[EDITO] Retour aux sources

Le phénomène n’était pas forcément prévisible dans un tel contexte de troubles. Des familles, des jeunes et des personnes seules, habitant dans les quartiers de Nouméa et du Grand Nouméa, ont décidé par choix ou par nécessité de retourner vivre en tribu, après les émeutes du 13 mai.

Le lien avec la ville et ses lumières est rompu. Le mouvement, temporaire ou définitif, n’est pas encore quantifiable évidemment, mais est bien réel. Le recensement de la population de la Nouvelle-Calédonie, attendu en 2025, permettra de préciser le nombre de Calédoniens concernés, leur déplacement sur le territoire… Mais, pourquoi bouger ? Les raisons sont multiples et cumulables.

La mise en sécurité, tout d’abord. Les affrontements sont intervenus dans la « capitale » et son agglomération, et très peu en Brousse. Des mamans très inquiètes pour leurs enfants sur les trottoirs de Dumbéa ou du Mont-Dore ont fait les valises et pris la route pour un endroit plus sûr. Des parents ont en outre perdu leur travail à la suite d’incendies ou de dégradations d’entreprises. Les revenus ont de fait nettement baissé dans le foyer. Le loyer tout comme l’alimentation deviennent plus difficiles à payer. Le retour en tribu offre un toit, un travail communautaire et des cultures, si tout est anticipé et fait dans les règles de la coutume.

Troisième cas de figure, le dégoût. Des pères et mères, lassés par tant de violences peu propices à l’épanouissement de leurs progénitures, veulent changer radicalement d’environnement. Plus de vert, moins de gris sur les murs. Cette migration n’est pas sans conséquences. Pour les tribus, déjà, qui doivent s’adapter. Pour les communes, ensuite, qui ont la tâche d’accueillir les nouveaux élèves dans les écoles, réviser l’approvisionnement des cantines… Et sur le plan social ?

La société calédonienne déjà fissurée par l’insurrection de mai pourrait voir son projet essentiel de vivre-ensemble perdre encore des plumes. Une nouvelle fois, les politiques tant au niveau communal que territorial devront servir les bons discours pour tenter de rassembler.