Économie verte : un poids encore limité, mais un potentiel considérable

L’Institut d’émission d’outre- mer (IEOM) s’est intéressé dans une récente enquête au poids, aux enjeux et potentiels des activités économiques vertes en Nouvelle-Calédonie.

Après l’économie bleue en 2016, l’IEOM livre une étude inédite sur l’économie verte en Nouvelle-Calédonie avec un focus sur les énergies renouvelables, la gestion des déchets, l’assainissement et les ressources naturelles. En 2017, 1 544 entreprises exerçant des éco- activités* étaient recensées sur le territoire pour 3 500 emplois, soit 3,1 % des entreprises, ce qui le place au deuxième rang à l’échelle ultramarine, derrière La Réunion.

Le poids de ce secteur est donc encore relativement limité, mais le développement est en cours et monte en puissance grâce notamment à une « réelle ambition des pouvoirs publics », observe l’IEOM. Sans surprise, le potentiel de l’économie verte en Nouvelle-Calédonie est jugé comme étant immense : « l’exceptionnel écosystème » et « l’étendue de ses richesses naturelles » « offrent un potentiel de création de richesses notables pour de nombreux secteurs ».

Le boom des énergies renouvelables, du photovoltaïque en particulier

Dans son schéma pour la transition énergétique adopté en 2016, le territoire s’est donné des objectifs « ambitieux », rappelle l’IEOM : 100 % de la distribution publique d’électricité issue des énergies renouvelables d’ici 2025, un investissement pour ce programme de 115 milliards de francs. Dans ce cadre, de nombreux projets ont déjà vu le jour ou sont en cours.

Mais les énergies renouvelables restent encore très minoritaires dans le mix électrique du pays qui a la particularité d’être « très contraint » par l’importante consommation de l’industrie. Le mix repose essentiellement sur la consommation de combustibles fossiles, plus de 86,5 % en 2017 dont l’industrie est le principal consommateur. Les énergies renouvelables représentent 13,5 % de la production totale d’électricité contre 18 % en Métropole, 37 % en Polynésie française. 11,2 % de notre énergie proviennent de l’hydroélectricité (Yaté, Néaoua, Thû…), 1,4 % de l’éolien (six parcs), 0,9 % du solaire, et 0,01 % de la biomasse (centrale de coprah à Ouvéa…).

Le photovoltaïque en particulier s’envole. Il représente moins de 7 % du mix d’énergies renouvelables du territoire, mais se développe rapidement depuis 2015. 25 fermes solaires sont en activité et les installations photovoltaïques de toiture des entreprises, des particuliers et dans l’habitat collectif se multiplient.

Lifou est l’île la plus avancée avec 51 % d’autonomie énergétique alors qu’en 2015, 90 % de sa production électrique étaient d’origine fossiles.

Prise de conscience sur l’assainissement et la gestion des déchets

La Nouvelle-Calédonie a récemment pris conscience des enjeux de la gestion des déchets et de ses « carences » en matière d’assainissement, poursuit l’institut. Les provinces se structurent et conduisent un « rattrapage » du retard constaté par les travaux du schéma NC 2025. Le travail est colossal et les contraintes, encore une fois, sont réelles.

La filière des déchets souffre de « l’étroitesse de son marché » et de « la difficulté à atteindre les tailles nécessaires à la diminution des coûts unitaires ». Comme dans la plupart des outre-mer et davantage qu’en Métropole, la solution de traitement des déchets ménagers la plus utilisée reste l’enfouissement. La partie restante est soit valorisée (82 655 tonnes en 2017 dans le Grand Nouméa) soit exportée (44 682 tonnes à l’échelle du territoire).

La production des déchets ménagers et assimilés baisse dans le Sud, mais augmente dans les îles. La production des déchets non dangereux des entreprises progresse et le BTP engendre une production importante de déchets inertes (800 000 tonnes chaque année en province Sud quasiment intégralement enfouies).

