Électricité : pourquoi la facture va s’alourdir

Dès le mois d’avril, le tarif de l’électricité augmentera pour la moitié des Calédoniens afin d’éviter la cessation de paiement qui menace Enercal. Le gouvernement a acté cette hausse le mercredi 23 mars. Explications.

♦ Quelle augmentation et pour qui ?

La hausse progressive des tarifs de l’électricité concerne les clients, particuliers et professionnels, qui ont souscrit à une puissance supérieure à 3,3 kVA. Elle se fera en trois temps : + 4 % en avril, + 4 % en octobre et + 3 % dans un an, en avril 2023. Exemple sur une facture moyenne mensuelle de 12 000 francs : l’augmentation est de 480 francs en avril, 500 francs en octobre et 370 francs en avril prochain, soit une hausse globale de près de 1 400 francs pour atteindre 13 370 francs.

Cette majoration ne concerne pas les clients qui ont une puissance inférieure ou égale à 3,3 kVA, précise le gouvernement, qui assure que les foyers les plus fragiles sont protégés, « et même au-delà, puisque c’est finalement la moitié d’entre eux qui sera épargnée » par ce changement.

♦ Un système déséquilibré

« Le rapport entre la vente et l’achat fait que les recettes ne sont plus suffisantes pour financer l’équilibre du système. Se rajoute à cela la question du rachat de la production des installations photovoltaïques, plus cher que l’énergie fossile, qui accentue le déséquilibre », explique Adolphe Digoué, membre du gouvernement en charge du système électrique.

Depuis 2008, indique Enercal, « pour maintenir inchangé le prix de vente aux consommateurs et protéger les marges des producteurs et des distributeurs, Enercal-Transport vend l’électricité aux distributeurs à un prix inférieur à celui auquel il l’achète aux producteurs ».

C’est pour contrebalancer la perte de recettes que la Nouvelle-Calédonie a instauré une composante de stabilisation en 2013 qu’elle devait verser chaque année. Or, elle ne l’a jamais été.

♦ Éviter la cessation de paiement

Les tarifs sont identiques depuis 2008 « alors que l’inflation s’est envolée », précise Enercal. Cela a induit « un déséquilibre du système tarifaire de l’électricité, les recettes perçues ne couvrant plus les dépenses ». Le déficit a atteint 6,4 milliards de francs en juin 2021 et devrait s’élever à près de 11 milliards de francs d’ici la fin de l’année, notamment en raison de l’impact de la crise en Ukraine sur les cours du charbon.

Mais alors pourquoi le gouvernement ne s’est jamais acquitté de la composante de stabilisation ? « Ce sont des choix politiques, estime Adolphe Digoué. On ne serait pas dans cette situation si elle l’avait été. Et si on n’augmente pas aussi les prix, Enercal est en cessation de paiement au mois de juin. » Le gouvernement va également octroyer une première subvention (inscrite au budget 2022) d’un milliard de francs à Enercal.

♦ « Une augmentation temporaire »

« L’application conjointe de ces mesures permettrait un retour à l’équilibre en 2024 », estime Enercal. À ce moment-là, « le développement de nouvelles installations photovoltaïques qui vont intégrer le réseau va permettre d’acheter de l’électricité moins chère, affirme Adolphe Digoué. Cela devrait rééquilibrer le système et permettre une baisse des prix. Cette augmentation est temporaire. » À condition aussi de baisser les coûts de production, de moins recourir aux productions thermiques et de maîtriser les consommations d’électricité. Et il n’est pas dit que cela suffise. Le gouvernement considère que si la crise en Ukraine devait avoir « des répercussions durables sur les prix des combustibles, d’autres solutions devraient être trouvées afin de résorber le déficit ».

 


Enercal

Enercal est à la fois le premier producteur d’électricité (y compris de source renouvelable), le seul gestionnaire du réseau de transport (la mission lui a été confiée en 1972 : il achète l’électricité aux producteurs selon un tarif fixé par le gouvernement et l’achemine jusqu’aux communes où il la vend aux distributeurs à un prix également déterminé) et un des deux distributeurs avec EEC.

Pour faire face au non versement de la composante de stabilisation, l’entreprise a notamment réalisé des économies d’échelle et eu recours à l’emprunt bancaire, qui a triplé ces dernières années.

 


Le modèle tarifaire

Le modèle tarifaire régule, depuis 2013, la distribution publique d’électricité et fixe la rémunération de l’ensemble des acteurs du système électrique : producteurs, distributeurs et le gestionnaire du réseau de transport. Il prévoit que tout déséquilibre financier soit comptabilisé dans la composante de stabilisation.

 


L’Éveil océanien soutient, l’Avenir en confiance critique

Dans un communiqué, les élus de l’Éveil océanien estiment que la situation d’Enercal met « en péril l’électrification du pays ». D’où « la révision des tarifs à la hausse » pour laquelle le groupe a voté, d’autant qu’elle
« ne touche pas les foyers précaires ».

Les élus de l’Avenir en confiance s’y sont, eux, opposés. Ils regrettent que « la majorité indépendantiste vienne une nouvelle fois pénaliser les consommateurs alors que d’autres solutions ont été proposées », notamment dans le cadre de discussions avec l’État sur le financement de la transition énergétique. « C’est un nouveau coup dur porté au pouvoir d’achat des Calédoniens. »

 

Anne-Claire Pophillat (© A.-C.P.)