Emmanuel Macron : une victoire et des défis

French President and La Republique en Marche (LREM) party candidate for re-election Emmanuel Macron celebrates after his victory in France's presidential election, at the Champ de Mars in Paris, on April 24, 2022. (Photo by Thomas COEX / AFP)

Le président sortant a été réélu dimanche 24 avril avec une bonne avance mais sans triomphalisme. L’extrême droite a enregistré une progression historique, le taux d’abstention est au plus haut depuis 1969 et la grande bataille des législatives est lancée pour construire un fort contre-pouvoir, voire une cohabitation. 

Emmanuel Macron a donc remporté l’élection présidentielle avec 58,5 % des suffrages exprimés. 17 points devant Marine Le Pen, la candidate du Rassemblement national qui obtient 41,5 %. Une marge importante alors que l’on attendait un résultat très serré.

Ses soutiens se partagent entre un vote d’adhésion, un vote pour la stabilité ou de barrage à Marine Le Pen (près de la moitié selon un sondage Elabe). C’est la première fois dans la Ve République qu’un président sortant est reconduit, hors période de cohabitation, assène son entourage. C’est certainement un succès personnel et politique : peu connu il y a cinq ans, Emmanuel Macron a imposé le macronisme, un programme progressiste, libéral, pro-européen. Il a parachevé la recomposition du paysage politique français et, surtout, survécu à un premier mandat marqué par deux crises, sociale et sanitaire, majeures.

Montée des extrêmes 

Pour autant, point d’euphorie dans ce moment. Le Rassemblement national ‒ ancien Front national ‒ réalise le meilleur score de son histoire (+ 7 points par rapport à 2017), une « éclatante victoire », selon Marine Le Pen, qui a réussi à séduire un quart des votants soit 13,3 millions d’électeurs (18,8 pour le président sortant) avec bien moins de reports de voix. Durant son premier mandat, Emmanuel Macron n’est pas parvenu à stopper la progression de l’extrême droite à laquelle les Français sont en train de s’habituer. Une dernière semonce avant 2027 ?

L’élection a été marquée par la plus forte abstention depuis quasiment 50 ans (28 %). Près d’un électeur sur trois ne s’est pas mobilisé (13,6 millions), par colère, désillusion ou lassitude du système politique.

« Ce vote m’oblige »

Au Champ-de-Mars, face à la tour Eiffel, Emmanuel Macron a pris tout cela en considération. Il a promis d’être « le président de tous les Français ». Aux électeurs qui ont voté pour faire barrage à l’extrême droite, il a dit avoir « conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir. Je suis dépositaire de leur sens du devoir, de leur attachement à la République et du respect des différences qui se sont exprimées ces dernières semaines. »

Il a aussi mentionné les abstentionnistes : « leur silence a signifié un refus de choisir auquel nous devrons répondre ». Et enfin les électeurs de Marine Le Pen, reconnaissant que « la colère et les désaccords qui les ont conduits à voter pour ce projet doivent aussi obtenir une réponse ».

Dans ce pays « pétri de tant de doutes et de divisions », « cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s’achève », assure le président de la République, qui n’aura d’autre choix que d’adapter sa politique pour répondre aux attentes populaires. Les plus pauvres et les jeunes l’ayant rejetée. Emmanuel Macron est aussi attendu sur le volet écologique sur lequel il promet d’aller « deux fois plus vite ».

Revanche 

Le « tous contre Macron », en tout cas, n’est pas près de s’arrêter. Les esprits sont déjà tournés vers les élections législatives des 12 et 19 juin. Pour cette « bataille », Marine Le Pen a d’emblée rallié « tous ceux qui ont eu le courage de s’opposer à Emmanuel Macron » et ont « la France chevillée au corps ».

Éliminé au premier tour avec 22 % des voix, Jean-Luc Mélenchon (LFI-Union populaire) a réitéré son souhait de former un bloc de gauche en vue de ce « troisième tour ». Les discussions avancent avec les Verts, le Parti communiste, le Nouveau Parti anticapitaliste.

De son côté, Éric Zemmour, quatrième au premier tour (7 %), a appelé à une « alliance des droites ». « Cela fait trop longtemps que ceux qui aiment la France sont vaincus, sont amèrement déçus », a-t-il commenté, accablant le clan Le Pen pour sa 8e « défaite ».

Enfin, les grands perdants de cette élection sont en pleine introspection. Le Parti socialiste, qui a voté en interne en faveur d’une alliance avec la France insoumise, pourrait rejoindre les discussions. Les Républicains se déchirent encore après la débâcle de Valérie Pécresse. Ils doivent choisir entre reconstruire une droite indépendante, rallier LREM ou une alliance des droites.

Trois nouveaux blocs se dessinent clairement : extrême gauche-gauche, central et national. Ils pèsent à peu près aussi lourds et n’ont rien en commun. Le premier enjeu pour le chef de l’État sera sa capacité à gouverner dans un tel contexte.

C.M.

© Thomas Coex/ AFP