Parmi les points positifs, l’IEOM relève, dans le Sud, la mise en place du recyclage depuis 2008 de certains déchets (huiles, pneus, piles, équipements électriques et électroniques, etc.) avec un principe de « responsabilité élargie des producteurs » (REP), l’ouverture de déchèteries de proximité et dans le Nord, une amélioration du taux d’abonnement au service de collecte (55 % en 2018). D’importants efforts d’équipements en matière de stockage ont été faits et des projets innovants continuent d’émerger. L’IEOM souligne qu’une « plus grande sensibilisation des acteurs à l’intérêt du tri et une coordination plus importante des modes de collecte (voire une mutualisation au plan régional et territorial) seraient probablement bienvenues ».

En matière d’assainissement, le pays se heurte à « l’étendue du territoire et à la faible densité de certaines zones ». Au cours des dernières années, le taux de raccordement est passé de 30 % à 60 % à Nouméa. Il atteint 70 % à Dumbéa. Dans la zone VKP, la capacité épuratoire a été multipliée par trois entre 2010 et 2018. Dans les îles, l’assainissement est exclusivement individuel. Le schéma de transition énergétique prévoit 95 % d’épuration des effluents domestiques d’ici 2030.

Ressources naturelles

L’IEOM constate que le territoire doit composer avec des contraintes spécifiques, l’importance de l’industrie du nickel – énergivore, un marché étroit sur une étendue importante, et également une organisation territoriale particulière où la multiplicité des acteurs et des modes de fonctionnement complexifie grandement les choses. Mais l’ambition est là, les activités se développent et les potentiels et les enjeux économiques et sociétaux autour de l’économie verte sont « dans une large mesure identifiés ».

Plus largement, la Nouvelle-Calédonie bénéficie d’une richesse terrestre et maritime lui permettant de se « positionner comme éco-territoire » et offrant des opportunités de développement économique pour de nombreux secteurs tels que le tourisme, la pêche, l’aquaculture, la biotechnologie et l’industrie pharmaceutique, les énergies renouvelables et minérales ou encore la recherche. Le territoire pourrait profiter, selon l’IEOM, de l’essor des énergies vertes à l’échelle mondiale, à travers la hausse induite de la demande des ressources nécessaires par exemple à la production des batteries au lithium.

Mais si l’on veut s’inscrire dans une stratégie de long terme, vertueuse, la préservation des ressources naturelles engagée par les trois provinces, le gouvernement et les acteurs locaux (protection des espèces, réserves naturelles, parc naturel de la mer de Corail, revégétalisation des sites miniers, projet Lucy, etc.) constitue une nécessité, conclut l’IEOM dont le rapport complet est disponible sur son site internet.

 

*Les éco-activités produisent des biens ou des services ayant pour finalité la protection de l’environnement ou la gestion des ressources naturelles. Les activités périphériques sont celles dont la finalité n’est pas environnementale, mais qui produisent des biens et des services favorables à la protection de l’environnement ou à la gestion des ressources naturelles (gestion de l’eau potable, isolation des bâtiments, développement des transports sobres etc.) Au total les éco-activités et les activités périphériques représentent 3 924 entreprises et 5 502 emplois en Nouvelle-Calédonie.


L’eau, les bâtiments, les transports… d’autres vecteurs de développement

Parmi les activités dites « périphériques », la politique de l’eau est un enjeu majeur dans un territoire où la consommation par jour et par personne est particulièrement élevée (300 litres à Nouméa contre 150 litres en moyenne en Métropole) et les besoins en eau pour l’agriculture importants. La politique de l’eau vient d’être validée au Congrès. Le transport des marchandises et des personnes, au second rang en termes de consommation d’énergie après les mines et la métallurgie, fait l’objet de quelques initiatives favorables (amélioration du parc automobile, charte de l’éco-mobilité, plans de déplacement des entreprises, déploiement des pistes cyclables) tout comme le monde du bâtiment (label HQE, nouvelles normes prévues pour juin 2019).