Emmanuel Macron: « J’ai d’immenses ambitions pour notre pays dans la région Pacifique »

French President Emmanuel Macron (C) greets local residents as he visits the Fare Natura ecomuseum in Mo'orea island, French Polynesia on July 27, 2021. - During his four-day visit, Macron, who is the first head of state to visit the remote archipelago in French Polynesia, plans to address the legacy of nuclear testing from 1966 to 1996 as France developed atomic weapons, as well as discuss the South Pacific territory's strategic role and the existential risk of rising seas posed by global warming. (Photo by Ludovic MARIN / AFP)

La visite d’Emmanuel Macron en Polynésie française n’est pas passée inaperçue. Il a lui-même parlé d’un séjour « inoubliable ». Sur le fond, le Président de la République n’a pas apporté le pardon attendu pour les essais nucléaires, mais a reconnu la dette de la France. Et il a soutenu son projet indo-pacifique dans lequel les collectivités du Pacifique ont, selon lui, tout à gagner.

Cette première visite en outre-mer pour le Président depuis le début de la crise sanitaire, la première dans ce territoire depuis le début du quinquennat, avait une sacrée allure. Vu de l’extérieur, difficile, en effet, de rester de marbre face à l’accueil majestueux offert aux îles Marquises – qui accueillaient pour la première fois un chef de l’État – aux chants de Manihi, aux célébrations, fleuries à Moorea et Papeete. Emmanuel Macron a, à plusieurs reprises, souligné que ce déplacement lui avait procuré une « très grande émotion ».

Il s’est dit fier de la culture polynésienne, ravi que ce peuple « marin et guerrier » s’inscrive dans la France tout en préservant sa culture et ses traditions alors que la nation, en d’autres temps, l’en avait empêchée. Reconnaissant les « heures sombres », les « morsures de l’histoire », il a salué cet « en même temps », si cher à sa Présidence : « vous êtes en même temps Polynésiens et profondément patriotes […] républicains ».

Dette nucléaire

Une fois passés en revue les sujets ayant trait à la crise sanitaire et économique*, les annonces en matière de culture avec le soutien à l’inscription du « trésor marquisien » au patrimoine mondial de l’Unesco, de sécurité avec le financement de 17 abris cycloniques, la création d’une nouvelle antenne du service militaire adapté ou encore en faveur des femmes victimes de violences et des militaires, le Président s’est attardé lors de son allocution finale à Papeete, sur le pacte « unique » unissant la France et la Polynésie française.

Emmanuel Macron a en particulier insisté sur l’engagement historique des Polynésiens en 1914, puis au sein du Bataillon du Pacifique et dans un passé plus récent, en Opex (le territoire compte chaque année 500 engagés). « La Polynésie n’a jamais manqué, jamais » a-t-il souligné.

Emmanuel Macron a ensuite évoqué le dossier des essais nucléaires et l’« ombre » qu’ils constituent dans cette histoire commune. Tout en assumant pleinement que la France soit dotée de l’arme nucléaire face à des « puissances dangereuses », le Président a reconnu la dette de la nation à l’égard de la Polynésie française, pour avoir abrité les essais, « en particulier entre 66 et 74, dont on ne peut absolument pas dire qu’ils étaient propres ». Il a néanmoins affirmé que les scientifiques et militaires n’avaient pas menti et pris les mêmes risques que les populations, ce qui a pourtant été démenti à plusieurs reprises.

Pour briser le « silence » trop longtemps entretenu par la France sur ce dossier, Emmanuel Macron a annoncé l’ouverture des Archives nationales et promis de faire avancer les indemnisations aux victimes. Selon lui, en Polynésie, « on a payé des tas de choses, parfois des tas de gens », mais « pas les victimes ». Dans les prochaines semaines, une mission devra également se pencher sur le développement en Polynésie des compétences en oncologie, en recherche et traitements pour les cancers.

Ludovic MARIN / AFP

Indo-Pacifique

Le chef de l’État a ensuite dépeint à ses compatriotes l’avenir qu’il envisage dans le cadre de son projet indo-pacifique, déjà présenté à Nouméa. Une stratégie qui défend le développement durable, la liberté, la souveraineté de chacun dans le Pacifique avec les alliés que sont l’Australie, la Nouvelle- Zélande, l’Inde ou le Japon. « Les Polynésiens, les Calédoniens, les Wallisiens et Futuniens ont une part essentielle dans ce destin, a-t-il redit. Vous êtes au cœur, au cœur des guerres, de pressions d’influences qui iront croissantes. Être Français, ici, dans ce contexte, est une chance ! ».

