 8,3 %, même s’il diminue depuis 2017 alors qu’il augmente pour les autres communautés. Globalement, si « les écarts se réduisent », ils « restent importants », car « quel que soit le niveau de diplôme, la situation est plus défavorable aux Kanak », signale Olivier Fagnot. « C’est un processus lent. »
Le rapport est à lire sur le site isee.nc
À SAVOIR
L’enquête sur le marché du travail calédonien, menée par l’Isee depuis 2017, est réalisée à partir des réponses de 5 000 ménages tirés au sort. Elle s’appuie sur la définition du Bureau international du travail (BIT) pour le terme chômeur, c’est-à-dire une personne disponible, sans emploi, et qui en recherche un. Un chômeur fait partie de la population active, à la différence d’un inactif, qui ne travaille pas et ne cherche pas activement un emploi. Ce qui ne veut pas dire oisif. Les activités non monétaires, celles de l’économie informelle (agriculture, pêche…), ne sont pas prises en compte.
En chiffres
212 070 Calédoniens ont 15 ans et plus.
122 720 sont actifs (58 %) : 109 330 sont occupés (52 %) et 13 390 sont au chômage (6 %).
89 350 sont inactifs (42 %) : 80 350 (38 %) sont étudiants (20 310), retraités (21 960), etc., et 9 000 (4 %) sont dans un halo.
78 % des actifs occupés sont dans le privé
et 22 % dans le public.
Anne-Claire Pophillat