Il a mis en garde contre les « incursions de puissances hégémoniques » déjà observées en Polynésie par le biais de projets « exotiques », « aux financements incertains » et « aux créations d’emplois improbables » invitant chacun à regarder l’exemple du Vanuatu.

Dans les temps qui s’ouvrent, a-t-il expliqué, « malheur aux petits, malheurs aux isolés », une phrase attribuée au général Lecointre, reprise en Nouvelle-Calédonie par Thierry Santa. Emmanuel Macron a assuré que la Polynésie serait protégée et avec elle ses pêcheurs, ses intérêts économiques, ses câbles, les satellites et notre souveraineté. Le Président a parlé de « lucidité » et promis qu’il avait « d’immenses ambitions pour notre pays, dans toute la région ».

*La Polynésie a reçu 230 000 doses du vaccin Pfizer. 110 000 d’entre elles, inutilisées, seront périmées en septembre. En plus du milliard et demi d’euros apporté annuellement à ce territoire « où beaucoup ne contribuent pas », plus de 600 millions d’euros ont été investis en prêts garantis par l’État et 180 millions en Fonds de solidarité. 300 millions d’euros seront encore accordés sous forme de prêts, notamment pour accompagner la compagnie aérienne Air Tahiti Nui.

 Ludovic MARIN / AFP

« Wallis-et-Futuna ne sera pas séparé de la France »

Lors d’une allocution dédiée à Papeete, le 29 juillet, Emmanuel Macron a adressé un message aux Wallisiens et Futuniens pour leur « jubilé de diamant », les 60 ans du rattachement à la France. Une délégation locale l’accompagnait d’ailleurs en Polynésie puisqu’il n’a pas pu faire le déplacement comme prévu.

Ce territoire, le plus éloigné de la capitale, « mérite de la part du chef de l’État une attention particulière ». Il a insisté, là encore, sur les liens indéfectibles qui le relient à la nation toute entière. Des liens d’histoire, de sang, de solidarité, de famille. Il a salué l’engagement des Wallisiens et Futuniens pour la nation. Et insisté dans le même temps sur le soutien de l’État : sa « mobilisation exceptionnelle » lors de la crise sanitaire avec l’envoi de vaccins, de matériel et de professionnels de santé (121 réservistes nationaux), 400 millions d’euros de crédits apportés à l’Agence de santé pour couvrir les dépenses liées à la crise. « La capacité collective », « la solidarité nationale » ont permis de « surmonter cette épreuve ». L’appui de la nation se poursuivra et chacun est appelé à se faire vacciner.

Il a ensuite évoqué différents chantiers : le câble sous-marin, l’hôpital de Futuna, le lycée, la réflexion sur le statut du territoire, très atypique. « Cette spécificité n’implique pas fixité. Elle gagnerait sans doute à s’enraciner davantage dans la République », a t-il jugé.

Emmanuel Macron a enfin expliqué avoir conscience des inquiétudes de ceux dont « les familles habitent en Nouvelle-Calédonie et pourraient être séparées par une frontière nouvelle si le Oui à l’indépendance l’emportait ». Et des questions concrètes qui se posent sur les dé- placements, la formation des jeunes, la santé, l’unité des familles…

Il a assuré qu’« après 60 ans de route commune, Wallis-et-Futuna ne sera pas séparé de la France […] La France sera là, prête à trouver toutes les solutions utiles pour que ce territoire […] soit toujours plus fort ».


Nouvelle-Calédonie : « Un destin qui devra rester commun »

Dans son message, plus bref, aux Calédoniens, qu’il avait rencontrés en 2018, le Président a dit sa « grande confiance » en l’avenir, en leur capacité à poursuivre le dialogue commencé il y a 30 ans. Il a évoqué le document de l’État sur les conséquences du Oui et du Non destiné à éclairer le choix des Calédoniens. « Chacun se décidera en conscience. Mais comme je l’avais dit à Nouméa, la France serait moins belle sans la Nouvelle-Calédonie ». Avant de conclure : « il faudra construire, quoi qu’il arrive, d’ici juin 2023, les institutions durables d’un destin qui devra rester commun ».

C.M.